Je m'étais promis que je n'accomplirais jamais le travail de mon père démoniaque : polluer desâmes, pousser des humains à abuser de leurs corps avec des drogues et de l'alcool.J'avais été naïve de faire un tel vœu. En réalité, il y avait bien des choses au sujet desquelles j'avaisété naïve.La basse résonnait dans la pièce sombre où nous dansions tous. J'étais montée sur une table basse,faisant comme si je ne m'apercevais pas des regards fixés sur moi : la plupart étaient amicaux, voirepleins de désir, et d'autres me condamnaient ou m'enviaient. Ce soir-là, ma présence sur la tables'expliquait moins par le désir de me faire remarquer que par le choix du meilleur posted'observation. J'avais aperçu un démon chuchoteur en train de rôder et je devais être sur mes gardes.Je n'en avais pas vu depuis une semaine — la plus longue période depuis le sommet du Nouvel An.Jay et Veronica étaient quelque part dans les environs. Mes deux meilleurs amis humains formaientofficiellement un couple depuis quatre mois. Ils s'étaient enfin réconciliés après le réveillon duNouvel An, pendant lequel Jay avait embrassé mon amie Neph Marna, une des filles d'Astaroth, leduc de l'adultère. Marna avait un faible pour lui, mais elle l'avait embrassé en sachant qu'il y avaitdes sentiments très vifs entre lui et Veronica. Quoi qu'il en soit, ce qui s'était passé ce soir-là étaitdevenu tabou.Je me mis à chercher Jay et Veronica, mais ils devaient être au sous-sol en train de jouer aux cartes.Ils voudraient bientôt rentrer, mais je ne pouvais être vue en train de quitter une fête si tôt. Il n'étaitmême pas encore minuit.Et de nouveau, le chuchoteur apparut. Mon cœur se serra, mais je continuai de danser.Juste à ce moment, l'atmosphère pleine de vie et de plaisir s'alourdit, devint sombre et sinistre,tandis que cette présence vile se déplaçait tout le long du plafond comme une marée noire. Monestomac fut transpercé de terreur. Même après tout ce temps, les chuchoteurs me donnaient toujours lafrousse. L'esprit examina la foule, jeta un regard mauvais aux fêtards, qui étaient tout sourire, et sedéchaîna avec des sifflements mordants. L'agressivité se répandit parmi les danseurs. Des verresfurent renversés, il y eut des éclats de voix, et la bousculade commença.Je descendis de la table basse et me dirigeai vers la cuisine. Le démon, lui, changea de directionpour me suivre. Je fis semblant de ne pas m'apercevoir de tous ces gens qui tentaient de m'arrêterpour me parler, tandis que je traversais la foule.En l'espace de quelques secondes, le sombre chuchoteur fondit sur moi :Fille de Bélial, cette fête est vraiment trop triste, me dit-il.Je serrai les dents tout en réprimant un frisson par trop visible, alors que sa voix visqueuses'infiltrait dans mon cerveau. Tout ce que je voulais, c'était qu'il sorte de ma tête.Ouais, je sais, répondis-je par télépathie à l'esprit. Mais c'est sur le point de changer.On m'accueillit avec enthousiasme dans la cuisine, on me salua en criant mon nom et en levant desverres à ma santé.Mes camarades de classe m'avaient pardonné certains impairs, et celle que je fus avait étédéfinitivement oubliée. Ils avaient tout à fait adopté la fêtarde, quand elle s'était manifestée de manièresi peu naturelle six mois auparavant, comme une fleur forcée d'éclore en plein hiver.