L'épée Vierge

Le guerrier de feu

Les doux rayons de la lune caressent les vagues, se faufilent parmi les courants, et flirtent avec l'océan sans pour autant éclairer son fond. De nombreux nuages gris lui tournent autour, annonçant une méchante tempête. Face à ses tyrans qui préparent leurs furies, la timide deuxième lune n'osa même pas se montrer. La lumière avait perdu face aux ténèbres, en cette nuit sombre. Dexia maudit ce ciel sombre, il venait de se trancher le pied en marchant sur du corail. Pensif, il regarde la blessure se régénérer lentement. C'est cette régénération un peu plus rapide que la moyenne qui venait de sauver sa vie à l'instant. Il prit une grande inspiration d'eau salée avant que la mer emporte ses larmes. A quoi bon vivre ? Si ce n'est que pour être pourchassé à chaque instant ? La vie lui avait donné à la naissance un cadeau empoisonné: une beauté inégalable. Sa peau avait beau arborer une seule nuance de blanc, il était  doté d'une crinière magnifique. Telle une flamme, sa base était  rouge, qui s'intensifie  en nuaces de bleu puis de blanc. Tandis que ces antennes arborent le patern inverse. Il était  littéralement  une flamme parcourant l'océan. Cette apparence légendaire et unique attire la convoitise de tous, même des plus beaux.

Dans une société où la beauté est la seule déterminante du pouvoir, nombreux sont ceux qui auraient perçu cette apparence comme un don. Mais la vie n'est jamais aussi simple. Tout le monde rêve d'obtenir ce privilège, et il y avait un moyen simple d'y arriver: faire un enfant avec lui.

Au diable son consentement, après tout, il était plus simple de simplement le contraindre que de chercher à le séduire. Il suffisait de contracter ses avant bras, pour faire sortir ses tranchantes épines reproductrices et d'espérer un moment d'inattention pour le transpercer et le rendre enceint. Certes, il y avait longtemps, que les habitant de Nambrax avaient abandonné ce type de reproduction au profit de duel rituel entre couples hermaphrodites consentants, mais devant une telle occasion, leurs vieux instincts resurgissaient.

Dexia avait réussi à survivre jusqu'ici pour l'instant, évitant de justesse de se faire violer presque quotidiennement. Il avait abandonné l'idée de devenir père, pour ne pas infliger la même vie à ses enfants. Quant à l'idée de devenir une mère, il préférait ne même pas y penser. Jamais il ne pourrait se laisser infliger la blessure reproductrice sans penser qu'on ne l'utilise que pour son statut. L'amour n'a jamais été qu'une façade pour lui, destiné à mettre au monde des enfants nés de l'avarice.

Le ciel s'illumine de mille couleurs, un éclair arc-en-ciel vient s'abattre avec puissance sur les vagues rebelles. Interrompu dans ses pensées, Dexia se remet en route, la nuit est longue mais son chemin l'est encore plus. Mieux vaut éviter de trop traîner avant que le lever du soleil ne ramène d'autres semblables.

Soudainement, il se retourna, un bref rayon de lune à travers les nuages, avait fait apparaître une ombre qui n'était pas la sienne.

Il contracte ses avant-bras pour faire sortir ses épines reproductrices, tranchantes et aiguisées par les nombreux combats qu'il avait dû mener.

-Fait un pas de plus, et seule la mort tu trouvera, avertit-il.

L'inconnu fit quelques gracieux mouvements de nageoire vers lui, en souriant.

-Si tu me blesses avec ça, je serais la plus heureuse des mamans du monde, rigole-t-il en pointant les épines de Dexia.

-Alors je n'aurai d'autres choix que d'envoyer une maman au paradis.

L'inconnu fronça les sourcils et fit sortir ses épines à son tour. Elles sont si émoussées que l'on devine aisément que leur manieur n'est point vierge. Agresser d'autres polyclades, devait être un passe temps pour lui.

-Tu veux me tuer ? Fais toi plaisir. Tu as vu ma peau beige recouverte de taches marron ? Tu penses que ma vie a de l'importance alors que je ressemble à un étron de poisson ? Les chanceux comme toi, ne peuvent me comprendre.

Dexia se mit à avancer vers lui.

-Assez. Meurt.

Les deux combattants coururent l'un vers l'autre. Leurs épines frappèrent avec fracas, et leur danse martiale généra des ondes qui parcoururent l'océan. Dexia esquive, comme à son habitude, chacun des coups. Il attendit une opportunité, avant de frapper. Son adversaire visa son torse mais se loupa. Ce mouvement prévisible fut immédiatement puni, Dexia trancha son bras sans la moindre forme de pitié.

Mais l'inconnu, malgré la douleur, ne semble pas triste. Il esquiva de justesse, le coup à la tête sensé l'achever et prit la fuite.

Dexia le poursuivit de toutes ses forces, mais il était trop rapide.

L'effronté osa même jeter un regard derrière lui, lui faisant un coucou de son moignon qui commençait déjà à repousser.

-Merci ! Je vais être la plus heureuse des mamans ! Mais ne t'inquiète pas, je jetterai tes gosses, une fois riche. Comme ça, on y gagne tous les deux, toi qui ne veut pas d'enfant.

Cet instant d'arrogance lui fut fatal, car son pied heurta le même corail sur lequel Dexia s'était blessé quelques minutes auparavant.

Il chute lourdement, avant de regarder derrière lui avec horreur. Dexia l'a rattrapé.

-Non ! S'il te plait ! Je suis enceint! Ce sont tes enfants !

Dexia soupira.

-La vie des enfants est précieuse. Je ne peux pas les laisser souffrir le même genre de vie que moi.

Il regarde avec pitié son agresseur, puis poignarde violemment son ganglion cérébral. C'est le genre de blessures, qu'aucune régénération ne guérit.

Le premier rayon du soleil levant éclaira la scène, le jour allait bientôt se montrer. Exténué, Dexia reprit son voyage. Espérant survivre encore une journée sans devenir mère.