Belle et Vénus

Chaque jour, Belle écrit.

Belle écrit parce qu'elle se sent mal. Mal loin de ses parents, à voyager, à partir dans un train qui va toujours plus vite, toujours plus loin.

Alors Belle écrit.

Belle n'est pas comme son nom l'indique. Pas en parlant de l'extérieur, oh non. Belle est moche à l'intérieur. Belle est moche d'une façon qu'on ne pourrait imaginer, qui dépasse notre pensée.

Ainsi, Belle écrit. Elle écrit ce qui va mal.

Des autres vers elle.

D'elle vers les autres.

Surtout d'elle vers les autres.

Depuis toute petite, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, le mal n'a jamais cessé de faire partie de sa vie. Pas grand-chose au début, sûrement, mais toujours d'elle vers les autres.

Dans un de ses souvenirs, Belle arbore une frange ramenée sur le côté. Ses cheveux bleu-pastel lui tombent dans le dos, à hauteur d'omoplates. Belle aimait penser, à cette époque, qu'ils atteignaient ses pieds, mais sans toucher le sol car Maman n'aimait pas quand Belle avait les cheveux sales.

Maintenant qu'elle a grandi, sa mère pique toujours une crise quand sa chevelure est graisseuse, mais cette dernière a foncé. De bleu-pastel, elle est passée à un bleu ciel pénétrant, un bleu du ciel des jours d'été.

Quand elle allait à l'école, Belle passait son temps avec sa meilleure amie, Vénus. Elle, à l'inverse de Belle, était d'une harmonie déconcertante. Ses mèches olive ondulaient dans son cou, coupées courtes. Elle portait toujours des jupes qui descendaient jusqu'à ses genoux et des t-shirts aux manches à volants. Vénus était adorée par tout le monde. C'était un ange tombé du ciel. Les élèves, les professeurs et le personnel l'appréciaient à leurs manières. Les uns lui donnaient des bonbons et lui promettaient leur goûter, les autres la complimentaient sur sa coiffure, sa tenue ou ses bonnes notes.

Elle était tout simplement parfaite.

...

- Hey, Vèn' !

La jeune fille lui fit un signe de la main.

- Salut, Belle.

- J'adore ta nouvelle robe !

Une grande fille bouscula Belle pour se rapprocher de Vénus. Ses iris en forme d'étoiles fixaient l'olivette avec une joie quelque peu étouffante.

Cette dernière essaya de calmer la grande fille avant d'appeler au secours du regard son amie. Belle sut exactement quoi faire.

- Est-ce que tu peux arrêter ?

La grande fille fit volte-face, plongeant son regard soleil dans celui couleur de lune de Belle.

- Qu'est-ce que t'as dit ?

- J'ai dit d'arrêter, tu la gênes, là !

La grande fille battit des cils quelques instants, hébétée, avant de prendre un air menaçant.

- Quoi ? T'as dis quoi ?

Bien loin de comprendre l'ampleur de ses mots, Belle continua dans sa lancée.

- Mais t'es sourde ou quoi ? Tu la déranges, va-t-en !

La grande fille s'étouffa de colère et ses yeux s'embuèrent de larmes.

- T'as pas le droit de me parler comme ça ! Je vais le dire à la maîtresse...

Belle regarda la grande fille s'éloigner, satisfaite, puis se tourna vers Vénus.