Sardàn
La nuit est tombée. Sa toile sombre où brillent des milliers d'étoiles se découvre. Meranwë et moi venons de finir de monter le camp. En son centre crépite le feu où mijote notre prise du jour : un ragoût de gibier aromatisé de plantes cueillies aux alentours. Cet après-midi, nous avons bien avancé dans notre périple. Je ne sais pas comment Meranwë s'y est pris, mais Gil n'a plus quémandé d'arrêts, chevauchant sans broncher. La tension entre eux va être difficile à gérer. Je suis persuadé qu'Inil et moi aurons un rôle de médiation important à jouer si nous voulons éviter qu'ils ne s'entretuent.
Mon maître est un être plein de sagesse et de calme en temps normal. Pourtant, cet elfe de Lumière arrive à le mettre dans un état de nerf incroyable. Meranwë m'a rapporté le souhait de la reine de faire de cette mission un symbole d'unité pour les deux peuples de l'Àlfhreim. Il l'a accepté, donc j'en ferais de même. Cependant, je sens que cela ne se fera pas sans étincelles. Mon attention se tourne vers Inil en train de se battre avec la tente. Lui et son maître ne sont pas habitués à la vie au grand air et encore moins à ces activités manuelles. Meranwë me rejoint et s'assoit lourdement devant le feu.
— Une tente ! maugrée-t-il. Il ne peut pas dormir à la belle étoile comme tout le monde ! Il va falloir la monter et la démonter tous les jours. Quelle perte de temps !
— J'en ai conscience, Fanthur.
— Et d'ailleurs où est-il passé encore ? demande-t-il en cherchant Gil du regard. Il serait capable de s'égarer dans l'obscurité. Je vais le rejoindre avant qu'il ne lui arrive des problèmes. Je n'en peux déjà plus de cet elfe de malheur et ce n'est que la première journée.
Il soupire en se relevant et s'éloigne d'un pas raide. Je le regarde se faufiler entre les arbres et s'enfoncer dans la forêt. Je ne m'inquiète absolument pas pour lui, c'est un combattant expérimenté. Je ne compte plus les nuits que nous avons passées sous le ciel étoilé, en pleine nature, parfois en temps de guerre. Celui pour lequel je devrais me faire du souci, c'est Gil, vu le niveau d'agacement de Meranwë.
À nouveau, mon regard se tourne vers Inil qui ne s'en sort pas avec les montants et la toile. Ce spectacle me semble très attrayant : un très bel elfe en détresse. Bien résolu à être aimable, je me lève à mon tour et m'approche.
— Besoin d'un coup de main ?
— Non merci, refuse-t-il en laissant tomber un des mâts à ses pieds.
Je retiens de justesse un éclat de rire. Décidément, il est tout à fait adorable ce soir. Je dois bien avouer que j'ai toujours trouvé Inil à mon goût. Lors de chacun des tournois, je ressentais le frisson de l'excitation à l'idée de le revoir. Je n'ai jamais fait aucune tentative envers lui : il est au service du rival de mon maître, un elfe Lumineux, et surtout, je le pense plus intéressé par les courbes elfines que par la musculature virile. Cependant, je le trouve toujours aussi séduisant avec son visage doux et ses lèvres pleines. Je ne vais rien entreprendre qui mettrait cette mission en péril. Néanmoins, je peux me permettre de le titiller un peu. Je me baisse et ramasse la pièce avant qu'il ne le fasse.
— Laisse-moi faire, sinon tu y es encore demain.
Sans qu'il puisse objecter, je m'empare des autres éléments de la tente. Il me fixe, médusé que je lui vienne en aide. Forcément, il ne peut pas se douter de mon attirance pour lui. Surtout quand nous sommes témoins d'autant d'animosité entre nos compagnons de route. Cependant, je ne suis pas Meranwë et il n'est pas Gil.
Je m'attelle à installer cette tente en un temps record. C'est un jeu d'enfant dès lors qu'on sait s'y prendre. Il ne m'a pas quitté des yeux pendant toute la manœuvre. Je suis pourtant sûr de devoir lui remontrer dès demain comment la monter correctement. Et c'est tant mieux ! m'avoué-je en pensée.
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La Cascade Sacrée (Édité)
FantasyMeranwë est la force vive des elfes Obscurs. Sa longue vie a été une succession de guerres et de combats. Avec son second, Sardàn, ils ont affronté l'horreur pour garantir la paix. Rien ne lui résiste, sauf Gil, son adversaire le plus coriace. Pass...