2.0

Chapitre 1 :

- Bon allez, on reprend ! Acte 1, partie 3, scène 12. Il nous faut la gérante, le travestie et le jeune Geoffroy. En scène !

Je soupire et enfile ma perruque que j'attache en queue de cheval pour éviter qu'elle ne me gêne trop. Pourquoi il fallait que le rôle du travesti me tombe dessus ? Heureusement, on arrive à s'amuser et personne ne se "moque" vraiment de moi. Le théâtre, c'est pas mon truc, je vois pas pourquoi on est obligé de participer à la pièce... En plus, il y en a qui sont super timides... Mais j'ai remarqué que les rôles s'inversaient souvent au théâtre d'ailleurs : les timides se réveillent et semblent avoir une vie cachée, ils sont plutôt bons. Ils deviennent vraiment quelqu'un d'autre, ils deviennent leurs personnages. Et par contre, ceux qui n'ont pas trop de mal à parler avec un peu tout le monde, comme moi, sont plus réservés. Je sais pas mais... Je trouve ça un peu gênant de me mettre en scène devant tout le monde comme ça. En plus, je dois embrasser quelqu'un, heureusement c'est quelqu'un que j'aime bien parce que si ça avait été quelqu'un que je peux pas blairer... Mais c'est un garçon. Genre, c'est un bon copain de classe, je lui parlais pas vraiment trop avant que la pièce commence il y a trois mois. Mais c'est quand même un garçon alors je pensais qu'on ferait semblant mais la prof a dit qu'on devait faire un vrai baiser, car c'était ça le théâtre, fille ou garçon, qu'on s'en fiche. Mais c'est pas tout de suite encore. Je monte sur scène, puisque je joue le rôle du mec travesti. Le garçon qui joue Geoffroy s'avance aussi sur la scène et on se jette un regard compatissant : on en a marre tous les deux. Parce que ça fait déjà quatorze fois qu'on refait la scène, en deux heures. On avance pas et la prof est jamais satisfaite. Je lui rends son sourire. L'avantage, et bien le seul, de cette pièce, c'est qu'on est plus des élèves comme avant, chacun avec son petit groupe d'amis. Vous savez, quand on a "nos" amis et là, bah y a les autres à qui on parle jamais. On est tous devenus soudés, même ceux qu'on appréciait pas forcément, on se clash plus à longueur de temps. Je pense que le théâtre ouvre les esprits. Et ça, ça me plaît. On a plus cette impression d'être regardé de travers juste parce qu'on fait parti des élèves "populaires" sans l'avoir fait exprès. C'est vrai, c'est les autres qui font de nous "le populaire" et "le looser". Mais au final, si vous voyez qu'on vous colle une étiquette à laquelle vous ne voulez pas correspondre, ne restez pas bloqué à l'intérieur sous prétexte qu'on vous a donné une "bonne" réputation et que vous ne voulez pas en avoir une mauvaise. Moi par exemple, je veux parler à tout le monde comme je veux, je le fais. Les gens ne changent pas forcément leurs opinions sur moi. Voilà ce que m'apprend cette pièce à laquelle j'ai été contraint de participer.

- Allez, dépêchez-vous un peu ! s'exclame la prof.

Elle est plus de très bonne humeur là, on a intérêt de se grouiller... On se place sur scène et on attend qu'elle nous donne le signal.

***(trois quart d'heure plus tard)

- Bon ça suffit, asseyez vous ! La répétition est finie.

Elle tape dans ses mains et on s'assoit tous sur le sol de la scène. Elle est pas contente.

- On a répété pendant trois heures aujourd'hui et on a fait aucun progrès ! Kang-dae, Dong-soo, vous ne connaissez pas la moitié de votre texte alors qu'on est presque à la fin de la pièce. Ki-moon, tu ne connais pas tes déplacements. Mi-rae, tu te trompes de réplique au même endroit sur la scène 11 à chaque fois. Sa-rang, tu ne parles toujours pas assez fort, on ne t'entend pas quand on est au milieu des rangs alors je n'ose pas imaginer au fond. Quant à vous, Jungkook et Jimin, vous ne prenez pas cette pièce au sérieux ou quoi ? Dois-je vous rappeler que c'est la totalité de votre moyenne de français du trimestre entier qui est en jeu ?

Je sursaute.

- Pardon ? je demande, surpris d'être nommé.

Je connais mon texte et mes déplacements, je parle fort, je fais tout comme elle dit. Je vois pas ce qu'elle a à me reprocher qui dit que je ne prends pas ça au sérieux.