Elle avançait en sautillant car elle n'avait qu'une jambe. C'était une cannibale et on sait que les cannibales sont unijambistes.
La vieille sautilla jusqu'à la petite fille et demanda :
"Qui es-tu ? "
"Je suis Ntombi, et c'est la mer qui m'a déposée ici ", répondit l'enfant.
La vieille hocha la tête :
"Je vois que tu n'es pas d'ici. Les gens d'ici n'ont qu'une seule jambe, car ils sont cannibales. Moi aussi, je suis une cannibale et je m'appelle Salukazi. Mais tu n'as pas à avoir peur. Je ne te mangerai pas et je ne permettrai pas aux autres de te faire du mal ! "
Salukazi et Ntombi s'en allérent ensemble dans le village des cannibales. A leur passage, les gens sortaient de leurs huttes et se pourléchaient en voyant la petite fille bien potelée.
Salukazi leur cria :
"Cette enfant n'est pas pour vous ! Celui qui osera lever la main sur elle, aura affaire à moi ! "
Sur ce, la vieille leva les bras et marmonna des paroles incantatoires :
"Khlvi, khlvi, khlvi, vokhlo, vokhlo, vokhlo ! "
Une tornade, une averse et une tempête des plus terribles s'abattirent aussitôt sur le village, renversant les hommes, emportant les toits des huttes. Les éléments ne se calmèrent que lorsque la vieille baissa les bras. Salukazi était une puissante magicienne qui savait invoquer la pluie et le vent. Les hommes la craignaient et personne n'osa lever la main sur la petite Ntombi.
Les villageois se disaient :
"Ce n'est pas grave. Salukazi finira bien par mourir. En attendant, Ntombi grandira, grossira et nous nous en régalerons ! "
Cinq, dix, quinze ans passérent. Ntombi s'était transformée en une belle jeune fille et Salukazi en une trés vieille femme chenue qui ne sortait plus de sa maison. Ntombi en prenait soin comme s'il s'agissait de sa propre grand-mère et Salukazi lui apprenait des tours de magie. Les gens la craignaient toujours, si bien que personne n'osait nuire à Ntombi. Mais ce n'était que partie remise : ils guettaient la mort de la magicienne pour se régaler de la chair rôtie de cette jeune fille.