Acte IV

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Résumé des 3 premiers actes.

Phèdre a avoué à Hippolyte, le fils de son mari, qu'elle l'aimait. Elle veut offrir le trône à Hippolyte car son mari le roi est mort.

Mais coup de théâtre ! Thésée est vivant. Phèdre agit bizarrement avec lui, ce qui le rend soupçonneux. Phèdre envisage de mentir et de dire que c'est Hippolyte qui lui a fait des avances.
Hippolyte a un secret : il aime Aricie, l'ennemie jurée de son père. Il veut quitter la ville avec elle, mais Thésée pense qu'il fuit pour cacher qu'il a voulu se mettre en couple avec Phèdre.

Scène première. Thésée, Œnone.


THÉSÉE.

Ah ! qu'est-ce que j'entends ? Un traître, un téméraire
Préparait cet outrage à l'honneur de son père !
Avec quelle rigueur, destin, tu me poursuis !
Je ne sais où je vais, je ne sais où je suis.
Ô tendresse ! ô bonté trop mal récompensée !
Projet audacieux ! détestable pensée !
Pour parvenir au but de ses noires amours,
L'insolent de la force empruntait le secours !
J'ai reconnu le fer, instrument de sa rage,
Ce fer dont je l'armai pour un plus noble usage.
Tous les liens du sang n'ont pu le retenir !
Et Phèdre différait à le faire punir !
Le silence de Phèdre épargnait le coupable !

ŒNONE.

Phèdre épargnait plutôt un père déplorable :
Honteuse du dessein d'un amant furieux,
Et du feu criminel qu'il a pris dans ses yeux,
Phèdre mourait, seigneur, et sa main meurtrière
Éteignait de ses yeux l'innocente lumière.
J'ai vu lever le bras, j'ai couru la sauver.
Moi seule à votre amour j'ai su la conserver.
Et plaignant à la fois son trouble et vos alarmes,
J'ai servi, malgré moi, d'interprète à ses larmes.

THÉSÉE.

Le perfide ! il n'a pu s'empêcher de pâlir :
De crainte, en m'abordant, je l'ai vu tressaillir.
Je me suis étonné de son peu d'allégresse ;
Ses froids embrassements ont glacé ma tendresse.
Mais ce coupable amour dont il est dévoré
Dans Athènes déjà s'était-il déclaré ?

ŒNONE.

Seigneur, souvenez-vous des plaintes de la reine :
Un amour criminel causa toute sa haine.

THÉSÉE.

Et ce feu dans Trézène a donc recommencé ?

ŒNONE.

Je vous ai dit, seigneur, tout ce qui s'est passé.
C'est trop laisser la reine à sa douleur mortelle,
Souffrez que je vous quitte et me range auprès d'elle.


Scène II. Thésée, Hippolyte.


THÉSÉE.

Ah ! le voici. Grands dieux ! à ce noble maintien
Quel œil ne serait pas trompé comme le mien ?
Faut-il que sur le front d'un profane adultère
Brille de la vertu le sacré caractère !
Et ne devrait-on pas à des signes certains
Reconnaître le cœur des perfides humains !

HIPPOLYTE.

Puis-je vous demander quel funeste nuage,
Seigneur, a pu troubler votre auguste visage ?
N'osez-vous confier ce secret à ma foi ?

THÉSÉE.

Perfide ! oses-tu bien te montrer devant moi ?
Monstre, qu'a trop longtemps épargné le tonnerre,
Reste impur des brigands dont j'ai purgé la terre,
Après que le transport d'un amour plein d'horreur
Jusqu'au lit de ton père a porté ta fureur,
Tu m'oses présenter une tête ennemie !
Tu parais dans des lieux pleins de ton infamie !
Et ne vas pas chercher, sous un ciel inconnu,
Des pays où mon nom ne soit point parvenu ?
Fuis, traître. Ne viens point braver ici ma haine,
Et tenter un courroux que je retiens à peine :
C'est bien assez pour moi de l'opprobre éternel
D'avoir pu mettre au jour un fils si criminel,
Sans que ta mort encor, honteuse à ma mémoire,
De mes nobles travaux vienne souiller la gloire.
Fuis : et si tu ne veux qu'un châtiment soudain
T'ajoute aux scélérats qu'a punis cette main,

Phèdre de RacineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant