mis flores se mueren de pena

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Le soleil tapait fort, dehors. Heureusement pour lui, l'homme était à l'intérieur et chaque volet de la petite maison de campagne récemment acquise était fermé, laissant ses entrailles dans la pénombre. Quelques rayons filtraient à travers les persiennes, bien sûr. Pas suffisamment pour éclairer les pièces étriquées.

La maison était petite et basse, à peine assez grande pour abriter une seule personne, ou un couple tout au plus. Elle était entretenue, on le voyait à la peinture fraîche appliquée à sa façade passablement fatiguée, au muret reconstruit qui faisait son enceinte, aux tuiles réalignées sur le toit et aux gouttières neuves.

L'été et ses ravages frappaient durement la végétation autour de la bâtisse, seule vie accompagnant cet ermitage. La température ne montait pas trop dans la maison, grâce aux persiennes.

Ces persiennes, justement, protégeaient du monde extérieur un homme qui eut l'originalité de choisir cette vie recluse. Cela faisait deux mois qu'il vivait là, mais personne aux alentours n'avait pu lui adresser la parole. On le voyait parfois bricoler sur la maison ou simplement sortir prendre l'air, pour les quelques chanceux qui passaient par là au bon moment, mais en dehors de ces occurrences il était inapprochable.

Il ne recevait jamais de visite, n'allait jamais visiter personne, et ses seules sorties se limitaient à l'épicerie de la ville d'à côté, à peine plus de deux fois. Depuis qu'il était là, des rumeurs se propageaient mais ne l'atteignaient jamais tant il était parfaitement reclus. On parlait, mais lui ne pouvait entendre.

Dans l'allée, derrière le portail, étaient garées deux voitures qui autrefois n'étaient pas les siennes. Elles étaient belles, elles semblaient chères, et il s'en occupait si bien que la poussière des monts d'Ardèche ne pouvait y rester accrochée. La maison ne possédait pas de garage pourtant, et elles devaient donc dormir dehors.

Le seul véhicule couvert était une grande moto, qu'il ne pouvait monter pourtant, à cause de sa propre taille, et qui dormait sur la terrasse carrelée à l'arrière, sur laquelle donnait une baie vitrée toujours condamnée par des volets. C'était à se demander comment un seul homme avait pu ramener tout ça.

La réponse simple était qu'il avait reçu l'aide d'ami·es qu'on ne lui soupçonnait pas, la seule visite qu'il reçut lors de son installation, il y a deux mois de ça. Depuis, personne, à part le facteur deux fois par mois, mandaté par ses obligations, mais qui ne prenait jamais la peine de rencontrer cet étrange énergumène qui recevait des lettres par dizaine.

Il était un mystère pour les habitant·es des alentours, une question qui ne pouvait pas trouver réponse. Pourquoi diable un homme dans sa quarantaine viendrait-il emménager dans un trou perdu, élire domicile dans une vieille bâtisse à moitié abandonnée, vivre sans contact ?

La réponse, Sylvain la connaissait. Il aurait pu leur donner. Il aurait pu essayer de tisser des liens, maintenant qu'il était de retour près de sa région natale, entre Saint-Etienne et l'Ardèche. Il aurait pu faire tant de choses s'il l'avait voulu... Mais voilà, depuis deux mois, il ne voulait plus. Marcher sur l'eau ne lui donnait plus envie depuis que Pierre l'avait quitté, après des années de vie de couple et d'autant plus d'amitié.

L'homme soupira et se leva du lit sur lequel il était assis. Un lit deux places. Il ne voulait pas y penser, et pourtant l'idée s'imposa à son esprit et le fit tressaillir. Deux places, une pour lui et une pour le fantôme de son amour.

Les yeux fermés, au milieu de la petite pièce, il aurait pu sentir la pression de sa main contre le bas de son dos, où il la posait si souvent quand il passait près de lui. C'était un autre temps, et pourtant la sensation spectrale lui semblait si réelle...

mis flores se mueren de pena (Razones - Bebe)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant