2 décembre 2015 :« Cher journal, cela fait maintenant trois jours que je me suis réveillée de mon coma. On vient de retirer mon respirateur. Je devrai être contente d'avoir survécu, d'être en vie, mais je n'y arrive pas. Je me sens vide. Pourquoi ai-je survécu alors que d'autres ont périt ? Pourquoi moi ? Depuis mon réveil, j'entends souvent des bribes de conversations en provenance des couloirs sur les attentats. De ce que j'ai compris, des terroristes sont encore en liberté. J'ai peur. C'est idiot, mais j'ai peur qu'ils partent à la recherche des survivants et qu'ils les attaquent, même si c'est totalement impossible. J'ai peur qu'ils surgissent dans l'hôpital et nous tirent dessus. J'ai peur qu'ils soient ici, en cet instant, malgré la sur-surveillance qui a été mise en place dans les lieux publics. j'ai souvent des crises de tremblement incontrôlable, je n'arrive plus à manger, je suis épuisée, je pleure souvent sans aucune raison valable, les larmes viennent, sans prévenir. Le peu d'images que mon cerveau a choisi de laisser tourner en boucle dans ma tête m'angoissent, je donnerai n'importe quoi pour que cela s'arrête. J'ai l'impression d'avoir un poids constant sur ma poitrine, une boule permanente bloquée dans la gorge, que les cris résonnent sans arrêt dans mes oreilles. Ma chambre a une impression de défilé du 14 juillet, entre les auscultations, les médecins, les psychologues, les psychiatres, les neurochirurgiens et... ma mère, à mon plus grand soulagement. Dès qu'elle a apprit mon réveil, elle est venue me voir. Elle avait grise mine, avec des cernes creusées, noires. Apparemment, elle a longtemps veillé à mon chevet. Elle s'est excusée, alors qu'elle n'a aucune raison de le faire. Elle a pleuré, j'ai pleuré, nous avons pleuré. Comme des madeleines. Et Dieu sait qu'habituellement je ne suis pas émotive. Mais cela a fait du bien, à travers nos pleurs d'avoir pu exprimer toutes ces émotions qu'on n'aurait pas exprimé à voix haute. Puis, on a parlé, beaucoup parlé, et elle est repartie pour aller travailler, à regret, me laissant seule avec mes démons..
Les médecins sont repassés toute à l'heure, ils m'ont dit que d'après eux ... »
- STELLA TU PARS BIENTÔT DÉPÊCHE-TOI !
Laisses moi tranquille...
« ... il me reste environ deux à trois semaines d'hospitalisation, selon mon état, avant de pouvoir sortir, puis j'aurais besoin de soins psychologiques... »
- LE TAXI ARRIVE DANS CINQ MINUTES POUR T'EMMENER A TON RENDEZ-VOUS CHEZ LA PSYCHOLOGUE, DESCENDS
Ça la dérangerai d'arrêter de crier un instant...
« ... Et de rééducation dans l'espoir d'un jour pouvoir retrouver la même mobilité qu'avant au niveau de l'épaule et de la jambe, le tout côté droit, c'était les soldes à ce moment là apparemment... »
Des pas résonnèrent dans l'escalier,
- Mais c'est pas possible ça... JEUNE FI...
- OUI MAMAN, j'arrive, m'écriais-je, exaspérée, en refermant le journal.
Voici mon quotidien, depuis un an, mes seules sorties en dehors de la maison se résument à deux séances de psy tous les mardis et jeudis, une heure de rééducation le lundi et pour finir une visite chaque mois chez le nutritionniste. Je les vois plus que ma propre famille, n'est-ce-pas un peu abusé ?...
Ma mère arriva et ouvrit la porte à la volée.
- Aller Stel', le taxi va arriver d'une minute à l'autre, dépêche-t..., son regard se posa sur mon journal, refermé à la hâte et jeté à l'autre bout de mon lit. Elle lâcha un soupir attristé, je te descends ton sac..., et elle l'attrapa et redescendit sans dire un mot.
Je sais, tu aimerais bien avoir une fille normale et dépourvue de problèmes.
Tu as pitié de moi.
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ʙʀᴏᴋᴇɴ
Non-FictionMon nom est Stella, Stel' pour les intimes, j'ai 17 ans et je suis une survivante du Bataclan... C'est l'histoire de Stella, une victime du Bataclan à seulement 16 ans. Aujourd'hui, elle en a 17 et doit composer avec les différents traumatismes, au...