Derrière les barres de fer, le soleil brillait sur le désert d'Atlas. Depuis la façade Ouest de la Pyramide des vieux rois, la cité capitale s'étendait, silencieuse et pâle, sur une centaine de kilomètres. À ses portes, le corps du Titan reposait, à moitié dévoré par les dunes. Hannah pouvait sentir la tension dans les rues, même depuis sa cellule. L'heure du rituel approchait.
Cela devait faire maintenant quelques semaines qu'elle était ici, à attendre l'heure du rituel. Le jour où les hommes du roi étaient venus dans son village, capturant les jeunes filles sous le prétexte d'un recensement, elle n'avait pas immédiatement compris leur intention. Ce ne fut que plus tard, lorsque les prêtresses les avaient attachées et réunies dans une salle voûtée de la Pyramide, que le terrible sort leur fut révélé.
On comptait les sacrifier, que leur sang donne puissance au roi, et qu'il commence ainsi sa conquête de l'Univers.
Hannah, immobile dans sa cellule, pensait à sa vie passée. Quinze année seulement. Elle avait pleurée les premiers jours, puis, elle avait économisée son eau, et se tenait simplement immobile, à penser, endeuillée de sa propre personne. Pourquoi le roi voudrait-il la tuer ? Sa famille avait servi loyalement, et elle n'avait jamais manqué un jour de travail. Elle connaissait les champs, comment récolter la sève des arbres roseaux. Elle savait comment s'occuper du bétail. Comment éloigner la vermine des granges. Comment éloigner le diable de ses pensées. Comment rationaliser la nourriture. Sa mère lui avait appris toutes ces choses selon les enseignements du roi lui même. On racontait que, par le passé, il n'était pas roi mais philosophe, et qu'il arpentait les campagnes d'Atlas, débattant de raison et de causes. Il aurait été choisi pour gouverner par le peuple lui même, bien avant la naissance de Hannah.
Mais toutes les histoires du monde n'avaient plus de valeur. Le roi voulait la tuer, elle, comme toutes ces autres jeunes filles. Plus jamais elle ne reverrait ni sa mère, ni son père. Jamais plus elle ne serait heureuse ou triste. Elle ne travaillerait plus jamais. Plus jamais elle n'aurait des cloques au mains après la récolte de sève. Plus jamais le soleil ne brillerait sur sa peau. Elle ne détesterait plus, ni n'aimerait.
Une larme coula le long de la joue d'Hannah, avant même que, consciemment, elle entende les bruits de chaîne derrière elle, synonyme de l'arrivée de ses geôliers. Elle allait mourir ce soir.
Enchaînées à la file, les offrandes avançaient sur la place de la ville, juste sous la pyramide. La taille de la forteresse donnait l'impression qu'elle s'étendait à travers le ciel brûlant du crépuscule. Même d'ici, on apercevait le Titan défunt. Lui aussi était mort, mais on racontait que c'était au combat, pour protéger ses sujets, les gens de ce monde.
Hannah se demanda si son sacrifice serait utile aux gens de ce monde. Derrière les soldats en ligne, les gens de la ville s'étaient réunis. Ils regardaient celles qui allaient être sacrifiées avec crainte et incompréhension. Même les soldats semblaient douter de leur office.
Elle aurait aimer reconnaître un visage, mais ses gens à elle étaient à la campagne, dans les plantations d'arbres-roseaux, bien loin du désert.
On les attacha à des pieux montés sur un amoncellement de bois et d'herbe sèche. Ce serait leur bûcher. Hannah aurait préférée mourir autrement, mais la volonté du roi était absolue.
Il y eut un mouvement de recul dans la foule et quelques cris de protestation alors qu'une prêtresse se plaçait sur le piédestal de la place centrale, derrière et au dessus des offrandes, une torche à la main. Elle leva les bras vers le ciel rouge ;
« La volonté de Dieu et du cosmos a été décrétée à l'oreille de notre Roi ! Aujourd'hui, au dernier jour du vendémiaire, sera immolées les cinquante filles de l'Étoile Hurlante, pour que puisse être satisfait le Cosmos, et que Dieu donne à notre cause la force de vaincre l'Ennemi Suprême ! »Il y eut un clair mouvement de protestation de la part de la foule. Quelqu'un cria « Sorcière ! ». On essayait de briser les lignes des soldats, mais quelques gestes de matraques électriques suffirent à maintenir le peuple obéissant.
Hannah observait, silencieuse comme les autres, appréhensive face à son destin. Elle se rendit compte que les quelques semaines d'isolation devaient servir à cela. À les rendre calme. Pas que cela puisse avoir quelque valeur maintenant.
La torche de la prêtresse fut jetée directement aux pieds d'Hannah. Elle écarquilla les yeux. La feu se rependait plus vite qu'elle ne l'aurait jamais imaginé. C'était plus chaud que tout ce qu'elle avait imaginé. Tout son être voulu reculé, comme si chaque cellule de sa personne fuyait la flamme, mais le feu lui mordait déjà les jambes, et le monde autour n'existait plus. Chaque nerfs étaient devenus une rivière de poison. Elle hurla, alors que la douleur courait dans ses veines. Elle ne pensait plus. Elle mourrait. Elle n'était plus qu'un instinct, dicté par la fuite du feu et de la douleur. Mais ça n'arrêtait pas, ça ne finissait pas. Elle avait été jetée dans son esprit comme pour fuir son corps, et l'univers n'était plus que l'intérieur d'une sphère noire, minuscule, ou seule existait la souffrance. Mille lames rouges qui découpaient sa chair une précision rituelle.
Puis soudainement, il y eut le silence. Il faisait soudain froid. La douleur n'avait pas quitté le corps d'Hannah, alors qu'elle reprenait conscience d'elle même, mais le feu n'était plus là. Une voix résonna. Une voix sans corps, ni consistance. Une voix ancienne et jeune, qui s'exprimait uniquement par le signifié sans passer par le signifiant. « HUMAIN. JE GOÛTE VOTRE EXISTENCE. PRENEZ MON DON. JE PRENDS VOTRE PUISSANCE. LE PRIX SERA CELUI DE VOTRE DÉTESTABLE CONTINUITÉ. »
Puis le silence. Le long, long silence.
Le monde reprit des lumières avec l'aube. Hannah sentit le soleil sur sa peau. Elle sentit son cœur battre, et la terreur de la nuit dernière ; non pas celle provoquée par le feu, mais par la voix, qui était proche et loin à la fois.
Elle toussa, la bouche pleine de cendre, alors qu'elle se redressait. Elle entendait des sons autour d'elle, mais ils semblaient tellement lointain. Ses yeux n'étaient pas encore complètement ouvert. Très vivement, elle ressentit une profonde douleur dans ses jambes, et ne réussit qu'à gémir. C'était comme si des milliers de ver se glissaient sous sa peau, dévoraient sa chair. Et alors que des sons se rapprochaient, des voix humaines, pour se saisir d'elle, Hannah sombra une nouvelle fois dans l'inconscience.
Le Soleil s'était levé sur Atlas. Hannah vivait.
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Le Poing de Fer - Le Duel des Prétendants
Science FictionUn siècle après une guerre interstellaire ayant presque menée à son éradication, l'Humanité se reconstruit. Cependant, la prospérité des 700 mondes est menacée par les complots et les luttes des puissants en quête du pouvoir absolu. Vero, Vainqueur...