Les trois mots ont été proposés par Tsukitoshokan et sont : clown, écaille et cadeau.

Le ciel s'abattait sur Soan sans qu'il ne puisse rien y faire. Sa carapace s'était depuis longtemps fissuré, ses écailles avaient fini par se décrocher de sa carcasse molle et il était maintenant seul, seul sous cette pluie bouillante que rien y personne ne pouvait arrêter.

Il marchait donc, de jour comme de nuit, guettant un cadeau de ce ciel maudit. Au diable les principes moraux et la bienséance, lui tout ce qu'il voulait c'était vivre autre part que sous les pluies diluviennes ou les arrêts de bus scolaire.

Il y a fort longtemps, dans le sein d'un temps qui était aujourd'hui révolu, il avait amusé le public. Il rentrait chaque soir dans l'arène, sous le chapiteau, jamais au même endroit, tout autour de la France, et il faisait rire. Il portait une perruque multicolore, un nez rouge, un costume ridicule. Son visage était peint en blanc pour cacher sa peau d'ébène. Il lançait des tartes aux volontaires, il sautait sur les coussins peteurs, il renversait des seaux d'eau sur les gens peu attentifs.

On le prenait pour un fou; il jouait un rôle mais les enfants le croyait seulement stupide, bon à faire des bêtises et à être ridicule.

Mais un jour, le métier de clown avait eu raison de lui. Son costume coloré lui brûlait la peau, le collait jusqu'au plus profond de son être, et il s'était effondré. Il ne pouvait plus jouer ce rôle; son amour-propre avait saturé.

Alors il était parti. Il avait refait sa vie, assis, sur les trottoirs. Son enfance clandestine en Afrique Noire lui avait fait prendre le goût de la solitude. La pauvreté ne le rongeait plus; seul le froid des routes de campagnes lui faisait regretter les étés brûlants de son petit village d'enfance.

Qu'étaient donc devenus ses parents, qui avaient tant voulu son départ ? L'absence de Soan avait-elle était pour eux un véritable cadeau ? Le pensaient-ils heureux, ici, sur les routes de campagnes, de l'autre côté de la mer, si loin de ses racines ?

Aujourd'hui Soan se fait vieux, et souvent il se demande si ses parents le voient, du ciel. Si leurs écailles sont elles aussi tombées ou s'ils avaient prévu de les lui donné.

Aujourd'hui Soan n'est plus un clown, même si lorsqu'il croise le regard des gens il a encore l'impression d'en être un. Tout le monde le regarde d'un air piteux, comme s'il était ridicule, mais au fond, Soan ne s'était jamais senti aussi vrai.

Aujourd'hui Soan se rend compte que son séjour sur Terre n'a jamais été un cadeau, mais que depuis qu'il n'a plus de terre où s'assoir, il n'a jamais été aussi reconnaissant d'être en vie.

Reconnaissant d'être lui.

Chapitre écrit par Prims.

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