— Alors, quoi de neuf, vous tous ? leur demandai-je en affichant mon sourire le plus enjoué.Une semaine après le sommet, les démons chuchoteurs avaient commencé à me suivre à la trace.Pendant six mois. Chaque jour. Jusqu'à la semaine précédente. Je m'étais dit que c'en était peut-êtrefini. Peut-être avais-je fait mes preuves, et allaient-ils me laisser en paix ? Raté.J'avais été profondément surprise par mon brusque et féroce instinct de survie. En effet, mes yeuxavaient été dessillés ce soir-là, à New York. Ma vie avait un sens, j'avais un rôle à jouer. On m'avaitdéjà tant retiré : tout ce dont j'avais rêvé, tout ce à quoi j'avais aspiré jusque-là. Mais je refusaid'abandonner ma vie après tout ce que j'avais traversé, de sorte que je devins une vraie battante,malgré mon côté doux et angélique.Assoiffée de vie, je m'étais mise à faire la fête de manière presque désespérée. S'il y avait unesoirée, j'y étais. Il m'arrivait de boire — mais la plupart du temps, je faisais semblant ; je me mis àm'habiller à la mode, me fis faire trois perçages dans une oreille et deux à l'autre, sans compter unanneau au nombril. Et pour finir, je m'en remis à la coiffeuse la plus tendance, afin qu'elle fasse cequ'elle voudrait de mes cheveux, pourvu qu'ils restent blonds, très blonds. Parce que les blondess'amusent plus, non ? Je donnais l'impression de m'éclater.Comme c'est étrange, les apparences...— Nous ferais-tu des Baisers cochons ? me demanda une des filles.Lors d'une fête, j'avais inventé un cocktail que j'avais appelé « Baiser cochon ». Avec ce cocktail,qui était devenu ma marque de fabrique, une fois le contenu avalé, il fallait lécher le fond du verre àliqueur, dans lequel un peu de sirop au chocolat avait été versé.Du bout des lèvres, je soupirai de déception.— Je n'ai pas ce qu'il faut ce soir, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous préparer quelque chosede bon.Ils poussèrent des cris de joie, et le frisson de plaisir que leur attention provoqua en moi me fithonte. Je me tournai vers le réfrigérateur, l'estomac noué. En fait, j'étais devenue très habile quand ils'agissait de faire mon numéro sous la pression du regard d'un démon. Ainsi, à ce moment précis, jesavais qu'il était en train de survoler les gens derrière moi. Le plus vite je pourrais m'en débarrasser,le mieux ce serait.Et j'avais de la chance. Au fond du réfrigérateur se trouvaient deux plateaux de shooters remplis deJell-O.— Tiens, mais qu'est-ce que j'aperçois ? m'interrogeai-je en les sortant.J'ignorais où notre hôte pouvait être et si ces deux plateaux étaient destinés à un usage particulier,mais rien de tout cela n'avait d'importance. En soulevant ces petites beautés bleues, je m'exclamai :— Et si on s'envoyait des shooters de Jell-O ?Ils se mirent tous à hurler d'excitation, comme si j'étais leur héroïne.À partir de ce moment, encouragés par les sombres chuchotements du démon, les fêtards perdirenttout résidu de libre arbitre. Les conducteurs désignés se jetèrent sur les cocktails les couvre-feuxfurent oubliés, des mains se mirent à peloter des corps sur lesquels elles n'auraient pas dû se trouver.Je souffrais de devoir sourire, tandis que je constatais le travail du démon.Sur ce, le gloussement du démon résonna dans mes oreilles. J'étais la seule à l'entendre. La fêteétait lancée.Je m'éveillai avec un mal de tête lancinant et la bouche sèche. Je saisis la bouteille d'eau à moitiépleine à côté de mon lit. J'étais en train de tout avaler en une gorgée, quand les événements de laveille commencèrent peu à peu à refaire surface, tant ma mémoire était encore endormie.Un entonnoir à bière, un baiser alcoolisé dans la salle de bain avec un garçon quelconque, des gensvomissant dans les buissons, des disputes avec d'autres personnes qui avaient bu et qui voulaient toutde même conduire leur voiture. En particulier, un garçon du lycée, Matt, m'arrachant ses clés deforce et se rendant en titubant à sa voiture avec Ashley, sa copine.