Partie 2

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J'étais figée par la terreur, et la sorcière éclata d'un rire gras qui fit sans doute frissonner tout ce qui avait un coeur dans les alentours.

Trempée de sueur, je me réveillais en sursaut. Je n'avais pas vraiment l'habitude de faire des cauchemars, et encore moins sur la légende de mes origines.

Ma génitrice m'avait conté un récit qu'elle tenait elle-même de sa mère. Selon notre mythe familial, nous descendions d'une certaine Vassilissa, qui avait rusé pour échapper à une sorcière du nom de Baba Yaga. Celle ci avait apparemment souhaité la manger, comme tant d'enfants avant elle.

Je n'y avais jamais cru, à vrai dire. Si je descendais de quelqu'un qui avait trompé une célèbre sorcière, alors il était tout aussi possible que Jules César descende véritablement de Vénus, la déesse de l'amour et de la beauté. Autrement dit : n'importe quoi.

C'est pourquoi je fus perplexe après cette manifestation de mon subconscient.

Jojo remarqua mon trouble et me demanda d'une voix inquiète si tout allait bien.

- Oui, j'ai juste fait un rêve étrange... répondais-je.

À ce moment là, une secousse nous indiqua que nous étions arrivés à destination. Le chauffeur confirma en annonçant de sa voix rocailleuse que nous étions bel et bien parvenus à Sag Harbor, plus particulièrement à Havens Beach, où était située la résidence.

Nous sortîmes de la voiture et contemplâmes l'immense villa d'un bleu foncé face au soleil couchant.

- Quelle heure est il ? demanda Jojo en réprimant un baillement, résultat de notre longue sieste.

Je jetai un coup d'oeil à mon iPhone avant de répondre :

- 21h48.

Nous pénétrâmes dans l'immense demeure, et dès l'entrée Jojo resta médusée. C'était une sorte de grand vestibule meublé d'un porte-manteau accroché au mur, d'une bibliothèque et d'un grand placard sombre.

Une porte donnait sur le premier salon, une large pièce occupée par de vastes canapés en cuir blanc, une cheminée incrusté dans le mur et un bar de couleur noire au plan de travail en chêne. De grandes baies vitrées permettait une vue sur la piscine et le jaccuzi extérieurs.

Nous montions à l'étage afin que je montre à ma meilleure amie les chambres, qui possédaient toutes leur propre salle de bain. Ma mère avait tenu à ce que chaque chambre aie une couleur pour thème. Jojo s'installa donc dans la jaune et moi dans la bleue.

Je rangeai mes vêtements dans la commode et disposai mes affaires de toilette sur le lavabo de ma salle de bain. Puis, je me rappelai du miroir trouvé à l'aéroport et le sortis de mon sac à dos avant de le mettre contre le mur, appuyé sur la grande glace accrochée au mur.

Ensuite, je me rendis compte que j'avais atrocement faim. Je rejoignais Jojo dans le salon, où elle me signala que son estomac criait famine, à elle aussi.

Je décidais de commander dans un restaurant où j'étais déjà allée avec mes parents quand j'étais plus jeune : Lulu kitchen & bar.

La commande arriva rapidement et les sensations gustatives de mon enfance refirent surface, me plongeant dans tous les souvenirs de l'époque où j'étais une gamine. Je revenais dans la tête de la Viktoria de sept ans, qui découvrait tout du monde qui l'entourait. Le sourire aux lèvres, je finissais de manger mon repas en discutant avec Jojo de nos projets de vacances.Plusieurs jours passèrent et nous nous adaptions assez vite à Sag Harbor. Je n'avais pas refait de rêve étrange, tout allait pour le mieux. Le matin, nous nous levions vers neuf heures trente pour profiter pleinement de nos journées, mais nous flânions finalement toute la matinée dans la piscine. Nous mangions rapidement avant de filer à la plage, qui se trouvait juste en face de la villa. Le soir, nous dînions dans un restaurant en ville.

Nous revenions justement d'un bar à crêpes, et je m'étais jetée dans mon lit, épuisée. Je somnolais lorsque je perçus, au milieu du silence de la nuit, un bruit de verre brisé dans la salle de bain. Surprise, je me levais et jetais un simple regard dans celle ci. Ne remarquant aucune silhouette de monstre ou de voleur dans le noir, je retournais sur mon matelas, me demandant si je n'avais pas rêvé. Je me rendormis en une fraction de seconde.

Je me réveillais dans les mêmes bois qui avaient accueilli mon premier rêve. La sorcière était devant moi, ses yeux dans mes yeux.

- La première phase de ma vengeance vient de s'accomplir, petite Vassilissa.

- En fait c'est Vikt-

- Je m'en fiche. Je te tiens au courant de mon avancée, mais pourtant tu ne comprendras rien quand le pire arrivera ! C'est hilarant ! riait-elle.

Elle ne me faisait plus aussi peur. J'attribuais ce rêve au stress des dix huit ans.

- Je n'ai pas peur. Lui rétorquais-je.

Elle eut un sourire malsain, et ses yeux brillèrent de méchanceté.

- Tu devrais peut-être.

Puis elle claqua des doigts.

***


C'était le matin. Je me levais, dans le flou de ce qui s'était passé dans ma tête durant la nuit. Ce cauchemar me semblait plus réel que tous ceux que j'avais fait jusque maintenant. Vaguement troublée, j'allais voir Jojo, qui dormait profondément.

- Debout paresseuse ! Soufflais je en la secouant délicatement.

- Mmmmh... Non... bougonnait elle en me repoussant d'un geste lasse.

- Allez !

À ce moment, je repensais au bruit que j'avais entendu le soir précédent, et demandais à Jojo si cela ne l'avait pas réveillée. Mais Jojo n'avait rien entendu de particulier.

Cela me parut étrange, car le bruit avait été, dans mon souvenir, assez fort. Mais peut-être que la cloison qui séparait nos chambres était plus épaisse que je ne le pensais.

Jojo consentit enfin à se lever et nous descendions afin de déjeuner. Après notre repas, composé de pancakes et de lait-fraise, nous remontions pour nous préparer.

Mais, lorsque j'entrai dans la salle de bain, je vis que le grand miroir accroché au mur était fisssuré, et plusieurs morceaux étaient retombés dans le lavabo.

- Mais qu'est ce que..

Quelque chose me parut bizarre : la longue estafilade qui zébrait mon reflet semblait partir du petit miroir de l'aéroport. Celui ci était appuyé à la base de la fissure. Comme si... Comme s'il avait trouvé que celui ci prenait trop de place...

- Jojo ! Viens vite ! Criais je.

J'avais un pressentiment. Un affreux pressentiment.

- Quoi ? Quoi, quoi ? Hurlait Jojo, paniquée, en entrant dans la pièce.

- Regarde le miroir !

Elle fronça les sourcils.

- Hein ? Mais c'est quoi ce cinéma pour une chose aussi insignifiante pour toi ? Il y en a des milliers, ici, des miroirs ! Sept ans de malheur ne te feront peut être pas de mal.

La vengeance de Baba YagaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant