Le vent soufflait. Il était doux, frais et amenait l'odeur soufrée de la mer qui titillait mes narines. Mes cheveux blancs au vent, la canne à pêche en main, je m'étais mise à songer en observant le ciel. Il me paraissait paisible, calme. Les nuages prenaient diverses formes ; animales, humaines, végétales ou quelconques. Je me demandais parfois ce qu'il y avait au-delà de ces nuages de coton, de ce ciel bleu azur... Est-ce que des personnes veillent sur nous sans qu'on ne le sache ? Cela restera sûrement un mystère sans résolution. Mes songes ne durèrent que quelques instants. Un poisson mordit à l'hameçon. Il était vivace mais je réussis à le tirer hors de l'eau sans grande difficulté. Je parvins à attraper un bar. Un grand bar. Il était si vigoureux, si vivant : pourquoi devais-je le tuer au profit de ma propre survie ? Lui avait envie de vivre. Moi, je ne sais pas pourquoi je vis, quelle est mon rôle ici. Pourquoi privilégier ma vie en dépit d'une autre ?
— Toujours aussi dans la lune à ce que je vois ?
Au son de la voix de la louve qui se dirigeait vers le sable, je sursautai et me tournai en sa direction.
— Fubuki ! Je ne t'avais pas entendu. Je pêchais seulement un peu de poisson pour le repas de ce soir. Je ne vois pas ce qui te fait dire ça.
— Ton visage, ton regard à moitié perdu dans le vide. Et puis, je te connais depuis longtemps. Je sais quand tu rêvasses ou quand tu prépares une mauvaise blague.
— Je ne savais pas que mon visage trahissait mes émotions... Mais dis-moi, depuis combien de temps m'observes-tu ?
— Depuis un moment, derrière un arbre. Enfin peu importe.
Fubuki se coucha à ma droite, regardant l'horizon. Elle était une jeune louve géante âgée de 12 ans. Elle venait du clan Arashi, une meute de loups de la Forêt Interdite. Elle a quitté son clan pour m'élever il y avait 10 ans. La louve m'avait trouvé dans la forêt, seule et perdue alors que j'avais 7 ans. Son pelage aussi blanc que la neige brillait au contact des rayons du soleil et ses yeux pouvaient se confondre avec du cristal bleu.
Le soleil commençait à se coucher. Les couleurs étaient tout simplement splendides. Elle me posa une question, sans détourner le regard de ce spectacle naturel.
— À quoi pensais-tu à l'instant ? J'ai la nette impression que quelque chose te tourmente. N'ai-je pas raison, Moriko ?
Dans le mille. Fubuki était de nature très perspicace : malgré son jeune âge, elle savait se montrer sage et à l'écoute. Elle ne parlait pas beaucoup cependant elle prêtait une grande attention à son entourage. En plus de sa sagesse, elle était de nature perspicace. J'étais de nature songeuse mais je ne communiquais jamais le fond de mes pensées. Personne, à part elle, ne savait si c'était un manque de concentration (ce qui était souvent le cas) ou de la tourmente. Elle m'impressionnera toujours et j'en étais presque jalouse.
Je n'avais pas spécialement envie de me confier mais je m'étais résignée et je lui répondis. Dans tous les cas, je ne pouvais pas échapper à cette question, surtout avec elle. Je gardais constamment mes colères, mes ressentis, ma tristesse au fond de moi. Je refusais de partager tout cela et de m'attirer la compassion des autres. Au début de notre vie commune, Fubuki me laissait parce qu'elle ne voulait pas paraitre intrusive. Un jour, alors qu'un incident avait eu lieu à Sunaesia, le village sud, avec Nornaelesia, le village nord, je partis sans prévenir m'occuper de ce dernier. Fubuki avait alors vécu une de ses plus grandes peurs : me perdre. J'étais bien évidemment rentrée saine et sauve mais depuis, elle s'acharnait à me sortir les vers du nez.
— Oui tu as raison. Je ne suis malheureusement pas au meilleur de ma forme. Mais cela va passer. Demain tu verras, je me sentirai beaucoup mieux. Ne t'en fais pas pour moi.

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Moriko
ParanormalUne jeune femme. Deux villages. Des conflits. Une paix menacée. Un passé oublié. Comment va-t-elle s'en sortir ?