La voyageuse des esprits

Chapitre 1 - Les Yeux de l'Aube

L'amphithéâtre commençait à se remplir lorsqu'Eva Wilson, s'asseyait sur une chaise en sortant ses affaires. La jeune femme de vingt ans, studieuse, était souvent dans les premiers étudiants à entrer en classe. Le brouhaha résonnait dans la salle durant plusieurs minutes avant que le professeur Bradford ne demanda le silence tout en s'installant derrière son imposant bureau d'ébène. Il posa dessus son porte-document, s'assit et commença son exposé avec une voix grave et portante.

Eva, de nature solitaire, écoutait sans un bruit le début de son premier cours en psychologie cognitive. Elle ignorait encore l'extraordinaire destin qui l'attendait. Ce jour-là, un événement allait bouleverser sa perception du monde, l'ouvrant à des réalités inexplorées.

Le quotidien d'Eva se mêlait à la monotonie des cours. Elle avait déménagé de la campagne vers la ville, quittant sa famille, afin de poursuivre ses études en psychologie. Se faire des amis n'était pas vraiment une chose innée chez elle, mais à force d'habitude, Eva avait développé une forte autonomie. Marchant dans le long couloir principal du bâtiment, qu'elle commençait à connaître depuis quelques semaines, elle slalomait entre les autres étudiants et se dirigeait vers son cours favori.

Après deux heures, le professeur Bradford terminait une démonstration lors de son second cours, évoquant la manière dont les yeux sont les fenêtres de l'âme. L'idée semblait clichée à Eva, peut-être trop spirituel à son avis. jusqu'à ce que son regard croise celui de son camarade de classe, Adrian, qui était en train de ranger ses affaires à quelques table d'elle. Il lui esquissa un léger sourire tout en la regardant.

Un frisson parcourut le corps d'Eva, et le monde sembla ralentir autour d'elle. Dans ce moment fugace, Eva ressentit un changement indescriptible, comme si quelque chose en elle s'éveillait. Les yeux d'Adrian, d'un marron profond, devinrent le point focal de son attention. Sentant ses sens s'obscurcir petit à petit, la voix du professeur Bradford lui paraissait de plus en plus s'éloigner.

- La pensée, pour les humains comme pour les animaux, est un processus chimique provoqué par les neurones. Elle est si instantanée qu'à notre échelle, elle nous semble distincte du temps.

Le temps. Il semblait figé au moment où Eva, incapable de détourner son regard, sentait sa vision se troubler et commençait à partir doucement dans un malaise. C'est alors qu'elle ouvrit subitement les yeux. La sensation de vertige l'envahit alors qu'elle se retrouvait dans un champ de blé qui s'étendait à perte de vue sous un ciel doré. Pour elle, c'était exactement l'inverse d'un rêve. Comme si elle s'était réveillée, mais dans un lieu inconnu.

Elle se retourna plusieurs fois, observant les lieux. Mais rien autour d'elle ne lui paraissait familier. Ses jambes paralysées par la peur, Eva se pinça l'avant bras et contre son attente, sentit une légère douleur. Elle ferma les yeux et se concentra. Après de longues secondes elle les rouvrait, mais le champ s'étendait toujours vers l'horizon.

Eva tomba sur ses genoux, les épis de blé ondulants doucement à hauteur de son menton et créants une symphonie silencieuse. Elle n'entendait que le bruit d'un léger zéphir et prit quelques minutes à la réflexion de cet évènement. Comment en est-elle arrivée là ? Elle ne savait pas si elle était dans un rêve ou dans la réalité. Pourquoi se retrouve-t-elle toute seule dans un endroit à priori à des dizaines de kilomètres de la ville ?

Eva ne pouvait pas rester plus longtemps sans rien faire. Malgré l'absence de toutes choses autour d'elle excepté du blé, elle se leva et commença à marcher. Elle sentait ses jambes devenir de plus en plus lourdes au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de son point de manifestation. Comme si une force la ralentissait contre son gré. Eva continuait de marcher, mais la douleur ne faisait que la ralentir. Devant elle, un brouillard se levait et l'horizon s'estompait de plus en plus.