À ce souvenir, je me redressai subitement et je dus fermer la bouche pour ne pas recracher moneau.Oh, non, Matt conduisait. Oh, non, oh, non, oh, non.Les mains tremblantes, je saisis mon cellulaire sur ma table de nuit. Il était seulement 9 h, trop tôtsans doute, mais je m'en fichais. J'envoyai un texto à Ashley pour m'assurer qu'ils étaient bienrentrés et je dus retenir ma respiration jusqu'au moment où elle me répondit et m'informa qu'ilsallaient bien.Avec un soupir rauque de soulagement, je me laissai glisser hors de mon lit, me cognai les genouxet me cachai le front dans mes mains. Je détestais tout ça : cette vie de Nephilim. Qu'arriverait-il lejour où quelqu'un n'irait pas bien ? Quand le fait d'avoir passé la nuit à faire la fête avec Anna Whittse transformerait en tragédie ? Il était difficile de croire que par rapport à d'autres enfants de démons,ma vie était heureuse. Mon père était un « type bien », mais il jouait le rôle du mauvais démon à laperfection.Légèrement remise d'aplomb, je me levai et me dirigeai jusqu'à ma commode, pour y prendre unpetit poignard au manche noir. Je me plaçai en face d'une épaisse planche de contre-plaqué quej'avais fixée au mur et sur laquelle était peint un corps grandeur nature alors percé de petits trous, ceque Patti trouvait horrible. Motivée par les souvenirs tirés des six derniers mois, je me jetai dans uneséance thérapeutique de lancers du couteau.L'allié de mon père, le démon Azaël, qui, de manière ironique, était aussi le propre messager deLucifer, était venu me trouver un soir, six mois auparavant, après que j'eus appris que Kaidan Roweétait allé s'installer à Los Angeles.Rahab a ordonné que tous les Neph soient placés sous surveillance jusqu'à nouvel ordre. Et tonpère, lui aussi, fait l'objet d'une enquête. Bonne chance, fille de Bélial.J'atteignis ma cible au niveau de la main. Toute ma dernière année avait été pourrie, en particulierla seconde moitié. Alors que j'avais toujours été parmi les premiers de classe, je me mis à avoir àpeine la moyenne. C'est étrange comme le fait de savoir qu'on ne pourra jamais réaliser ses rêvespeut éliminer toute motivation à avoir de bonnes notes. Ainsi, au lieu de faire mes devoirs, je me misà passer mes soirées à apprendre à lancer des objets tranchants. J'allai chercher mon couteau et jevisai de nouveau.Pendant six mois, j'avais été traquée. Il me fallait constamment rappeler à Patti qu'elle ne devait passe montrer affectueuse avec moi, ce qui me brisa le cœur. Nous avions mis au point un signal pour luiindiquer que les esprits étaient parmi nous : je me grattais le menton. Dans de telles situations, elle melaissait seule, afin que les démons ne puissent voir ses couleurs. Il ne fallait absolument pas qu'ilssachent qu'elle s'en faisait pour moi.Le couteau atteignit de nouveau la cible, cette fois au niveau du coude, en émettant un petit bruitsourd. Chtonk. Et ainsi de suite, chaque partie du corps y passa.Cela faisait six mois que je n'avais pas pleuré, depuis ce jour où je m'étais trouvée à LookoutPoint. La peur et le traumatisme avaient laissé des traces. Auparavant, je détestais mes conduitslacrymaux, car je pensais que les larmes étaient un signe de faiblesse. J'avais tenu leur pouvoircathartique pour acquis, comme bien d'autres choses.Chtonk.Quelque part sur la planète, mon père était occupé à maintenir sa façade de duc de l'abus destupéfiants. Mais il m'avait tout de même fait suivre des leçons d'autodéfense, juste après le sommet,des leçons épuisantes et d'une violence inouïe qui remettaient en question tous mes instinctspacifiques.Chtonk. Dans l'œil. Si seulement Kaidan pouvait me voir.Je n'avais parlé à aucun des Neph, ni reçu aucune nouvelle de Kai. L'inquiétude menaçait de semanifester des plus profondes régions de mon âme, pour m'emporter. Après tout, sans même que jele sache, il pouvait très bien être mort.Chtonk.Il y avait une grande variété de techniques de défense que je pouvais apprendre. Mes instructeursvoulaient que nous nous concentrions sur les techniques de lutte et de combat rapproché propres aujudo, puisque selon eux, je disposais de la souplesse, de la force et de l'endurance nécessaires.Évidemment, ils ne pouvaient pas comprendre mon intérêt pour les couteaux, et il n'était pas questionque je leur explique qu'ils me permettaient de me sentir proche du garçon que j'aimais. Quepenserait-il, me demandai-je, s'il me voyait viser la gorge et l'atteindre du premier coup ? Serait-ilfier, ou atterré ? Se sentait-il encore concerné ? Le sommet, à New York, m'avait permis d'apercevoirune faille dans son armure émotionnelle, lorsqu'il s'était levé, prêt à se battre pour ma vie.Chtonk.Six mois insoutenables sans pouvoir sentir cette douce odeur de plein air qui semblaitaccompagner chacun des souvenirs que j'avais de lui. Six mois à jouer un rôle, qui n'était qu'un mensonge, au bénéfice du monde extérieur.Quand le poignard atteignit le cœur du mannequin, je n'y touchai plus et m'assis lourdement surmon lit.Malgré toute la terreur qu'ils impliquaient, les événements du sommet avaient été incroyables — leparadis avait envoyé des anges pour me sauver la vie. Si les anges ne s'étaient pas montrés, il y auraiteu trois autres morts ce soir-là : la mienne, celle de Kaidan et celle de Kopano, qui s'était égalementlevé pour prendre ma défense.Je soupirai et pris mon téléphone pour appeler Jay. Je lui devais des excuses pour cette nouvellenuit folle.Il répondit immédiatement.— Quoi de neuf, petite ?— Salut, toi, répondis-je, surprise qu'il ne soit pas fâché.— Te sens-tu bien ? me demanda-t-il.— Euh... ouais, en gros.— Hé, c'est carrément dingue que tu m'appelles, j'allais justement te téléphoner.— Ah, oui ?— Ouais. Peux-tu venir chez moi ? Je voudrais te faire écouter quelque chose.Il avait l'air excité. Au fond, peut-être était-il en train de s'habituer aux changements qui avaient eulieu en moi.— Bien sûr. Je serai chez toi dans... une vingtaine de minutes.— Alors, à tout de suite.Une fois que j'eus raccroché, Patti passa le bout de son nez dans ma chambre.— Tout va bien, la rassurai-je.Elle fit la grimace en voyant la cible marquée de coups de couteau. Un éclat de tristesse bleueteintait son aura au niveau des épaules, mais quand elle tourna la tête vers moi, une jolie vapeur rosela remplaça. Elle croisa les bras.Les boucles blond vénitien de Patti étaient ramenées vers l'arrière par une barrette, mais quelques unes d'entre elles s'en étaient échappées et retombaient sur son visage légèrement parsemé de tachesde rousseur. Comme d'habitude, son ange gardien, telle une nuée, se tenait juste derrière elle etobservait notre échange avec une calme assurance. La manière silencieuse qu'avaient les angesgardiens d'observer les êtres humains était l'une des choses les plus rassurantes dans ma vie.— Bonjour, lui dis-je.— Sors-tu ?— Je vais chez Jay.— Ah, c'est bien.J'entendis comme un sourire dans sa voix.— Il y a si longtemps que je n'ai pas vu ce garçon. Dis-lui qu'il me manque, veux-tu ?Puis, avec soin, elle me fit une queue de cheval et m'embrassa sur la joue.Je me tournai vers elle et la serrai fort dans mes bras. Voilà une chose dont les autres Neph nedisposaient pas — quelqu'un pour prendre soin d'eux et les aimer, les accepter tels qu'ils étaient, demanière inconditionnelle. Au cours des derniers mois, Patti était venue me chercher en pleine nuit àde nombreuses fêtes. Le fait qu'elle puisse avoir été témoin de tels spectacles me dégoûtait.— Je le lui dirai, Patti. Merci, je t'aime.Je pris les clés de ma voiture sur la commode, impatiente de respirer un peu d'air frais.C'était étrange de rouler vers la maison de Jay. Cela faisait un moment que je n'y étais pas allée.Les choses étaient différentes depuis qu'il avait obtenu un emploi et rencontré sa petite amie. En plus,j'étais devenue Anna la fêtarde. Je suppose que tout doit finir par changer. Jay gardait toujours sescheveux coupés court, sans quoi sa chevelure se serait transformée en une épaisse éponge blonde. Leprincipal changement dans son apparence était dû au fait qu'il avait grandi de plus de cinq centimètresle printemps dernier et que son côté doux avait disparu.Par ailleurs, il était toujours l'assistant du DJ et il était sur le point de commencer un stage d'étédans une station de radio d'Atlanta.Tandis que je m'arrêtais dans l'allée de la maison rustique à un étage, j'entendis le son des pommesde pin écrasées par la voiture. Il y avait aussi devant de la maison de Jay un gigantesque saulepleureur, penché, dont le feuillage caressait la pelouse clairsemée du jardin. Je considérais cet arbrecomme un vieil ami. Je me dirigeai vers la porte en respirant la senteur du chèvrefeuille, typique del'été.— Super, s'exclama Jay, quand j'entrai.Il était assis devant son ordinateur, et directement derrière lui se trouvait son ange gardien, tout delumière douce et blanche. L'ange me fit un signe de tête pour me saluer, mais continua ensuite de seconcentrer sur Jay. Je m'assis sur la chaise libre à côté de lui. À la vue du mot « Lascif » sur sonécran, j'éprouvai un frisson d'excitation d'une folle intensité.— Leur premier single est enfin sorti, m'annonça-t-il avec un sourire. Et leur album est presqueprêt.— Est-ce qu'ils ont vraiment enregistré un album ?La dernière fois que j'avais cherché des informations sur eux en ligne, il n'y avait pas grand-choseà leur sujet. Mais c'était une bonne chose. Cela signifiait qu'il s'oubliait dans la musique, qu'il allaitbien.Jay éclata de rire.— Évidemment, tiens. Que pensais-tu qu'ils étaient en train de faire à Los Angeles ? En fait, cemorceau a seulement été lancé en Californie, pour commencer, mais j'ai réussi à mettre la main surune version radio épurée. Veux-tu l'entendre ?Je haussai les épaules comme si ça ne me faisait ni chaud ni froid.— Euh, pourquoi pas...Je me demandais si Jay pouvait entendre à quel point mon cœur battait fort. Il cliqua sur un lien, etdès la première note, j'abandonnai ma résolution de faire comme si de rien n'était. Je me penchai,suspendue à chaque note comme s'il s'agissait d'une espèce de lien vital me rapprochant de lapersonne qui maniait les baguettes.Leur son était plus conventionnel que ce qu'ils jouaient d'habitude, mais ça tenait la route. Je retinsmon souffle quand les paroles commencèrent.J'ai tenté de te prévenir,Mais les filles n'écoutent jamais.T'as des assurances pour ton innocence ?Car elle est sur le point de t'être dérobéeJuste sous le bout de ton nez.Prépare-toi à gémir.Moi, j'ai de la suite dans les idées.Et toi, t'as un beau derrière.Refrain :Tout allait si bien pour moiDans mon monde d'indifférence,Voilà que tu me surprends,Et que maintenant je crève de peur.Je ne veux rien ressentir pour toi,Je ne veux rien ressentir, point.Si ressentir, c'est souffrir,Alors, je veux mentir.Tu fais croître mon désir, chérie,Tu calmes ma fureur,Tu laisses la petite garce en toiRôder hors de son antre.Dès que nos lèvres se sont touchées,Je l'ai vu dans tes yeux,Mais moi aussi tu me voyais,Je le comprends désormais.RefrainQu'est-ce que j'attends de toi ?Moi, je veux tout.Pas question de partager,Pas d'histoire sans lendemain.Tu peux être ma mauvaise fille,Je peux même être ton bon garçon.Quel revirement de situation...Peu importe, je serai ton esclave.Refrain— Qu'en penses-tu ? C'est bon, non ? me demanda Jay.J'avalai difficilement ma salive, au regret de ne pas avoir un verre d'eau.— Est-ce que le compositeur des paroles est indiqué ?Il me jeta un drôle d'air.— Michael est le seul à écrire leurs chansons, mis à part les chansons qu'ils obtiennent d'ailleurs.Pourquoi ?— Je suis curieuse, c'est tout. Certaines des paroles...Il eut un air plein de pitié.— Oh, tu as cru...— Non, peu importe.Je remuai la main comme si c'était complètement stupide. C'était vraiment embarrassant.— Enfin, laisse-moi vérifier.Il cliqua un peu partout, jusqu'au moment où il trouva les informations de la pochette de l'album.— Ouais, ç'a été écrit par Michael Vanderson, le chanteur.— Super, répliquai-je, la gorge brûlante. C'est gentil de me l'avoir fait écouter. Y a-t-il, euh, desphotos ? Je veux dire, tu sais, une couverture pour l'album ?Je regardai l'ordinateur plutôt que Jay. Je ne voulais pas avoir à constater que lui ou son angegardien avaient l'air tristes pour moi. Jay se remit à cliquer un peu partout.Et voilà, ils étaient là. Le chanteur, Michael, au premier plan, dans ses vêtements serréscaractéristiques. Le reste du groupe était éparpillé derrière lui. Et au fond, il y avait Kaidan, le pluséloigné de l'appareil photo. Il se tenait debout, les pieds écartés, les pouces dans les poches et la têtepenchée en avant. Ses cheveux d'un brun foncé, ras la dernière fois que je l'avais vu, étaient alorsassez longs pour lui tomber dans les yeux, avec l'extrémité ondulant un peu. Il était tout de noir vêtu,et son regard si bleu, à travers ses cheveux, offrait le plus vif contraste. Je saisis le pendentif enturquoise de mon collier avant de me mettre à frissonner.Il était encore plus beau qu'avant, et cette photo, le représentant dangereux, plein de mystère, memarqua l'esprit au fer rouge.La chaise de Jay grinça, et je dus me détacher de l'ordinateur, le cœur sur le point d'exploser. Jejetai un coup d'œil tout autour de sa chambre, afin de m'assurer qu'un démon ne s'y était pas faufiléet ne m'avait pas surprise. En effet, je ne me sentais jamais tout à fait à l'abri de leurs yeux cruels.Jay s'adossa sur sa chaise. À en juger par le mélange de sentiments négatifs d'un gris clair présentsdans son aura, ce n'était pas le meilleur moment de lui demander de me transférer une copie de cettecouverture afin que je puisse découper les autres garçons et me concentrer sur le batteur.— Peut-on parler ?— Bien sûr.Son air sérieux ne me disait rien de bon.— Tu sais que je t'aime beaucoup, n'est-ce pas ?Je hochai la tête, prête à un nouveau sermon.— C'est seulement que... Il me semble que depuis que Kaidan et toi avez été ensemble, puis qu'ilest parti, tu as changé.« En effet. »Je lui répondis d'une voix rauque :— Je sais que j'ai changé...— Parce que tu souffres du syndrome de la bonne fille.— Hein ?« Ah, oui, quand une bonne fille tente de transformer un mauvais garçon, mais que c'est plutôt labonne fille qui devient mauvaise. »— Non.— Oui, tu en souffres. Tu vois, Roni et moi, on en a parlé. Tu pensais que tu pourrais le changer etpeut-être même que tu as un peu réussi. Mais en fin de compte, il est parti, a changé de numéro detéléphone et il t'a donné l'impression que tu n'étais pas à la hauteur. Alors, tu as décidé de changer etde devenir le genre de filles qu'il aime. Non ?— Euh...J'imaginai Veronica et Jay en train de me psychanalyser. Une telle conversation exigeait beaucoupde délicatesse, comme pour traverser un champ de mines. En général, je préférais ne pas mentir, alorsde telles situations se révélaient compliquées.— C'est vrai que j'espérais qu'il change d'attitude, avouai-je. Et puis, ouais, j'ai fini par changermoi-même. Mais pas à cause de lui.Jay hocha la tête, l'air de tout comprendre.— Roni dit que ce dont tu as besoin, c'est de tourner la page.— Je ne vois pas comment cela pourrait arriver, dus-je admettre.— Selon elle, la seule manière d'y arriver est de trouver un nouveau garçon, et pas seulement legenre que tu embrasses quand tu es saoule.— Vous n'allez pas recommencer..., grommelai-je.— Et ce garçon d'Harvard ?— Kope ? On est seulement amis, et de toute manière, il y a une éternité qu'on ne s'est pas parlé.Jay, la dernière chose que je veux, actuellement, c'est un garçon.— D'accord, comme tu veux. De toute manière, je ne suis pas convaincu qu'un nouveau garçon soitla solution. Moi, je pense que tu dois parler à Kaidan, si tu veux passer à autre chose.Jay ne pouvait se rendre compte à quel point ses paroles me faisaient mal. Parler à Kai était ce queje désirais le plus. Je serrai les dents et regardai une pile de disques sur son plancher désordonné.— Écoute, me dit-il. Au fond, je ne sais pas vraiment de quoi je parle. Tu fais comme si tu étaisheureuse et tout, mais on dirait... que ce n'est pas le cas. Pas vraiment. Je ne te comprends pas. Tusors tout le temps pour faire la fête, mais tu m'engueules, si je veux prendre un verre. Et à la fin de lasoirée, te voilà en train d'essayer de raccommoder tout ce qui s'est mal passé. La nuit dernière, tum'as fait raccompagner sept personnes chez elles.« Oups. »— Je suis désolée, murmurai-je.— Non, pas de problème, c'est sans importance. Ce qui m'importe, c'est toi, et la raison pourlaquelle tu as cette double personnalité. J'ai l'impression que tu caches quelque chose, mais jen'arrive pas à savoir ce que c'est. Je comprends que tout se rapporte à Kaidan.Je mâchouillai la cuticule de mon pouce. Jay avait raison, mais il ne pourrait jamais connaître toutela vérité, alors même que j'aurais tant voulu la partager avec lui.— Penses-tu que si, par exemple, tu le voyais de nouveau, tu pourrais tourner la page, ou quelquechose du genre ?Il y avait une nuance d'espoir dans la voix de Jay.— Je ne sais pas, répondis-je d'abord avec prudence. Peut-être, mais je ne sais absolument pasquand je pourrai le revoir.— Ouais, bon... Roni m'a demandé de ne pas te le dire, mais je pense que je le devrais.Jay se remit à se frotter les mains nerveusement, en plus de son aura trouble et anxieuse.— Ils seront en ville la semaine prochaine.Je sentis mon estomac se contracter.« Respire, respire, surtout ne perds pas la tête. »— Hum..., commençai-je en me raclant la gorge. Pourquoi ?Bien entendu, je savais que leurs parents vivaient tous dans la région d'Atlanta — le duc Pharzuphayant déraciné Kaidan d'Angleterre pour l'installer en Géorgie —, mais je ne savais pas si le groupeavait un concert en ville ou quelque chose du genre.— Pour être un peu chez eux, je suppose. Mais ils ont une séance de signatures chez un disquaired'Atlanta, jeudi soir prochain. Je t'assure que Roni va m'assassiner de te l'avoir dit.« Il sera là. »— Merci, Jay.Je n'avais pu empêcher ma voix de trembler.— J'espère seulement que ça ne va pas tout empirer. J'irai avec toi, si tu veux.Je hochai la tête, toujours rivée sur ma chaise et faisant tout pour me dominer.« Je vais revoir Kaidan. »J'étais traversée par la joie et l'espoir les plus purs et les plus idiots qu'on puisse imaginer.Jay se frotta le menton avant de se lever, donna un coup de pied dans son sac d'école pour l'ôter deson chemin. Il prit un jeans parmi le désordre de son parquet et le renifla afin de déterminer si çapouvait aller.— Ah, je n'ai pas envie d'aller travailler aujourd'hui, marmonna Jay.« Moi non plus », pensai-je.Et avec un peu de chance, si aucun esprit ne se montrait ce soir-là, je n'aurais pas besoin d'y aller.Je me levai.— Je vais te laisser te préparer.Il me présenta sa main, que je claquai, avec un faible sourire.— Tu te fais toujours du souci pour moi, Jay. Je n'ai pas été agréable ces derniers temps, pardonne moi.Jay m'attira contre lui pour me serrer dans ses bras.— On va essayer de te faire tourner la page, d'accord ?« Tourner la page... »Ce que je voulais, c'était que Kai soit là, dans ma vie. Le revoir pouvait être un désastre... ou unmiracle.Sans doute allions-nous bien vite le savoir.

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L'insouciance du danger. (Clair-Obscur Tome 2)
RomanceAnna Whit, fille d'un ange gardien et d'un ange déchu, s'était promis qu'elle n'accomplirait jamais le travail de son père: polluer des âmes. Mais elle a été bien naïve d'affirmer une telle chose. En fait, il y avait bien des choses au sujet desquel...