Ailleurs

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C'est une grande demeure, un peu délabrée. Je toque puis sans attendre de réponse je me permets d'entrer, elle n'a plus l'air habité. Vite fais je reconnais les lieux, ils sont intactes depuis cette soirée, rien n'a bougé, pas même les cadavres de bouteilles qui jonchent le sol recouverts de poussière. Un million de questions s'ajoutent à celles que j'ai déjà mais je continue d'inspecter toutes les pièces dans l'espoir d'y trouver quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. La dernière porte au fond du couloir s'ouvre sur une chambre, de la peinture rouge au mur, un lit double face à la porte, une fenêtre sur la droite. Sur le lit, lui. Il est là, assis en tailleur comme s'il m'attendait. Mon inconnu. Ce qu'il me dit me glace le sang autant pour les paroles que pour sa voix chargée de tristesse.

- Je savais que tu reviendrais. Je ne pensais pas par contre que ça te prendrais autant de temps.

- Qui es tu ? Qu'est ce que tu m'a fait ? Ça fait un an que je n'arrive pas à t'oublier, que tu me hantes...

- Je sais. J'en suis désolé, ça ne devait pas se passer comme ça.

- Ça veut dire quoi ça ? Tu sais donc ce qui se passe, qu'est ce que tu m'a fait, espèce de dégénéré.

- JE n'ai fait que t'embrasser, je voulais ressentir une dernière fois les lèvres de quelqu'un sur les miennes...

- Une dernière fois ?

- Oui, je... Le mot que tu as choisi est le bon. Je suis un espèce de fantôme humain. Je suis condamné à errer dans cette maison tant qu'une personne ne m'aura pas donné la clé pour me délivrer pour que je puisse aller là où je suis censé aller. Le problème c'est que je ne sais absolument pas ce qu'est cette clé, du moins je ne le savais pas avant de t'embrasser. Je n'ai aucun moyen de sortir d'ici, autre quand aspirant l'énergie vitale d'une autre personne. Quelques mois après le baiser je me sentais de plus fort, je reprenais quelques couleurs, je me sentais plus humain. Je ne comprenais pas d'où ça venait mais je n'y réfléchissais pas plus que ça, m'occupant encore et toujours à trouver ce que pouvait être cette foutue clé. Une nuit, je ne sais comment je me suis retrouvé dans ta chambre, dans ton lit, j'ai vu ton état et c'est là que j'ai compris d'où me venait ma nouvelle énergie. J'étais en train de puiser la tienne, dès que je l'ai compris j'ai arrêté de faire toute ses recherches, je bougeais le moins possible pour te soutirer le moins d'énergie possible. Une fois j'ai tellement penser à toi que j'ai réussi à revenir dans ta chambre dans mon rêve, j'avais beau avoir arrêté de bouger ton état ne faisait qu'empirer. Je voulais quitter ce monde mais pas au détriment de quelqu'un qui n'avait rien demandé. Au tiens. Je suis sincèrement désolé. Je te promets que je ne t'aurais jamais embrassé si j'avais su ce qu'il t'arriverait

- Embrasse moi.

- Est ce tu viens d'écouter ce que je viens de te dire ?

- Oui, avec attention. Je dois moi aussi être honnête avec toi. J'ai un cancer qui s'est dégradé beaucoup plus vite que prévu tout au long de cette année, devenant inopérable. Tu n'es pas responsable de mon état, je le pensais aussi au début car tout a commencé juste après le baiser mais je ne faisais que me voiler la face pour ne pas voir la vérité en face. J'ai fait un transfert de ma maladie sur ta personne, te jugeant responsable de quelque chose dont seul mon corps l'était. Personne n'est responsable de ce qui nous arrive personnellement et réciproquement. Je suis de toute façon destiné à mourir autant que ma mort ne soit pas veine. Nous n'avons plus qu'à espérer que nous nous retrouverons Ailleurs.

- Tu ne m'en veux pas ? Ses yeux miel et triste plongent dans les miens.

- Je ne peux pas en vouloir à quelqu'un qui est aussi perdu que moi. J'aurais une seule condition.

- Je t'écoute.

- Tu voulais des lèvres sur les tiennes une dernière fois. Je veux ressentir du plaisir une dernière fois. Je n'ai pas le droit de faire des efforts trop physique et le sexe en fait partit. Je veux mourir en apothéose, mourir de plaisir. Je veux faire l'amour une dernière fois avec toi.

- Je comprends. J'accepte. Tu ne veux toujours pas savoir mon prénom ?

- Non, je n'en ai pas eu besoin pour profiter du baiser, je n'en ai pas besoin pour prendre du plaisir. Veux-tu savoir le mien ?

- Non plus. Nous nous l'avouerons là où nous nous retrouverons.

Je me rapproche du lit, faiblement je m'y allonge. Il se place au-dessus de moi et avec toute douceur dont je le sens faire part, ses lèvres se déposent à nouveau sur les miennes. Cette même chaleur m'enveloppe, son regard plonge dans le mien, il la sent aussi. Nous ne sommes tous les deux pas sûrs de ce dont il s'agit mais nous continuons nos baisers sans nous prendre la tête. Nous n'avons réciproquement plus rien à perdre.

FIN

❤️

Mon inconnu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant