Prologue

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La jeune fille, adulte à ce jour, venait de se lever en s'étirant lentement. En revanche, sa nuit fut brève. Elle fut brève mais gorgée de doutes et d'inquiétudes. Allait-elle survivre loin de ses proches ? Avait-elle des épaules suffisamment solides pour l'armée dont elle eut tant rêvé ? Voilà ce qu'elle s'était demandée.

En ce jour, 8 octobre 2076, je fais le choix le plus crucial de ma vie, rejoindre l'armée du héros que j'admire depuis mon enfance, Brain. Je l'ai décidé dès mon plus jeune âge.
Ça paraît prétentieux de le dire mais, je me sens différente de ceux qui m'entourent. Va savoir pourquoi, je suis pourtant banale comme fille. Mais contrairement aux autres, ma détermination et mon adoration envers Brain est sans limite, je suis sans relâche.

Je regarde avec lassitude mon visage éreinté dans la glace de ma chambre, aujourd'hui, je m'en vais. Je pars loin de tout, je recommence tout. Je peigne lentement mes cheveux bruns, leur nuance cacao m'est devenue redondante et routinière. J'attache le tout pour former un chignon bas bien serré. On m'a toujours dit que j'avais l'air stricte avec cette coupe, mais il faut ajouter que mes yeux marrons foncé et mon nez aquilin n'aident pas.

Mon apparence m'a toujours rendue méprisable, tantôt on complimentait mes cheveux brillants, tantôt on se moquait de mon nez de sorcière. Enfant, je rêvais d'être comme toutes ces filles mignonnes, comme Kat, ma meilleure amie. Vous savez, la blonde aux yeux bleus avec un petit nez bien rebondi.
Il paraît que Brain a sélectionné les plus intelligents de chaque nations il y a 18 ans, mais visiblement les moqueries infantiles restent. J'imagine que c'est dans la nature humaine, de rabaisser et d'abattre tous ceux qui osent être différents de la norme.

Un léger grincement de porte me tire de ma rêverie, ça doit être ma mère.

— Victoria, c'est l'heure d'y aller, marmonne affectueusement ma mère.

Je souris légèrement. Ma mère est un ange, on peut sûrement l'affirmer. Avant ce cataclysme il y a 18 ans, elle poursuivait des études en psychologie, qu'elle a dû abandonner pour des raisons évidentes. Elle a souffert de plusieurs fausses couches avant de m'avoir, je crois que c'était à cause d'une maladie, je n'ai jamais su laquelle.

L'ancien monde possède encore pleins de mystères pour moi, tout est toujours resté flou ou vague. En tout cas je sais une chose, le Cerebrum n'est pas nocif comme l'était ce monde. Le grand dôme de verre au dessus de nos têtes, presque invisible, nous protège du danger. Le système du Cerebrum nous assure stabilité et bonheur pour l'avenir, j'en suis sûre.

Je suis lentement ma mère en regardant le sol, je n'ose pas le dire mais, c'est sûrement elle qui me manquera le plus. J'ai toujours trouvé sa beauté irréelle, ses cheveux noisettes et ses yeux verts n'ont jamais vieilli à ma connaissance, pas un seul cheveu blanc ou une seule ride. Comme une poupée.
Armée de mon sac de voyage, je prends instinctivement la main de ma mère et nous rentrons dans le grand bâtiment pouvant réunir la population. C'est ici que ma vie actuelle s'arrête. Ici, je m'engage à l'armée.

Je ne vois aucun de mes amis, mais peu importe. J'imagine que j'aurai des permissions pour revenir et tous les revoir. J'arrive devant une grande table beige à laquelle sont attablées deux personnes, un homme et une femme visiblement pas commodes. Ils ne parlent même pas et me tendent juste un document. Il y était noté en gros titre : "L'armée, assurance de votre avenir".

Ils n'ont pas tort car Brain propose un très beau confort de vie aux militaires retraités, mais il assure également la sécurité de nos familles. Cet homme a toujours eu grand cœur, la preuve : il a en parti sauvé l'humanité, la faune et le flore.

Sur le papier était demandé une signature, mes mains moites prennent le stylo qu'ils me proposent. Je signe, la panique m'envahit. Je n'ai jamais pris de vrais décisions comme celle-là, j'ai le sentiment de prendre enfin de l'importance, de ne plus être insignifiante. Je tente de sourire amicalement aux deux personnes en face de moi mais ils me regardent simplement dans le blanc des yeux.

Nous nous sommes rapidement arrêtés devant l'hôtel des nourrices, un grand bâtiment qui regroupent les nourrices du système. En effet, c'est une profession très répandue dans le Dôme, une des premières offres qui sont proposées aux jeunes adultes. Je viens voir ma nourrice une dernière fois, Rosia Humfeld. Je l'ai toujours connu, quand ma mère devait travailler à l'usine, je passais mes journées avec elle. Elle semble afficher une mine triste quand je l'aperçois. Je cours jusque dans ses bras.

— Victoria ! Je ne pensais pas te voir aujourd'hui ! s'exclame Rosia dans un soupir.

— Je devais absolument te serrer dans mes bras une dernière fois...murmurai-je avec soulagement.

— Ne dis pas n'importe quoi ! répond-elle en tapotant mon dos avec la gentillesse que je connais tant.

— Demain dès l'aube, je partirai pour l'armée, annonçai-je avec un ton plus grave.

— Je m'en doutais déjà...et je suis sûre que tu seras remarquable là-bas, termine-t-elle.

Notre étreinte s'achève. Je ressens déjà la mélancolie de mon départ. Mais je n'ai pas le temps de pleurnicher, je dois aller voir mes amis ! Sans plus attendre, je dis au revoir à Rosia et je m'empresse d'aller à notre point de rendez-vous. Ma mère devait rentrer, ce sera alors comme au bon vieux temps, je trainerai toute l'après-midi avec Kat, Eli et Noa.

Ce sont mes amis depuis notre plus tendre enfance. Il y a d'abord Katarina, une jolie blonde aux yeux bleus à la peau blanche comme neige, un sourire angélique, je ne lui connais aucun défaut si ce n'est qu'elle est plutôt impulsive. Ensuite, Eliott, un garçon agréable au teint brun. Ses yeux ténébreux et ses cheveux couleur ébène peuvent le rendre effrayant mais il ne ferait de mal à personne. Il a justement tendance à être trop émotif. Puis enfin, Noa, c'est une chouette fille. Son teint est plutôt pâle mais ses boucles rousses la rendent lumineuse. A l'école, elle était souvent rabaissée pour ses rondeurs, mais nous l'avons toujours défendu.

— Alors, qu'est-ce que vous allez choisir ? demande Eli curieusement.

— Pour moi c'est sûr, je reste au Dôme ! s'exclame Noa en s'affalant sur un banc.

— Moi aussi, ils me trouveront bien un boulot...soupire Kat le regard dans le vide.

— Je ne serai pas seul ! se réjouit Eli. Et toi, Vic ?

— Je pars à l'armée, annonçai-je en craignant leur réaction.

Ils se regardent entre eux.

— Mais tu n'as pas peur ? s'inquiète Noa.

— Si, bien sûr, rétorquai-je. Mais ça semble important pour moi d'y aller, je serai moins utile au Dôme.

— Alors on se verra presque plus...raison de plus pour profiter ! s'écrie Eli en nous prenant dans les bras.

Parler de son choix du Cerebrum est plutôt tabou, tout le monde a tendance à garder le secret jusqu'au moment crucial. Mais il n'y a pas de gêne ou de tabous avec mes proches, je n'ai jamais compris ce concept. Malgré mon annonce, nous avons profité de cette après-midi. Le soir venu, après un bon repas avec ma mère, je suis allée me coucher. Je ne faisais que penser à demain. Demain commencera ma vraie vie, chez Brain.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 12, 2023 ⏰

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