Chapitre 1

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Mon nom était Aidan. Aidan Kepler. J'avais à présent vingt-et-un ans. Mais je n'étais pas comme les autres. Voilà ce que je me répétais tous les matins pour ne pas devenir fou. Cela faisait huit ans que je répétais ça jour après jour depuis cette journée maudite, depuis que cette malédiction me poursuivait. Je ne pouvais m'approcher de personne sans que je ne la change en glace. Un seul contact, un simple effleurement et cela suffisait. Je devais donc me couvrir complètement dès que je sortais, surtout une paire de gants dont je ne me séparais seulement lorsque j'étais seul pour éviter toit contact.
Je me regardais dans la glace. Je n'avais pourtant pas un physique qui sorte de l'ordinaire, mis à part peut-être mes yeux très clairs qui ressortaient avec mes cheveux bruns. Mais l'ironie était que mes yeux, justement, étaient bleus comme la glace, comme pour me rappeler que je suis différent et que je le serais toujours.
Mon grand-père paternel n'avait pas les mêmes yeux, on ne pouvait se douter que lui aussi était maudit. Mais, pour lui, c'était différent. C'était de sa faute si cette malédiction était présente : il était complètement cinglé, et avait voulu faire une expérience avec la glace, il n'avait pas réussi, et voilà où nous en étions maintenant. Je le haïssais toujours, malgré qu'il était maintenant mort.
De toute manière, je ne pouvais rien faire. Mes parents ne s'occupaient à peine de moi, me laissant bien comprendre que je ne devais pas les approcher. Ils ne me montraient jamais une trace d'affection, n'essayaient pas même de me réconforter. Ils faisaient un peu comme si je n'existais pas. Et cela me tuait. Je n'avais déjà pas de vie sociale à l'extérieur, mais je n'en avais même pas dans ma propre famille. Cela faisait un moment que j'essayais de m'y faire.
Je quittai mon regard dans le miroir, après avoir fait encore une fois le résumé de mon existence.

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Je descendai dans la bibliothèque qui contenait plusieurs centaines de livres, la plupart n'étant jamais sorti de leur étagère. Je parcourai du regard une rangée de livres pour en trouver un qui était un minimum intéressant, quand j'en vis un qui m'intriguait : il avait une couverture de cuir, sans aucun titre. Je le pris dans mes mains et je le regardais sous tous les angles. Il n'y avait rien dessus, juste la couverture. Je l'ouvrai. Tout était écrit à la main. L'écriture ressemblait à celle de ma mère. Mais le contenu était des plus bizarres. La première page affichait les mots :

             Expériences sur le sujet Aidan Kepler. Début à l'âge de treize ans. Par les agents Telior et Lauroi. Effacement de la mémoire après chaque expérience.

Qu'est-ce que c'était ?
Je tournai la page.

           Expérience numéro une. Treize ans et deux mois. Claustration dans l'habitacle blindé. Réaction et appel au pouvoir de la glace au bout de trois heures.

Puis une autre page.
Je ne comprenais plus rien.

                    Expérience numéro vingt. Quatorze ans. Faibles électrocutions, quelques filets d'eau, attaché sur le lit. Réaction au bout de quatre minutes.

Et encore une autre.
J'allais devenir fou.

Expérience numéro quatre vingt dix-huit. Dix-sept ans et trois mois. Même expérience que la numéro vingt, quarante-et-une et soixante-deux. Puissance augmentée.
                                                                   Arrêt cardiaque de deux minutes au quatrième envoi. Arrêt de l'expérience.

Puis sur toutes les pages, des tests et expériences toutes plus horribles que les autres. Les mots se mêlaient tous dans ma tête, jusqu'à en perdre leur sens. Le livre tomba de mes mains. Ma vie n'était que mensonge depuis huit ans. Ce n'était pas mes vrais parents. C'était des agents pour je ne savais quelle bande de cinglés. Je n'étais qu'un simple cobaye dans les mains de ses monstres.
Tout tournoyait autour de moi. Je pris ma tête entre mes mains et tombai à genoux sur le parquet. J'avais envie de hurler, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Tout explosait en moi, dans un vacarme assourdissant, mes pensées tourbillonaient sans que je ne puisse en comprendre n'en serait-ce qu'une. Enfin, dans cette fumée qui m'encombrait le cerveau, une certitude ne voulut plus repartir.
Il fallait que je réagisse, avant que ma vie ne sombre dans l'enfer le plus noir.

La malédiction de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant