J'observe la pluie battre sur la vitre. La vitesse est fulgurante, invraisemblablement. Son rythme est incandescent, brutal. Il y a de la vie dehors. Pourtant cette vie là ne me paraît que grisâtre. Je fermes les yeux et j'écoute son tempo frénétique. Il n'y a rien de plus bon que d'écouter pleurer le ciel. Je ne veux plus pleurer seule.
J'empoigne une cigarette dans l'un de mes paquets presque vide. Voilà ma thérapie : de la nicotine pour arrêter d'avoir mal. Je ne suis pas sure que ça apaise réellement, mais ça calme le jeu. C'est déjà ça. J'attrape mon briquet. Simpliste. Noir. Terne. Aussi terne que mon coeur sec.
Quand je sors de ma chambre et que la pluie entre en contact direct avec ma peau, je frissonne. Habituellement, je n'aime pas la pluie. Mais aujourd'hui, dans l'attente infinie de trouver un sens à ma putain de vie, je n'ai jamais autant aimé la pluie. J'ai penché le visage vers l'arrière, j'ai fermé les yeux. J'ai apprécié le contact, l'ai savouré d'une façon incertaine. Une rafale de vent m'a déstabilisé et quand j'ai repris l'équilibre, j'ai tendu mes bras pour mieux apprécier l'eau froide. Plus de larmes me suis-je dit. Mais lorsque j'ai sentis une goûte rouler le long de ma joue, je n'ai pas su directement si c'était une goûte de pluie ou une larme. J'ai finis par me rendre compte que je pleurais.
J'ai allumé ma cigarette avec vivacité, mes cheveux déjà trempé par la flotte. J'avais bien l'air con, seule, perchée sur mon balcon, à pleurer sous la pluie de plus en plus dynamique. Les gouttes dansaient à côté de moi, elles vivaient. J'avais l'air d'une loque à côté d'elles. C'était un tableau franchement décevant à voir.
Lorsque je me suis risquée à penser à ce que j'étais devenue après cette dernière année de passée, mes pleurs ont redoublés d'insistance. Je me suis demandée si j'étais normale. Je me suis dis certainement que oui, que je ne devais pas être la seule dans le monde à cette heure-ci à pleurer sous la pluie, en comblant ce mal-être par une clope. Non, je ne devais pas être la seule à vivre dans le passé et à ne jamais oublié quoi que ce soit de celui-ci.
Car non, il y a des choses que l'on oublie pas. Comme un sourire par exemple. Ou un rire, un visage, des traits. Il y a des choses qui restent en nous, mais qu'on ne dit pas. En général, on ne le dit pas pour moins y penser. Et en général, cette théorie ne marche pas. Des cicatrices, des souffrances, des pleurs. Voilà ce qui restent vraiment, ce qui nous marquent le plus. J'imagines que c'est le cas pour plusieurs personnes, je sais en tout cas que c'est le mien aussi. On m'a souvent dit que le fait de se relever après toute ces journées de souffrances nous fait arriver à une satisfaction de nous même que nous n'avons peut-être jamais eu. Et au final, le fait de repenser à ce visage, à ce sourire, de se rememorer de la sonorité de ce rire que nous avons tant aimé et qui nous a tant fait souffrir et de voir qu'à présent nous ne ressentons plus rien face à ça, procure un bien inconditionnel.
J'aurais aimé vous dire que ce bien là ravivait en moi tout ce que j'avais perdu. Mais je n'en ai jamais vu la couleur. Et je me dis qu'un jour, peut-être, j'arriverais a en avoir la satisfaction. En attendant, j'écoute la pluie tombée et je me dis: "Il n'y a jamais rien eu de plus agréable que de sentir le ciel pleurer avec nous."

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Silence
Fiksyen RemajaTenter d'écrire sur le silence. Sur les mots que l'on a jamais su ou osé dire. Sur les sentiments effacés, les coeurs brisés, les émotions enfouies. Sur le silence d'une fille, sur son adolescence, sur ses découragements, sur les choses qui lui ont...