-Sur les hautes mers-

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C'était un mardi matin, le ciel grisâtre laissait présager un grand orage. A l'horizon cent nuances de gris dévoraient le bleu du ciel. Durant des mois nous avons affrontés vents et marées. Nous avions connu le grand froid des pôles, les récifs destructeur des îles Manchou, et les bourrasques infernales de la mer Fech. Mais ce qui se rapprochait de nous à ce moment la n'était rien de ce que nous avions pu traversés. C'était grand. Bien plus grand que le grand froid des pôles, que les récifs destructeur des îles Manchou, ou bien que les bourrasques infernales de la mer Fech. Nous n'en savions rien, nous le sentions c'est tout. Et l'instinct d'un marin est irréfutable. Le danger nous guettait au loin, pourtant tout l'équipage avait abandonné leur poste pour venir se recueillir dans les quartiers du capitaine. Car oui... Le capitaine Neohouss n'était plus. Il avait rendu l'âme cette nuit disait-on. Affalé dans son fauteuil de velours derrière son bureau, il nous fixait de ses yeux grands ouverts. C'était comme s'il était encore là. Ca faisait froid dans le dos. A ses pieds pleurait son second, Cavenouss. Il tenait la main froide et rigide du capitaine en poussant de petits gémissements. Le voir souillé de ses larmes, et de sa morve la tunique de notre père à tous me donnait la nausée. C'était un petit alcoolique à peine âgé de dix sept ans qui venait tout fraîchement de sortir des grandes écoles de la capitale. Une vermine, qui n'avait nul autre mérite que la richesse et le nom. Sinon rien d'autre. Je le haïssais. Mais en ce jour funeste je ne laissais rien transparaitre. Par pur respect pour Neohouss. Après quelques minutes à examiner le corps du malheureux, le médecin était enfin prêt à tirer son diagnostic. Il était tout aussi désolé que nous. Mais Cavenouss ne lui laissa aucun répit, et se jeta sur lui en le couvrant de questions. 

- Alors ? Tu vas me le dire à la fin ? demanda-t-il à la frontière de la tristesse et de la colère. De quoi est-il mort ? De quoi ?! Qui ? Qui l'a tué que je lui fasse payer ? 

- Personne, dit-il la gorge nouée. Personne ne l'a tué. Il a mis fin à ses jours tout seul. 

- Foutaises ! cria le jeune homme. Foutaises ! Tu mens ! Il n'aurait pas pu faire cela ! Il n'aurait jamais fait cela ! 

Il se tourna vers nous, les matelots, et tira son sabre de son fourreau. Il cria, au bord des larmes. 

- Que celui qui a commis cet acte se dénonce tout de suite s'il en est assez courageux ! Je le démembrerais ! Je le décapiterais ! Je le...

- Monsieur, interrompit le médecin. Je vous le répète il s'est donné la mort. Regardez. Tout est dans cette lettre, dit-il en lui tendant un papier. C'est son écriture. Ce n'est pas une imitation j'en suis persuadé. 

Cavenouss arracha la lettre de ses mains, et se mit à la lire devant nous. Plus il progressait dans son contenu, et plus son expression était marquée par l'incompréhension.

- Cette lettre... C'est une lettre du roi... Mais comment ? dit-il d'une voix défaillante.

- Monsieur, c'est un suicide commandé par sa Majesté. Et la zone vers laquelle nous, nous dirigeons est tout les jours de l'année orageuse. Elle l'a toujours été. Seul le capitaine en avait été informé. Ce suicide ne concerne pas seulement le capitaine... Il nous concerne tous. 

- C'est de la folie... murmura-t-il.

- Savez vous quelle cargaison transporte-t-on ? demanda le médecin.

Cavenouss le regarda sans dire le moindre mot. Il se tourna de nouveau vers les matelots, et demanda.

- N'y en a-t-il pas un parmi vous qui sait ce que l'on transporte ?

La aussi un silence. Le jeune homme écarquilla les yeux en entendant des gouttes tapés sur les carreaux. Il hurla.

- Tous à vos postes ! Maintenant !

Tout les marins se précipitèrent sur le pont. Dehors c'était le déluge. Le soleil n'était plus. Il n'y avait que d'affreux, et imposants nuages noirs qui nous menaçaient de leur présence. Il était déjà trop tard. La tempête nous avaient avalés tout entier. Il était impossible d'en ressortir. La pluie torrentielle, et froide s'abattait sur nous comme un million d'aiguilles. Le tonnerre nous aveuglait. L'orage grondait. De tout côtés la brume nous avait enveloppés de son voile épais. Plus rien n'était distinguable. Les boussoles s'affolaient. Ou était le Nord ? Le Sud ? L'Ouest ou bien l'Est ? Où étions-nous ? Le vent incroyable agitait les cordes, et secouait les voiles tels de vulgaires draps. Les vagues frappaient la coque avec une plus grande puissance que les précédentes. Le vaisseau tanguait de plus belle, et s'inclinait toujours plus face à la puissance des éléments. Je n'avais jamais rien vu d'aussi extraordinaire, d'aussi surréaliste. C'était impensable. De partout on pouvait entendre grincer, couiner, craquer comme si les planches de l'Epée pouvaient céder à tout moment. Les portes claquaient violemment, et les cloches tintaient au bercement des vagues. Je pouvais entendre la vaisselle se fracasser, et les meubles s'écrasés sur le plancher. Je m'accrochais bien fermement à une corde tellement que les secousses, que les chocs, furent violents. J'essayais comme je le pouvais de tenir bon. Mais je luttais en vain, car bientôt nous dûmes affronter des montagnes d'eau. Notre bâtiment se faisait balloter dans tout les sens. Nous essuyons vagues sur vagues. Et puis soudain, j'entendis comme des voiles se déchirer, et des cordes se rompre. Un craquement résonna. Je regardai en direction du bruit. Horreur ! Le grand mât ! Le grand mât s'était brisé ! Il s'abattit lourdement sur le pont, fendant le bâtiment en deux. Il ne fallut que deux misérables minutes pour emporter par le fond l'Epée, et son équipage qui ne resteront chez les bonnes gens qu'un vague souvenir enfouis sous la vase.

Eh bien, c'est vraiment surprenant ! 

Sur les hautes mersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant