- Confrontation -

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Meranwë


L'étoffe soyeuse, sombre comme une nuit sans étoile, glisse sur ma peau pâle. Cette tenue d'entraînement, spécialement choisie, découvre mon torse et met en valeur ma musculature. Mon pantalon fluide tombe bas sur mes hanches et épouse le galbe de mes cuisses. Seule une bande de tissu se détache de ma taille, se pose sur mon épaule et s'étale souplement dans mon dos. Concentré sur mon reflet dans le miroir, je ne remarque pas les mains tremblantes d'émotion de la jeune elfine quand ses doigts effleurent mon corps. Ses joues s'empourprent alors qu'elle replace les plis de l'étoffe sur mes pectoraux. Je reste de marbre, étudiant chaque détail pour être certain de paraître le plus impressionnant possible. Je ne dois rien laisser au hasard.

J'analyse le contraste entre mes longs cheveux argentés, identiques à l'éclat de la Lune, et du tissu ébène, symbole des elfes Obscurs. Je croise dans le miroir la profondeur de mes iris sombres qui tranche avec mon teint clair. Les runes de protection gravées sur mon bras complètent ce jeu des contraires. L'esprit concentré sur cette épreuve qui m'attend et sur l'image que je renvoie, je reste insensible à ces mains féminines qui m'habillent et me frôlent. Soudain, le regard de la jeune elfine rencontre le mien. Je prends enfin conscience de sa présence et observe, amusé, son visage changer de couleur et devenir rouge d'embarras.

— Ne sois pas gênée avec moi, Lalwendë, dis-je d'une voix douce.

Aussitôt, elle se recule d'un pas et baisse la tête en signe de respect.

— Je ne le suis pas, Fanthur.

D'une délicate pression du doigt sous son menton, je l'oblige à relever le regard.

— Alors pourquoi rougis-tu ?

Elle semble de plus en plus fébrile à mon contact. Ses yeux papillonnent et ses joues se font brûlantes.

— C'est que... vous êtes si...

Elle s'interrompt, hésitante, puis inspire profondément, avant d'ajouter d'un ton vibrant :

— C'est parce que je vous aime !

Surpris par cette déclaration, je reste sans voix quelques secondes. Mon pouce glisse alors sur la peau douce et rosée de la jeune créature. Un rictus désœuvré s'impose sur mes lèvres.

— Si seulement les elfes pouvaient aimer, murmuré-je.

La peine qui voile ses pupilles me fait aussitôt regretter mon accès de franchise. À nouveau, elle tente de baisser la tête et de s'éloigner. Je l'en empêche d'une main sur l'épaule.

— Lalwendë signifie « jeune fille rieuse », n'est-ce pas ? ajouté-je d'un ton plus léger.

Elle acquiesce en silence, les traits fermés.

— Alors, souris pour moi, s'il te plait.

Ma voix suave et la caresse de mes doigts sur son bras nu ont un effet immédiat. Un ravissant sourire s'épanouit sur le visage de l'elfine aux courbes voluptueuses. Et celles-ci ne me laissent pas indifférent. Mon peuple n'est certes pas capable d'aimer, par contre le désir, lui, est bien présent.

Un toussotement gêné suspend ma séance de séduction. Sardàn se tient à l'entrée de la tente, tête inclinée. En temps normal, il n'aurait jamais interrompu un instant d'intimité. Toutefois, le tournoi touche à sa fin et le combat de clôture est sur le point de commencer.

— L'heure est venue, Fanthur, annonce-t-il de sa voix calme et posée.

Je laisse échapper un soupir de dépit. J'aurais bien profité d'un moment de détente dans les bras charmants de Lalwendë. Mais mon devoir m'appelle et l'impatience me gagne. Il est temps de me confronter à mon adversaire de toujours : Gil, le meilleur guerrier des elfes de Lumière. Nos deux peuples vivent en paix sans vraiment se côtoyer. Le tournoi royal, qui se déroule tous les dix ans, est l'une des rares occasions où les tribus se mélangent. Nos coutumes, nos modes de vie et nos apparences sont aussi différents que le jour et la nuit. Cela ne facilite guère le rapprochement entre nos communautés.

La Cascade Sacrée (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant