La forêt est silencieuse. Tous les soldats envoyés sur le front sont morts de trouille. Ils savent que cette opération sera vaine et que la moitié d'entre eux ne rentreront pas vivants au campement. Mais les ordres, ce sont les ordres. Ils n'ont pas le choix. Ils doivent accepter leur destin et respecter les décisions qui viennent d'en haut.
A quelques mètres de là, les allemands se cachent et n'attendent qu'une chose. Les gazer. Colin et Gus le savent. Il sentent le froid de la forêt s'insinuer en eux. Pourtant, ils transpirent. La terreur leur colle à la peau. Colin soutient Gus du regard. Il veut lui transmettre un peu de sa force. Faire équipe avec son meilleur ami de toujours est un cadeau empoisonné et malsain. Colin sait qu'il est aux premières loges pour voir son ami sombrer petit à petit dans la folie et perdre chaque jour de son insouciance. Là, dans cette forêt, Gus n'a plus rien d'insouciant. Il se colle contre la mousse humide, tente de se confondre avec le décor.
Colin est aux aguets. Il guette le moindre bruit, la moindre respiration. Il est responsable de son groupe et aujourd'hui, sa mission est d'amener tous ses hommes vers cet entrepôt rempli de gaz mortel. Malheureusement, malgré toute la bonne volonté du monde, Colin sait que cette mission ne sera pas honorée. Ses hommes vont tomber comme des mouches et il n'aura pas le temps de leur dire adieu. De les remercier pour tout ce soutien et ces heures passées ensemble. Il en a conscience. Pourtant, il n'a pas le choix.
Colin jette un coup d'œil à Gus, tapi à quelques millimètres de lui. Il croise son regard et tout chavire. Ce qu'il vient de lire dans ce regard ne lui plaît pas du tout. Gus n'est déjà plus vraiment là. Son corps est prêt à combattre, mais pas lui.
Cela fait maintenant plusieurs minutes que la forêt est calme. Tous ces hommes ne peuvent plus faire machine arrière. Ils doivent avancer. Colin donne ses ordres et s'élance à son tour.
- Allez les gars, on avance, on avance ! On va l'atteindre cette putain de réserve !
Bien évidemment, la riposte tant redoutée ne se fait pas attendre. A peine les soldats français ont-ils fait quelques pas que les allemands les mitraillent sans relâche. Alors, à ce moment-là, le silence de la forêt n'est plus qu'un lointain souvenir. Les balles pleuvent. Les rafales de balles ne laissent aucun répit. De chaque côté, des ordres sont criés, des soldats hurlent de douleur, les branches des arbres craquent sous les semelles épaisses. Colin et Gus arrivent à se protéger derrière un tronc d'arbre. Ils entendent les balles siffler à quelques centimètres de leurs oreilles. Ils voient leurs camarades tomber. Certains se relèvent, d'autres pas. Les allemands sont plus nombreux, plus forts, mieux entraînés. Leurs armes sont aussi plus récentes et infiniment plus destructrices. Pourtant, il ne faut pas s'avouer vaincu. Couvert par Gus, Colin parvient à rejoindre les tranchées.
Tout à coup, les tirs s'arrêtent. Ce répit n'est bien sûr qu'un leurre, une façon de faire davantage monter la pression et l'angoisse. La forêt redevient silencieuse. Les allemands ne sont pas visibles, pourtant, malgré la puissance de leurs balles, ils se cachent tout près. Peut-être même juste derrière un buisson ou un talus.
Seules les respirations saccadées des soldats se font entendre. Ceux ayant survécu à l'attaque ont réussi à rejoindre les tranchées. Les murs de terre sont une bien mince protection, mais ils donnent l'impression d'être protégés. C'est ce sentiment de soulagement qu'attendent les allemands pour relancer l'attaque. Et ils ne traînent pas. En une seconde, leurs balles fendent l'air, déchirent les tympans et atteignent le plus souvent leur cible.
Gus sait qu'ils n'arriveront jamais jusqu'au hangar, que c'est peine perdue. Mais il entend quand même Colin leur crier d'avancer, face aux balles ennemies, de riposter. Pour la France.
Gus sent son arme au bout de son bras. Trop lourde. Trop encombrante à manipuler. Il trébuche dans la tranchée, manque de perdre l'équilibre. Son fusil le gêne. Il n'est pas libre de ses mouvements. La peur et la folie commencent à coloniser son cerveau. Mais malgré tout, il se laisse guider par son instinct animal. Il fait quelques pas, braque son fusil devant lui. Colin, lui, est déchaîné, arme en avant. Il se montre, défie les allemands de son regard bleu acier. Ce regard, croise à nouveau celui de Gus. Colin n'a qu'une seconde pour penser que Gus est absent. En effet, son ami d'enfance regarde autour de lui, hébété, le souffle court, la bouche entrouverte. Ses mains tremblent. Tous ses camardes de section s'activent. Tout continue de bouger, de tourner, mais pas lui.
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La mort de Gus - Les Combattantes
FanfictionLors de la série Les Combattantes, le jeune soldat Colin perd son meilleur ami Gus, sur le front. Ces deux personnages n'ont pas eu le temps de se dire "adieu". J'ai voulu leur offrir cette chance. J'ai repris les éléments de la scène déjà existante...