Ce soir-là, c'était la fois de trop. Après une énième engueulade avec ses parents, il n'en pouvait plus. Rien, mais alors pour rien au monde il deviendrait le futur chef de cette foutue tribu. Pour rien au monde, il cultiverait leurs vieilles traditions à la noix et au grand jamais il exaucerait le souhait de ses géniteurs sur sa propre vie et sur ses propres choix.
Tout en claquant la vieille porte en bois, il prit de quoi ne pas mourir de froid lors de sa sortie nocturne, et le plaça sur ses larges épaules. D'un pas rapide et déterminé, sans pour autant courir, il se dirigea vers la sortie de son petit village. Il traversa la forêt immergée dans la noirceur de la nuit et se dirigea, comme à son habitude, vers l'immense mur de pierre, qui cachait pour son grand malheur l'autre côté de cette muraille. Il posa sa main gauche devant l'obstacle de sa liberté et le contempla. Il essayait de trouver ne serait-ce qu'une petite faille pour atteindre l'autre côté.
Depuis ses quinze ans, ses parents lui baragouinaient d'être plus investit pour leur tribu, d'essayer de trouver des solutions aux problèmes posés, d'être plus mature, de penser à trouver une femme, et surtout de poser son cul sur ce putain de trône, et renoncer à sa quête de liberté.
D'un seul coup, il expira tout l'air de ses poumons comme s'il laissait échapper toute sa frustration. Pourquoi ne voulaient-ils pas comprendre ? Il n'était pas fait pour gouverner. A la rigueur, chef de l'équipe de chasse pour pouvoir errer dans la forêt sans personne sur son dos. Mais au grand jamais, chef de la tribu entière.
Perdu dans ses pensées, il longeait le mur, une main posée sur celui-ci. Le vent lui caressait le visage, les branches craquaient sous ses pas, et ses doigts frôlaient la pierre antique. Soudain, une idée lui vint en tête. Et si... Il escaladait ce mur ? Il n'avait jamais osé auparavant par peur d'être vu, mais à cet instant, il faisait nuit noire. Et ses parents n'auraient jamais l'idée de le trouver si près de la frontière, et encore moins au-dessus.
Ces briques irrégulières seraient faciles à prendre en main, et malgré la hauteur, il se savait assez musclé pour les escalader. Sans réfléchir, comme un instinct, il agrippa les pierres qui dépassaient et commença à monter. Une par une, en douceur, pour ne pas commettre l'erreur de tomber, il avançait vers le sommet. Dans un dernier effort, il agrippa la dernière pierre et se issa. Enfin debout, tout en haut de ce mur qui semblait infranchissable, il les voyait enfin. Il pouvait désormais les contempler sans qu'aucune barrière ne puisse le gêner : ces petites lumières qui apparaissaient lorsque le crépuscule entamait sa dernière ligne droite. Ces milliards de minuscules tâches semblaient danser au grès de la nuit qui défilait.
Cette muraille, gigantesque en hauteur, l'était tout autant en largeur, pouvant certainement y accueillir deux personnes à part entière lors une balade nocturne. Détaillant d'un peu plus près la vieille roche, il ne vit pas tout de suite la silhouette recroquevillée. Elle était à peine visible dans la pénombre, seuls ses cheveux semblaient virevoltés au grès de la légère brise. Il l'observait sans pour autant bouger d'un iota. Entre deux respirations, l'autre reniflait. Soudain, sans qu'il ne s'y attende, la silhouette se releva. Avant même, qu'elle n'eut le temps d'entamer le chemin retour, elle tomba nez à nez avec l'individu qui l'observait depuis quelques minutes. Se stoppant net dans sa fuite, les deux étaient comme pétrifiés. C'est alors, qu'il put discerner les traits de son visage. Quelques mèches en accroche-cœurs lui tombaient sur son front. Sûrement dû aux reflets de la lune, ses boucles se présentaient comme aillant quelques reflets curieusement verts. De grands yeux verdoyants humidifiés par les larmes le fixaient, comme hypnotisés par ses propres prunelles. Et sur ses pommettes se dessinaient une constellation de tâches de rousseurs.
Le temps s'était comme arrêté, leurs regards ne pouvaient plus se détacher l'un de l'autre. Leurs souffles se mélangeaient tant leurs corps étaient proches. Son cœur battait si fort dans ses oreilles qu'il n'entendait plus un son. Peut-être n'était-ce qu'une impression, mais pour la première fois de sa vie, il ne ressentait plus ce vide qui le hantait. Etaient-ils restés six secondes, ou bien six minutes à se contempler sans décrocher un mot, aucun d'eux ne le savait. Par un excès de confiance, le fugueur prit la parole.
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De l'Autre Côté
FanfictionJadis, deux tribus vivaient sur le territoire de Masutafu. Durant des décennies, la tribu Toshinori et Shigaraki combattaient pour s'approprier le territoire entier. Cependant, lorsque les deux anciens chefs de guerres, Toshinori et Shigaraki se com...