Le secret

L'univers de papa

L'homme se penche sur mon berceau et répète inlassablement : « Paaaaaapa. Dis, paaaaaapa. »

Quand je pleure, la nuit comme le jour, l'homme monte l'escalier sans attendre, pour voler à mon secours. Papa, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle, devient donc rapidement le soleil de ma vie, le centre de mon univers.

Bébé, je n'ai aucun souvenir de ma mère. Pas même des câlins ou des sourires qu'elle aurait pu me prodiguer.

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J'ai un an et demi. Je me tiens sur mes james depuis longtemps déjà. Je marche derrière papa et le suis partout. Maman n'aime pas que je sois toujours à ses trousses, mais lui, il rit.

Non seulement je marche, mais je parle. D'après papa, je suis un génie. Après tout, j'arrive à identifier correctent toutes les images qu'il me monte lorqu'on joue ensemble, assis par terre dans le salon. Mes bonnes réponses - chat, chien, ballon - provoquent souvent des discussions entre mes parents :

- Elle est brillante, ma fille! Dans un an, elle va réciter tout l'alphabet, j'en suis sûr!

- Tu as fini de vouloir en faire une savante? Répond maman sur un ton exaspéré.

Papa ne se fait jamais prier pour jouer avec moi. Mais parfois, il est de très mauvaise humeur. Il ne me parle pas, ne me regarde même pas. J'ai peur quand il est si froid, si distant. C'est comme si toute lumière disparaissait de ma vie. Pour le dérider, je fais des grimaces et je me fais cajoleuse. Je me roule en boule sur mon ventre, à la manière d'une chatte. Je sais qu'il aime me sentir ainsi pelotonnée contre lui. D'ailleurs, il me demande souvent de faire la chatte.

Lorsque je parviens enfin à le faire sourire, il me serre dans ses bras en m'appelant sa petite princesse. Mais moi, dans ces moments-là, je suis bien plus qu'une simple petite princesse : je suis Aube-la-toute-puissante qui soigne les bobos de son papa.

J'adore mon papa. Je voudrais qu'il soit toujours content.

Chaque fois que maman part travailler, c'est le cirque à la maison. Comme papa est au chômage, nous passons nos journées ensemble, seuls tous les deux. Nous faisons ce que nous voulons. Papa dit que lorque la reine n'est par là, nous sommes les maîtres du royaume enchanté. Nous jouons souvent à nous renconter des contes de fées. Notre préféré est la princesse et le crapaud. Papa croasse et saute partout tandis que moi, j'essaie de l'attraper. Quand je l'embrasse, il crie : « Pouf! Me voilà redevenu ton prince charmant! C'est à mon tour de l'embrasser. »

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