Le bien est l'ennemi du mieux

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Thème : perfection

Contraintes : 250-2500 mots / doit finir par le mot perfection

Texte :

Aujourd'hui est le grand jour. Le jour J. Appelez le comme vous voulez, mais aujourd'hui, je vais rencontrer Joy.

Joy est la sœur jumelle de mon meilleur ami, Isaac. Joy est aussi la fille la plus intelligente, la plus drôle, la plus gentille, la plus sympathique, la plus jolie...

Joy est la fille parfaite. Elle a de grands yeux en amande et de longs cheveux bruns foncés. Elle a une peau halée par le soleil, qui contraste agréablement avec la noirceur de ses pupilles.

Joy est la perfection, ou ce qui s'en rapproche le plus.

— Hé ! Si tu veux avoir une chance de la séduire, c'est maintenant ! crie Isaac à travers la cage d'escalier.

— J'arrive ! lui répondis-je, essayant de garder tout mon sang-froid pour ne pas m'évanouir sur le perron de ma porte.

Je descends lentement, prenant tout mon temps pour observer mon reflet dans le miroir.

Mes cheveux sont bien coiffés, mon T-shirt tout simple mais me représentant est propre, et mon pantalon noir est bien ajustée.

Je ne suis pas la perfection. Je ne suis pas Joy, après tous.

Une soudaine envie me prend de tout annuler pour changer ma coiffure, ma tenue...

Parce que comme on dit, le mieux est l'ennemi du bien. L'inverse sonne mieux, tiens. Dans tous les cas, je ne veux pas être bien, je veux être mieux.

— Jude, arrête immédiatement ce que tu fais. Tu es parfait, pas besoin de changer quoi que ce soit !

— Qu'est-ce qui te dit que je voulais changer mes vêtements ?

— Tous. Aller, viens, Joy va arriver.

Je le suis jusqu'à la gare, stressé et excité par l'arrivée imminente de celle que j'aime.

Je m'immobilise pour prendre le temps d'admirer la splendeur de l'endroit. Le bâtiment est vieux, très vieux. Ses spots lumineux -qui ont dû être rénovés il n'y a pas longtemps- illuminent le hall, nous présentant un cadre qui a gardé le charme de l'ancien avec tous le confort qui est possible dans le nouveau.

Le train arrive et nous nous dépêchons d'accéder aux quais. Je vois une jeune femme, éblouissante et nous faisant profiter de sa beauté et de son sourire hors-norme descendre de l'engin. Elle tire une valise bleue d'une main, la seconde étant encore dans le train, invisible pour moi.

C'est Joy.

Elle pose sont premier pied à terre, s'arrête et pose le deuxième. Sa dernière main nous apparaît, et je comprends.

Elle n'est pas seule. Un jeune homme aux cheveux verts descend, main dans la main avec ma chère amie.

Elle le regarde, des étoiles pleins les yeux.

Isaac me regarde, des étoiles bien différentes empreintes dans ses globes oculaires.

Je me dirige vers la sortie, pousse la grande porte et me retrouve dans le hall.

Joy. a. un. copain.

Des larmes se mettent à couler sur mes joues. C'est puéril, c'est ridicule et c'est gênant, mais c'est surtout inattendu. Après tous, elle a le droit de fréquenter qui elle veut. Je ne la contrôle pas.

Mais ça fait mal. Je me suis préparé toute la soirée pour rien. J'ai hésité sur ma tenue pour rien. J'ai consulté des milliers de sites traitant sur les relations sociales pour rien.

J'ai essayé d'être parfait, pour rien.

J'ai essayé d'être comme elle, pour rien.

Et ça me fait mal, très mal. La déception, la colère et la tristesse s'emparent de moi tandis que je quitte la gare, refoulant ces gouttes d'eau salées.

Je me dirige vers le parc se situant à côté de cet endroit maudit maintenant lié au malheur pour moi. Je vois un grand arbre, un arbre centenaire, qui croule sous le poids des feuilles reposant sur ses branches. Il a l'air fatigué, il a l'air sage.

Je m'avance vers cette majestueuse apparition, et m'installe à la naissance de son tronc. Un réseau de racines parcourent l'herbe humide, me fascinant complètement.
Et dire qu'il y a quelque secondes, je pensais la perfection humaine ; je me suis bien trompé !
Cet arbre n'est pas bien, il est mieux.

Je vois arriver Isaac. Il m'aperçoit et vient s'installer à mes côtés.

— Hey Jude... Je voulais te dire un truc. Le mec que t'as vu débouler avec Joy, c'est Julie. Enfin, c'était Julie. Tu te souviens de sa meilleure amie au lycée ? Maintenant, c'est Jules. Et il s'est teint les cheveux pour marquer le coup.

Je ne réponds rien, complétement hypnotisé par le grand arbre.

Joy, Julie, enfin Jules...

Trop. C'est trop compliqué.

Le mieux n'est pas l'ennemi du bien. C'est l'inverse.

Alors je reste là, à contempler ce chêne, l'incarnation de la quiétude, de la perfection.

780 mots

Recueil de textesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant