1. Trahison

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Elle était le dindon de cette ignoble farce, et personne ne prenait en compte son avis quant à la façon dont se déroulait les choses. Avait-on pris le temps de se demander si elle se sentait bien vis-à-vis de ce qui lui arrivait ? Absolument pas. Avait-on pris le temps de lui demander son accord pour quoi que ce soit ? En aucun cas. Calliope Hargreaves se sentait fulminer tandis que son père lui énonçait l'ampleur des dégâts à venir sur son existence, et au combien il était important qu'elle remplace sa sœur pour le bien de leur famille. Tout cela n'avait aucun sens. Pourquoi devait-elle être punie pour les bêtises de sa cadette ? Et d'autant plus doublement punie qu'elle se devait de subir les causes et les conséquences de l'égoïsme de Anabella.

« - Calliope, tu m'écoutes ? »

Avait lancé son père en se saisissant de ses épaules. Elle qui regardait jusqu'alors ses pieds tout en implorant n'importe quel dieu passant par-là de la sortir de ce mauvais rêve relevait le bout de son nez pour planter son regard dans celui de son paternel. Bien sûr qu'elle l'écoutait, elle ne faisait que ça depuis déjà plus d'une heure, mais plus elle l'écoutait plus elle trouvait la situation absurde et injuste. Elle n'entendait toutefois pas lui répondre car elle n'était pas bien certaine de ce qui sortirait de sa bouche. Entre sanglots et fureurs, supplications et invectives, elle préférait de loin le silence du mépris qu'elle dardait du regard sur son père. Tout du moins était-ce l'idée qu'elle se faisait de ce regard éploré qu'elle posait sur son père, et s'il n'y avait eu ses poings fermement fermés et ses joues rougies de colères, on aurait aisément pensé qu'elle allait tout simplement se mettre à pleurer.

La porte s'ouvrit alors sans que l'on eu invité qui que ce soit à entrer, et une cacophonie de rires mêlés à des propos guillerets envahirent l'espace naguère austère. Il s'agissait là de Anabella et leur mère qui s'agitaient sans commune mesure sans prêter la moindre attention à ce qui se déroulait sous leurs yeux. Elles étaient dans un autre monde, et s'il en était une qui se moquait bien du monde s'était Anabella.

C'était une jolie fille. Plus encore, c'était une fille qui se savait joli et qui savait jouer de ses charmes. De longs cheveux bruns et souples, de très grands yeux verts, un sourire à se damner, mais bien plus que cela une silhouette sans défaut. Elle avait cet air angélique qui, couplé, à un corps aux allures adolescentes donnaient au genre masculin un besoin protecteur vis-à-vis d'elle. Néanmoins, Anabella était aussi une sacrée vipère, et il n'était rien qu'on lui imposait sans qu'elle ne trouve une parade à l'affaire.

Les deux femmes cessèrent de piailler au moment même où elles remarquèrent leur présence. Anabella arborait ce sourire goguenard que Calliope trouvait si détestable, et leur mère détaillait la situation d'un air ouvertement désapprobateur. A l'évidence si elle pardonnait les écarts de la cadette, elle n'accepterait jamais les choix de vie son ainée. Calliope n'était rien d'autre qu'une déception à tous les égards, incapable d'être utile en société, pas même assez jolie pour être remarquable. Piquée au vif, Calliope leur tournait le dos pour aller jeter un coup d'œil par la fenêtre grande ouverte.

De l'extérieur, on pouvait entendre des voix s'élever tandis qu'on s'affairait à ranger d'énormes boîtes dans le coffre d'une voiture, le tout sous la houlette d'un homme fort charmant. Le ventre de Calliope se tordit de douleur tandis que leurs regards se croisaient mais elle se forçait à le fixer sans détourner les yeux. Il était hors de question qu'elle courbe l'échine face à lui. Néanmoins, indubitablement, il avait brisé quelque chose en elle. Louis Lugosi, ils avaient été fiancés si longtemps qu'elle n'avait jamais douté qu'ils en viendraient à se marier, et pourtant cela faisait déjà sept ans qu'ils étaient tous deux en âge de convoler et jamais rien ne s'était fait. Elle avait été idiote, elle aurait dû flairer l'embrouille plutôt que de se bercer d'illusions. Croisant les bras sous sa poitrine, elle continuait à le fixer et il finit par détourner le regard pour continuer à chapoter le casse-tête d'imbrications de valises et de boîtes trop grosses dans un coffre trop petit. Qu'il aille brûler en enfer.

« - Je suis tellement heureuse d'être enfin marié, et de ne plus devoir me cacher. »

Anabella avait volontairement commencé à parler plus fort, elle était bien moins écervelée que ce qu'elle laissait paraître, et n'était certainement pas sans savoir la scène qui se déroulait dehors sous les yeux de son aînée. Une véritable peste tout de rose poudré vêtue. On pouvait entendre ses petits talons claquer sur le parquet à chaque pas qu'elle faisait, et il n'était pas bien difficile de l'imaginer en train de virevolter autour de leurs parents en minaudant à sa façon.

« Je sais que ce que nous avons fait est mal, et que Calliope en souffre, mais nous ne pouvions taire notre amour plus longtemps. Cela aurait été mener à l'échec deux unions et ne vaut-il pas mieux qu'au moins l'une d'entre elles soit heureuse ? »

Calliope ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en entendant une telle excuse. Qui pouvait bien croire à de telles âneries ? Il n'était certainement pas question d'amour en ce qui concernait Anabella, elle n'aimait qu'elle et n'appréciait chez les autres que le bénéfice qu'elle pouvait en tirer.

« Ma chère enfant quel esprit avisé ! J'étais si inquiète à l'idée de te voir partir à l'est mais le Grand-Duché du Sud te sierra bien mieux ! »

S'en était trop ! Était-elle a ce point si détestable aux yeux de sa mère pour qu'elle ose fermer les yeux sur les agissements de sa cadette ? Était-ce si difficile de prendre son parti plutôt que de montrer ouvertement qu'elle n'était rien d'autres que le mouton noir de cette famille ? Ecœurée par toutes ces mièvreries insultantes, elle préférait de loin partir. Finalement se voir exiler à l'autre bout de Fedora n'était peut-être pas la pire des choses qui puisse lui arriver. Le duc était peut-être un monstre de tyrannie mais au moins ne portait-il pas un masque de faux-semblants qui ne faisait qu'attiser la rancœur qu'elle couvait envers sa propre famille.

« Vous m'excuserez, je préfère prendre congé. »

Et sans attendre, elle s'était arrachée à cette fenêtre qui lui avait servit de refuge durant quelques instants pour traverser la pièce. Elle avait tenté de ne pas marcher trop précipitamment, elle avait le menton haut, la poitrine dressée, le dos bien droit, et c'était avec dignité qu'elle entendait quitter la pièce. Une dignité qui ne tenait qu'à un fil tremblant mais qui devait tenir bon. On l'avait assez trainé dans la boue pour aujourd'hui, on avait bien trop piétiné son égo pour qu'elle puisse en supporter davantage.

« Nous n'avions pas terminé Calliope. »

Avait lancé son père tandis qu'elle ouvrait la porte. En quoi y avait-il encore besoin de discuter ? Personne ne prenait en compte les griefs qu'elle pouvait avoir contre sa sœur. Tous s'évertuaient à nier le problème parce qu'ils avaient trouvé en elle une solution acceptable. A dire vrai, elle n'avait pas l'impression de valoir plus que le plus vulgaire des objets. Alors, elle marqua un temps d'arrêt, pris une grande inspiration, et accepta sa situation.

« Si père, nous avions terminé, et s'il m'était possible de partir pour l'Est dès demain cela n'en serait que mieux. »

Et la porte se referma sur elle.  

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Bonjour les chatons!

Suite à une mauvaise manipulation, j'ai accidentellement supprimé le chapitre 1!

Rien de grave, on s'en remettra!

Je vous remercie en tout cas pour votre soutien!

Cruelle VoluptéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant