Prologue

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Le jour-J

"Un pas, deux pas, trois pas, quatre pas..." comptai-je dans ma tête.

Je ne savais pas exactement si ça me rassurait où me stressait encore plus, mais je comptais tout de même.

"Sept pas, huit, neuf, dix..."

- Ça va aller, tu verras. Et depuis quand t'as peur toi ? T'en as affronté des trucs, t'es plus à ça près.
- T'as raison, j'suis plus à ça près.

Des pas qui me rapprochaient doucement de la fin de ma vie d'ici et du début de ma vie de là-bas. En espérant que mes malheurs ne prennent pas l'avion avec moi. Ça ne pourra pas être pire, de toute façon.

La veille

Un courant d'air caressait mes longs cheveux bruns. Le regard vers l'extérieur comme à mon habitude, je n'écoutais pas un mot de ce que Monsieur Steeven pouvait bien raconter, en ce dernier jour de ma deuxième année dans cette université - et aussi la dernière. Plus passionnée par le beau Jonas que par la vie politique au seizième siècle, j'attendais patiemment que la cloche ne sonne la fin des cours, et de mon calvaire par la même occasion.

Après la sonnerie, j'attrapai vivement le sac à main qui me faisait office de sac de cours et me dirigeai lentement vers le couloir. Hors de ma salle de cours, je fus presque émue de quitter cet endroit miteux. Presque. Je redescendis très vite de mes pensées lorsque quelques étudiants qui, comme moi, avaient hâte d'être en vacances, me bousculèrent.

Je me poussai sur le côté afin d'éviter un groupe de jeunes en furie. Je soufflai un coup en replaçant une mèche brune derrière mon oreille gauche. Une fois le couloir légèrement dégagé, je saisis enfin mon courage à deux mains et sortis de cet enfer appelé : "université".

D'habitude, le vendredi après les cours, j'allais voir ma psy. Je n'étais pas folle, juste "psychologiquement affaiblie" selon tous ces cons. Et pour avoir plus d'informations, il suffisait de demander à mon médecin, qui se faisait une joie d'expliquer à tout le monde - surtout à mes parents - à quel point j'étais perturbée par la mort de ma petite soeur.
C'est vrai que c'est ridicule, qu'est-ce que ça peut bien changer dans ta vie, la mort de ta petite soeur ?

M'envoyer raconter à un inconnu mes problèmes n'était pas la solution. Sérieusement, quoi de mieux que des fous pour rendre fou quelqu'un ? Osez me dire que les psy ne sont pas "psychologiquement affaiblis" eux aussi, après avoir passé leur vie à écouter des gens parler de leurs problèmes.
Mme Faith avait beau être très gentille, elle était aussi dérangée que je pouvais l'être.
Et j'étais contente de quitter cette vieille femme.

Je montai dans mon bus pour la dernière fois avant un bon moment et enfonçai mes écouteurs dans mes oreilles. La musique était devenue ma meilleure amie, à égalité avec tout ce qui pouvait être comestible. Elle était ce qui me permettait d'être seule, sans pour autant le ressentir. C'était reposant, apaisant, et c'était devenu vital pour moi depuis que Noah nous avait quittés.

Après ce court trajet, je rentrai chez moi pour boucler mes valises. Je montai dans ma chambre et finis de ranger mes dernières affaires.

Mon téléphone sonna, et pour la première fois depuis longtemps, un autre nom que "maman", "papa", "Mme Faith" ou "James" s'afficha sur mon écran. Surprise, je saisis mon portable et le déverrouillai.

Messages

Lizzie Everarts
Salut Skylar, j'ai appris que tu quittais l'université. Je voulais m'assurer que c'était la vérité avant de remettre ta place dans l'équipe à quelqu'un d'autre.

Lizzie était la capitaine de l'équipe de cheerleaders. Lors de ma première année et du début de la seconde, j'en avais fait partie à ses côtés. Elle avait été mon amie, jusqu'à ce que tout ne change. Je n'étais plus allée aux entraînements depuis janvier, soit il y a six mois, mais elle avait conservé ma place "au cas où tu voudrais reprendre le cours de ta vie, un jour."

Je soupirai lourdement en répondant qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait de ma place et je lui souhaitai de bonnes vacances, poliment.

Cette année, je ne partais pas en vacances. Plutôt que de continuer à faire souffrir mes parents avec ma pseudo-dépression - pour reprendre les mots de mon abruti de médecin - et voir Mme Faith se dégrader en même temps que moi, j'avais décidé de partir. Du haut de mes dix-neuf ans, j'allais intégrer un internat réputé, à 3h30 d'avion de chez moi.

"C'est une école prestigieuse pour les jeunes talents comme toi " me rappelait régulièrement mon père, pour sans doute être sûr que je ne change pas d'avis. Sans me vanter, j'avais toujours eu une facilité dans le domaine de la danse. Une chance que je sois douée pour une chose dans ma vie, elle était déjà assez déprimante comme ça.

James, mon voisin, se tenait devant la porte de ma chambre, un sourire carnassier au bout des lèvres. Je levai les yeux au ciel.

- Qu'est-ce que tu fous là ? soupirai-je sans le regarder.
- Je t'accompagne à l'aéroport, pétasse.

C'était mon surnom d'autre fois qui reflétait simplement ce que j'étais : une pétasse. Je l'avais toujours appelé connard parce que c'était ce qu'il était. Un beau duo d'enfoirés.

Je ne dis rien ; il n'aurait pas lâché l'affaire de toute façon. James était le seul qui continuait à me coller aux baskets après tout ce qu'il s'était passé, comme si j'avais du miel au cul. Il était tout le temps là, surtout quand je ne voulais pas de lui. Et même si jamais je ne l'avouerai à voix haute, cela me faisait du bien de savoir qu'au moins, j'avais un véritable ami.

Après avoir fini mes bagages, je pensai à faire mes adieux à mes autres amis, puis je me rappelai que je n'en avais pas. Alors, dans un dernier soupir, je saisis mes valises avec l'aide de James et on monta dans ma voiture avec mes parents.

J'étais trop jeune pour me lamenter sur mon sort et il était temps que je me réveille. Perdre ma petite soeur avait été dur, mais voir ma mère à l'hôpital après une tentative de suicide m'avait fait un électrochoc.
Si je ne me reprenais pas, personne ne le ferait pour moi et mes parents ne pourraient pas passer à autre chose.

Même si la vie semblait vouloir s'acharner contre moi, elle n'avait pas idée de tout ce que j'étais capable d'encaisser.

[...]

Nous avions roulé une bonne partie de la nuit. James dormait à côté de moi et je fus obligée de le secouer comme un pommier pour qu'il ne daigne ouvrir les yeux. Finalement réveillé, il nous suivit dans le silence le plus complet à l'intérieur de l'aéroport.

"Un pas, deux pas, trois pas, quatre pas..." comptai-je dans ma tête.

Je ne savais pas exactement si ça me rassurait où me stressait encore plus, mais je comptais tout de même.

"Sept pas, huit, neuf, dix..."

- Ça va aller, tu verras. Et depuis quand t'as peur toi ? T'en as affronté des trucs, t'es plus à ça près, murmura t-il.
- T'as raison, j'suis plus à ça près.

Des pas qui me rapprochaient doucement de la fin de ma vie d'ici et du début de ma vie de là-bas. En espérant que mes malheurs ne prennent pas l'avion avec moi. Ça pourra pas être pire, de toute façon.

Mon père me serra très fort dans ses bras, ma mère l'imita juste après. James sembla hésiter, puis fit de même.

- Si je suis resté six mois sans te lâcher alors que t'as pas arrêté de me repousser, je suis capable de tenir encore plusieurs années, que tu sois à l'autre bout du pays ou pas. Donc n'essaies même pas de m'oublier, je ne t'en donnerai pas l'occasion, pétasse.

Il me lâcha après avoir chuchoté ces mots et me laissa prendre ma vie en main et monter dans ce putain d'avion.

Falling from SKY - Contrat avec DREAMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant