La Maison De Plomb

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Sous ses yeux se balançait encore la charogne du pendu,tel un pendule tout dans la chair tourné, suspendudans le vide poussiéreux du long grenier étriqué.Qu'il était laid mi-décharné, par le temps qui l'a racléde sa lame la plus savoureuse, tant que des lambeauxde peau grise, se décollant ci et là, au sol traçait un anneau.Son costume et sa cravate, depuis longtemps corrompuspar la mousse, champignon et vers jamais repût,ne se tachait que de sa noire salive qu'entre ses dentsils crachait sans cesse en les serrant, ainsi maudissant:


<<Serpents, sauterelles,Scorpions, scolopendres!Que craquent passerelles,Ses nuits allez leurs prendre!Rouillés les cous crochus,Brûlés les scarabées rampants!Qu'il se craque sous le pied fourchuPoint de nuits de tout son temps!>>

Et pire pour le pauvre Ephiolthos, qui le sait,

Il lui faut s'en approcher, aller le toucher, le poil hérissé,

en ses mains seule sera la clé, quelle puanteur,celle qu'il est venu chercher au sommet de cette horreur.




Comment, Diable arrivait-il ici? Depuis quand seulement?loin en ses mémoires lui reviennent subtilementle souvenir de sa famille au bord de l'eau, et tous rient.Des cannes à pêche, et les oisillons dans un arbres qui pillent.Soudain, Splash! Dans l'eau tête la première,Et un instant les pieds en l'air, sous le miroir en un éclair!L'instant suivant, sur les fesses et dans le noir, désorienté,Il émergeait dans un cagibi clos, on ne pourrait plus encombré.Il tâtât bien autour de lui, en quête de quelque porte de sortietrébuche, se griffe, tourne, peste, sur des choses se meurtritles mains, les genoux... Quand l'air se mit alors à manquer.Sortir, il le fallait de toute urgence! Sortir! Sortir!"De l'air... Respire! Se répète-t-il, Respire!"Quand enfin, au terme d'infernales rondes de bras hurlants,Une poignée de porte se laissât saisir et il ouvre dans un geste violent!

Alors qu'il prit quelques temps pour réapprendre à respirer

Et qu'enfin, avec grand peine, son cœur il réussit à dompter,Il réalisait dans un vertige progressif, vicieux et lent,qu'il errait alors dans un bibliothèque victime du temps,dont les immenses gondoles s'affaissaient ou s'effondraientdans un tapis de papiers jaunis et des poussière cendrée.D'une impasse à un cul-de-sac, d'un corridor à un couloir,Il explorait les rayons abîmés dédaliques seul dans le noirCar par les rares fenêtres ci et là dispersées, Nulle lune ni étoile le ciel ne transperçaient.Mais alors qu'un long moment passât ainsi, Et alors que depuis longtemps l'espoir avait fui,Entre deux étagères, l'une à l'autre adossées, Il aperçût une porte entrouverte, qu'il faillit passer.Mais point de soleil, point de vent, point de chants,Il arrivait dans un jardin de silence, hors du temps,tout de marbre et granit dressés, bancals et abîmésde fissures et mousses, que leur faims anonymisaient,sur un tapis de graviers. De Là il regardait.Sa prison étrange, domaine sombre qui le dardaitDu noir regard que ses fenêtres ternes lançaient,Toute de noirs habillée et parée, la maison de plombsemblait le juger, le défier, jouer la provocation..."Beau nid que voici,N'est-ce pas l'ami?-Qui? Les yeux rond cherchant, Qui enfin voici! Parlez, pitié, où es-tu l'ami?"Sur la seule croix dressée, au centre de la cour abandonnée,Quoi que n'en restait qu'un tronc de mousse colonisée,Un corbeau dont le plumage, sur l'encre du ciel se mariait,Se perchait en l'observant, lui parlant de sa voix enrayée.Ephiolthos suppliait, il lui fallait partir de ce lieu de nuit,de solitude et de silence; de lui indiquer un chemin, qu'il s'enfuit!Il lui avait alors dit que seul le vil Zabroguin,Dans le grenier consigné avec son chagrin, Tenait en ses mains un clé, seule du domaine.Aussi il lui indiquait une treille, à l'arrière, dans le jardin oubliéOù la route est au ronces et aubépines sèches en folles haies,Et dont la salsepareille était devenue du papierPar laquelle il pourrait grimper et y mettre le piedSi par un œil de bœuf il se faufilait,Et que la treille sous son poids ne se défilait.


Alors, le voici, après tant de folies, face au pendu.

L'odeur, horrible, rend l'étape d'autant plus ardue,Âcre et épaisse dans la gorge, allant de pairAvec l'écœurant bruit de grouillement de vers.Il le contourne comme un fauve prêt à bondiret dans son dos vois les mains liées à saisir.Mais le gris gardien serre son bien comme la vie qu'on perd!Il se débat, grogne, s'agite, vocifère et s'agrippe au bout de fer,Puis en un bruit gluant et sec à la fois, enfin extirpe la clé,Et quelques pans de peau que dans l'effort ses ongles ont raclés.Elle était grosse et massive, lourde et grossièrement moulée,D'un corps carré gravé, et de trois dents massives ondulées.Sur le corps, il pouvait lire ce qui avait été inscrit,Griffé dans la rage le mot "Cave" tissé de stries.Dans ce noir de conduit de cheminée, il court,Animé par un fol espoir qui à la raison est sourd,Et dévale les escaliers, saute dans le couloir du premier.Dans un pièce, un immense bureau noblement emmeublé,Ensevelit sous des montagnes chaotiques de papier,griffés de lignes et plans de machine folles dépliés.Dans une autre des milliers de drapeaux et voiles noires,Dans banderoles, des draps, pendus partout, écharpes et foulards.Puis de son pas redevenu naturel et prudent, Arrive aux escaliers que doucement il descend.De ce hall à la fresque de serpent ailée ornée, il aperçut un salon,De fauteuils en satin rouge et curiosités sur de noir laqués guéridons.Puis, redoutant de ne retrouver la folle bibliothèque, errant,il finit enfin dans une vaste et froide cuisine, au placard abondantde légumes, fleurs, fruits, racines, noix, champignons et épices odorants,Qui donnait sur un escalier. Lui aussi, bancal et délabré,Qu'il dût se convaincre de descendre, d'un pas mal assuré.




En bas, après les sacs de grains et les tableaux voilés, Et à côté d'une source à la gargouille en tête de loup ornée,Une massive porte, d'un pan lisse patiné, se tenait scellée, Semblable à un rempart imperméable, sans même une poignée.Ephiolthos, au plus profond de l'obscurité, insérât la clé dans la serrure,La tourne et tire, ouvre et entre, et en silence jure.Il rampe à présent, sous les arches brutes de pierres empilées,A même un sol de terre trop haut, se tortille pour se faufilerAu plus loin des fondements étroits, il rampe jusqu'enfin!Enfin il l'a trouvée, la sortie, sous ses yeux et ses mains!Un petit tunnel, large comme deux épaules, pas plus, grimpait vers un sommet frais, et duquel un vent mugit!Mais comme il en prit l'habitude, la voie en était aussi obstruée,de quelques massives roches qu'un séisme du passé fit ébouler.Alors depuis, il creuse, excave sa voie, et sans nulle lampe,Dans cette obscurité éternelle, sous terre il rampe, rampe, rampe...

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 11, 2022 ⏰

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