Dorian venait d'arriver en ville. La voiture dans laquelle il se trouvait serpentait désormais dans les immenses rues dominées par les immeubles infiniment hauts. Le jeune homme ne savait plus où donner de la tête, il était émerveillé, comme dans un rêve. Il comprenait désormais pourquoi elle était partie là-bas plutôt que de rester dans leur village natal, loin de tout. Le vrombissement assourdissant du moteur du taxi se stoppa soudainement, au plus grand bonheur des oreilles du blond qui après deux heures commençait à avoir mal à la tête. Il ouvrit la portière, attrapa sa valise, remercia le chauffeur et posa ses pieds sur le sol de la grande et admirée ville qu'était New York. Les pas du jeune homme le conduisirent jusqu'à son hôtel et puis finalement dans sa chambre où il s'écroula de fatigue.
Dorian regardait le plafond beige auquel les derniers rayons du Soleil donnait une magnifique couleur orangée. Il se sentit alors, pour la première fois depuis des années, bien. Un léger sourire vint orner ses lèvres, illuminant soudainement son doux visage. Maintenant qu'il était arrivé il n'avait plus qu'à la trouver pour ressentir cette joie à chaque instant de sa vie. Lui qui était parti sur un coup de tête ne regrettait plus un seul instant sa décision. Le jeune homme tourna la tête vers la droite, où ses yeux rencontrèrent un petit calendrier qui lui rappela la date, ce qui eut pour effet de faire s'effondrer son sourire, rendant à son visage sa morosité habituelle.
Le calendrier ne cessa pourtant pas de lui mettre les chiffres et les lettres sous les yeux, il affichait élégamment Avril 1947 et les jours étaient rayés jusqu'au 9. Dorian détourna les yeux, il ne supportait pas de se dire que cela faisait bientôt huit ans qu'il ne l'avait plus vue. Et cela lui déchirait le cœur. Il n'avait même pas eu le temps de lui dire ce qu'il ressentait pour elle. Le jeune homme espérait simplement qu'après tout ce temps elle n'aurait personne, il ne pourrait en aucun cas le supporter. Margot, il savait qu'elle était partie en quête d'une vie où elle serait plus reconnue que dans leur village dans le nord du Canada. Du moins c'était ce que les parents de la jeune femme avaient affirmé lorsque Dorian était rentré en compagnie de ses parents, un mois plus tôt. Ce jour là il avait été dévasté, lui qui avait attendu si longtemps pour la revoir allait devoir attendre encore. Il était alors entre dans un mélange de tristesse et de colère qui ne lui ressemblaient pas. Ou du moins qui ne ressemblait pas à la personne qu'il était avant la guerre. Car celle-ci l'avait changé, et pour le pire. Lui qui était si honnête et doux, qui était souriant et toujours serviable, mentait souvent, était blessant, ne souriait presque jamais et soupçonnait quiconque de ne pas être quelqu'un de bien. Il était devenu contre son gré la personne qu'il s'était toujours promis de ne pas devenir, son exact opposé. Mais les dégâts étaient faits et ne pouvaient être réparés, les années qu'il avait passées ne seraient jamais effacées. Et cela le rendait malade, parce qu'il n'aurait jamais dû être impacté de cette façon, il n'était à l'origine en France que pour rendre visite à une partie de sa famille qui habitait à Paris. Sauf que la guerre avait éclaté en Europe à ce moment-là et il avait alors été condamné à subir la peur, bloqué dans la capitale française durant de longues années.
Mais Dorian s'en était enfin échappé, pour se retrouver à New York, ce qui n'était au départ pas dans ses plans, mais s'il voulait retrouver Margot c'était un détour obligatoire. Le blond ne pouvait plus attendre, il avait si hâte de la retrouver, le lendemain. Ses parents l'avaient appelée et elle avait accepté de revoir son ami d'enfance dès qu'il pourrait venir. Et le lendemain, Dorian sautait dans le train sans préavis, il n'avait pas besoin de réfléchir, il savait.
Le jeune homme se releva enfin de son lit, il faisait nuit. Il se décida alors à manger quelque chose rapidement avant de se changer et de revenir sur le matelas moelleux, désireux de faire passer le temps aussi vite qu'il le pouvait.
Les premiers rayons du soleil viennent lécher délicatement la peau pâle de Dorian, ce qui eut pour effet de le réveiller. Il ne prit pas la peine d'apprécier la chaleur que la lumière lui offrait, ni même la douceur de ses draps qui était toujours plus agréable lorsqu'il se réveillait, tant il se leva rapidement. Le jeune homme était empli d'une énergie et d'une joie nouvelle. Il manqua même de glisser en se précipitant vers la salle de bain. Là, il prit tout son temps pour se préparer, il devait être parfait. Les secondes laissèrent alors place aux minutes qui se firent elles remplacer par les heures qui s'écoulaient au rythme des mots dont Dorian emplissait son carnet pour passer le temps. Il n'avait pas écrit depuis des années, depuis qu'il avait laissé le Canada pour la France, depuis que son sourire avait laisse place à ses larmes. Mais son impatience l'avait forcé à se canaliser jusqu'à ce que sa montre lui indique dix sept heures trente. Il ne restait alors à Dorian plus qu'une heure avant de retrouver Margot, il attrapa donc son manteau et sortit. De là, il appela un taxi qui le conduisit à l'endroit où il avait rendez-vous.
VOUS LISEZ
L'Arrache-Coeur
Short StoryMargot pensait simplement retrouver son ami d'enfance après de longues années. Mais celui qu'elle a retrouvé n'était plus le même, et le vent s'est mis à souffler, balayant la joie pour apporter la peur. Car rien n'est pire que d'avoir à craindre u...