Les rues de la capitale russe grouillaient de gens en ce début de soirée. Je me promenais avec mon chien. Sous mes gants en cuir, je sers la poignée de la laisse avec une certaine ténacité. Rien qui influençait le cou de mon précieux canidé, évidemment. J'étais juste, nerveuse. . . Et il planait dans l'air des milliers de flocons ainsi qu'une odeur de sapin. Rien de déplaisant si ce n'était pas un soir décisif pour moi. Rien de bien méchant, j'ai toutes les clés pour réussir, il faut juste que je réussisse mon entrée comme il était convenu. J'avais l'adresse écrite sur un bout de papier, je la connaissais désormais. On m'a appris que tout ce qui est inutile doit cesser d'exister. Donc, j'atteignis la poubelle la plus proche et jetai le papier. Pour arriver plus vite à destination, j'ai un raccourci. Je traverse deux, trois ruelles et me voici devant le bar "Passion française". Les animaux sont interdits. Je vais devoir laisser le mien dehors, par chance je lui trouve une place au plus près de l'entrée. Si tout se passe bien, je pourrai rentrer avec lui dans pas longtemps. Je ne compte pas le laisser dans le froid.
J'entre et une bouffée de chaleur vint m'effleurer les joues. Je tendis ma veste et mes gants à l'employé posté près de l'entrée et m'avançai, confiante, en ces lieux. Il faut que je reste concentrée. Je balayai la pièce du regard et n'y trouvai rien d'étonnant. Devant moi , des gens imbibés qui commençaient à parler trop fort, à ma gauche se trouvait le bar , à ma droite ne se trouvaient que des groupes d'amis. Rien de ce que je veux. Et pourtant, ma source m'aurait-elle faussé le chemin ? Je n'y crois pas une seconde.
Je prends place à une table. Je suis confuse mais ne dois en rien le montrer, tout ne se passe pas comme prévu. Ce n'est pas grave, il se peut qu'il soit à l'étage mais maintenant que je me suis installée en bas, il serait louche que je me déplace. Je commande un whisky pour me tenir compagnie et sors mes mots fléchés. L'important ici , c'est d'arriver à filtrer qui rentre et qui sort, tout en ressemblant à une cliente naturelle. Je suis assez bien placée pour ce poste. Espérons que la nervosité ne ronge pas mon visage autant qu'il fait accélérer mon cœur. Ne pas avoir le droit à l'erreur rend le contexte encore plus irritant . Je me permets de penser au visage de cet homme, le seul que je ne devais pas louper. Plus le stress s'empare de moi, plus je crains d'oublier, ne serait-ce qu'un détail. Je ne peux pas échouer, elle, elle a reprogrammé tout mon subconscient pour que je sois parfaitement taillée pour ce but. Je vais réussir !
Mais, le temps passe et je ne vois aucun homme dont la carrure ressemble à celle de celui que je cherche. J'ai eu le temps de commander et de consommer un deuxième verre et mes idées sont toujours aussi claires. Mais rien. Pourtant, je sens qu'il est là. La peur d'échouer commence à prendre sérieusement le dessus. Je me réfugie dans les toilettes du bar et prend le temps de retrouver une respiration normale. Il faut être logique, il est ici, je ne l'ai pas vu entrer, ni sortir donc il est toujours là. Alors pourquoi penser avoir échouer ? Je devrais peut-être rester à mon poste encore un peu. Et surtout, ne pas traîner ici sous peine de le louper. Là, ce serait vraiment idiot. Maintenant que je me suis remise de mes émotions, je vais passer voir comment se porte mon loulou dehors. Les nuits ici sont plus que glaciales. Je paye mes deux premiers verres en prévenant le barman que je sors juste et que je compte revenir. Je n'aimerais pas perdre mon poste d'observation. Une fois mon manteau et mes gants restitués, je prends la direction de la sortie. Dehors, c'est la tempête. Temps typique pour un jour d'hiver ici.
J'arrive au niveau de mon chien, curieuse. Il avait à ses pattes de petits chaussons en laine. Qui lui a mis ? Je regarde les environs à la recherche de cette potentielle personne. Il n'y a qu'un homme tapi dans l'ombre de la boutique en face. Il fait trop sombre pour que je voie son visage et le lampadaire qui se situe à côté de lui ne produisait aucune lumière. Lui aussi me fixe et mon cœur se serre quand il s'avance dans la lumière du bar. Il mesure environ 1m85, a un corps très athlétique mais fin, de longues jambes dignes d'un coureur , un visage à l'ensemble assez doux mais sans expression faciale, une barbichette, de belles lèvres fines, un nez proéminent , des yeux marrons et de magnifiques cheveux bouclés bruns. L'ensemble rendait vraiment bien. Le voici, l'homme que je cherche. Il arrive à ma hauteur. Je reste postée près de mon chien.
"- Il est à vous ? me demanda-t-il d'une voix défaillante en pointant mon chien
- Oui, il est à moi répondis-je calmement
- Vous êtes complètement inconsciente de le laisser dans le froid ? dit-il en commençant à hausser le ton
-Je m'apprêtait à partir !
- Oui après avoir consommé tranquillement et en laissant ce bonhomme se geler dehors ! "
Il avait un ton condescendant , ça le rendait détestable. Il est surtout prévisible, je savais qu'il allait me faire une remarque. Tout se passe comme prévu finalement. J'allais pouvoir activer la prochaine phase du plan.
"- Qu'allez-vous faire ? Je suis libre de traiter mon chien comme bon me semble. ripostai-je
- Alors là, ma grande ! Vous avez du cran pour sous-estimer les gens que vous ne connaissez pas !"
Sur ces mots, il me bouscule pour venir décrocher mon chien. Il le prit dans ses bras et commença à quitter la ruelle avec. Je le suivis en prenant soin de faire claquer mes talons, histoire qu'il sache que je suis à ses trousses . Mais l'homme accélère le pas en riant des miens qui ralentissaient.
"- Les talons, quelle perte de temps ! Cours toujours ma grande ! Tu passeras prendre ton chien demain. Rendez-vous sur le parking du Market avenue Rahlop à 10h. Et sache utiliser ta bouche pour une meilleure répartie sinon je garde le cabot."
C'est sur ces mots qu'il échappe à ma vue. Je ne voyais plus rien à 2 mètres avec toute cette neige. Je me retrouve seule dans une rue que je ne connais pas. Mais je m'en fiche parce j'ai réussi. C'est un succès. Et cet homme, aussi agaçant soit-il, aussi supérieur qu'il puisse penser l'être est con. Oui, con.
Il a juste mordu à mon hameçon.
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L'ascension de la bonne soeur
ActionRègle numéro 1 : Soyez toujours l'idiote en détresse auprès de la gente masculine. Règle numéro 2 : Tout ce qui est inutile doit cesser d'exister. Règle numéro 3 : Plus vous anticiperez plus vous survivrez. Règle numéro 4 : Votre ambition doit être...