_ Bonne nouvelle pour les amateurs de champignons, la météo annonce de la pluie pour les deux prochains jours. Mauvaise nouvelle pour les automobilistes : ça bouchonne dur à Séoul. Prévoyez des en-cas et une bonne dose de patience. Vous êtes sur FIP et nous vous souhaitons une attente confortable.
Jimin darda un regard haineux sur l'autoradio qui déversait des flots de Vivaldi, avança dans le flot de véhicules de deux tours de roues et s'arrêta de nouveau. Trois quarts d'heure pour effectuer deux kilomètres. Un record. Devant lui, le même tuyau d'échappement exhalait le même petit nuage nauséabond. Sur sa droite, le même type lisait le même journal insipide et sur sa gauche, le même camion blanc n'en finissait pas de vanter les mérites des produits laitiers. Le tout sur fond d'essuie-glaces plaintifs. Avec les Quatre Saisons en prime. De quoi devenir claustrophobe. Ou fou. Ou les deux.
Jimin tordit son rétroviseur et croisa un regard chocolat, à la fois inquisiteur et anxieux. Bien évidemment, il avait les yeux cernés, constata-t-il avec un petit froncement de sourcils. Et le reste ne valait pas mieux. Il avait les traits tirés, les joues pâles, le teint terne...
Sa main fureta dans le fourre-tout en cuir, cadeau de ses parent, qui ne le quittait jamais, écartant avec impatience le fouillis qui l'encombrait : son trousseau de clefs, son paquet de mouchoirs en papier, son téléphone, son paquet de bonbons à la fraise, sa pomme en cas de petit creux, son stylo, ses cartouches de rechange, son agenda, son téléphone... Ses doigts eurent une brève crispation en effleurant l'enveloppe matelassée qui renfermait son article et plongèrent plus avant, happant sa petite trousse de maquillage.
Pas terrible, mais en progrès, soupira-t-il quelques instants plus tard. De toute façon, il ne pouvait pas faire mieux. Il croisa son regard accusateur dans le rétroviseur et se mordit la lèvre. D'accord, le problème n'était pas là. Le problème, c'était qu'il était en proie aux affres de sa conscience. Et ça, ce n'était pas d'un coup d'anticerne qui y remédierait.
Il remit son rétroviseur en place d'un geste nerveux, combla d'une brève accélération ses trois mètres de retard sur le pot d'échappement qui le précédait et s'arrêta de nouveau. Le journal insipide réapparut sur sa droite, le camion laitier sur sa gauche. Les essuie-glaces attaquèrent fougueusement le troisième mouvement des Quatre Saisons.
Jimin renversa sa nuque contre l'appuie-tête, les yeux clos. Manque de sommeil, manque d'enthousiasme, manque de... conviction. A quel moment avait-il cessé d'y croire ? Quand Seo Ye Ji lui avait ouvert la porte de sa suite ? Quand il avait essayé en vain de lui arracher une réponse sincère entre deux sourires étudiés ou quand il l'avait regardée onduler sous les projecteurs aveuglants de cette boîte de nuit, à moitié assourdi par les décibels, sous le regard scrutateur de ses gardes du corps ?
Quatre heures de pur malaise, à essayer de se convaincre qu'il faisait un travail fascinant, et à se plier à l'éternel petit jeu des réponses évasives, des sourires en demi-teinte, des regards énigmatiques, et des non-dits remplis de sous-entendus. Quatre heures épuisantes, aux termes desquelles il était rentré chez lui, avec le sentiment doux-amer du devoir accompli. Cette fois, Kim Jaebum serait content : il allait lui pondre un article au vitriol. Il tenait déjà le titre : « Seo Ye Ji : histoire d'un ravissant malentendu. » Trois feuillets impitoyables, dans lesquels il mettait en pièces le numéro un des actrices, et où il réduisait celle que la presse avait surnommée « les plus belles jambes du monde » aux dimensions d'une poupée Barbie : ravissante, malléable et délicieusement creuse.
Le ton de l'article, délibérément nonchalant, était imprégné d'une compassion qui le rendait implacable. Le « sortilège Seo Ye Ji » s'y effilochait au fil des lignes, remplacé par un réalisme inspiré par le personnage lui-même, c'est-à-dire d'une banalité affligeante. Envolés le mystère des grands yeux noirs, la grâce immatérielle des gestes onctueux. Restaient l'épaisseur des silences, les réponses évasives, la banalité des propos passe-partout, et les roucoulements pitoyables d'une voix sans visage, autrement dit sans une once d'intérêt. Les jolies lèvres de la sublime Seo Ye Ji remuaient dans le vide incommensurable que lui dictait son cerveau, récitant des phrases toutes faites, prêtes à l'emploi, qu'un agent rompu aux techniques de communication et du marketing y avait greffées, avec le charme incomparable de ceux qui ne comprennent rien à ce qu'ils disent pour la bonne raison qu'on a oublié de leur fournir le décodeur.
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Plume vs voyou, étincelles assurées ! - JIKOOK
FanfictionJimin en a assez des confidences de stars et des peines de cœurs des célébrités ! Spécialisé dans les interviews des vedettes de ce monde, il ne croit plus à leur sincérité. Quand il rencontre Jeon Jungkook, beau voyou, recyclé chanteur de ces dame...