«- Pourquoi tu mets un leggings noir alors qu'il fait trente-cinq degrés ?
- J'ai été piqué par des méduses donc je n'aime pas avoir les jambes nues. »- - - - - - -
Lors d'un bain de minuit, elles m'ont attaqué. Je ne pouvais leur résister malgré leur petite taille. Elles étaient plus fortes que moi. Ces petits êtres s'en sont pris à moi délibérément et je ne pouvais lutter contre. Mon corps était déjà brûlant en raison des courants de la mer. Ces derniers n'avaient jamais été aussi peu insignifiants et violents.
Ainsi, en songeant à ces désagréments, d'autres sensations désagréables se rajoutèrent. Bien que les eaux troubles étaient lointaines, de nouvelles brûlures se dessinèrent sur mes jambes. L'accumulation de la chaleur et d'une décharge électrique provoqua une douleur si grande que je ne pouvais lutter. J'étais obligée d'assister impuissante à ma propre maltraitance. Mon corps était paralysé face à cet acte de barbarie, cependant ces ennemis gagnaient ce combat acharné avec mon subconscient.
Mes cuisses semblaient être des champs de bataille sur lesquels apparaissaient d'abord des dizaines, puis des vingtaines de marques rouges de longueur inégale. Malgré la douleur, je ne pleurais plus, je m'habituais à ces griffures empoisonnées.
Et puis soudain, tout s'arrêta.Alors que je pensais que ce quart d'heure de souffrance s'achevait, de nouvelles décharges fulguraient cette fois-ci mon buste. Mon ventre était tailladé et ma poitrine souillée par des cicatrices certes éphémères, mais présentes à jamais dans mon esprit.
Ainsi, ma vulnérabilité et mon humilité n'avaient d'égal. Des manifestations me dominaient. Ces dernières semblaient chercher au plus profond de ma chair, quelque chose, une réaction, un sentiment ou peut-être une source d'allégresse. Cependant, subsistait le néant.Bien que d'autres présences humaines m'entouraient, je me sentais seule donc crier ma souffrance ne changerait rien. J'étais en proie au danger au milieu de la nuit.
Voici maintenant des dizaines de minutes que j'étais déchirée de l'extérieur et de l'intérieur.Alors, tout ce que je pouvais faire était pleurer en silence - ce que je fis - . Or, si aucun son n'émanait de ma gorge, mon esprit, lui criait son effroi et sa rage.
Les bourreaux ne cessaient de recommencer ma peine ; heureusement, leur acharnement s'arrêta lorsque mon corps fut assez brûlant, déchiré et mutilé.La nuit allait être éternelle et silencieuse.
Je frôlai doucement ce qui avait été abîmé.
Il y avait des lignes vermillon sur mon ventre et ma poitrine tandis que mes cuisses et mes avant-bras possédaient dorénavant milles et unes minuscules crevasses. À partir de celles-ci du poison s'y était infiltré et ne connaissant rien au poison des créatures marines, je ne savais comment l'extraire. J'allais vivre avec lui, faire comme si de rien n'était tandis que je me mourrai à petit feu.Certaines marques relançaient la douleur, soit un mini cours-jus traversait mon corps soit un froid glacial s'emparait de moi. Je revoyais parallèlement les moqueries que j'avais reçues dont celles d'une personne ayant prétendu m'aimer, les remarques sur mon poids et mes cuisses. Peut-être que je serais plus appréciable. De plus, tout aurait disparu après-demain au plus tard. Je souris à cette idée.
Étant vulnérable mais inventive dans mon malheur, mes sentiments étaient mitigés. Je jetais un coup d'œil à la personne prétendant m'aimer et que de surcroît je me forçais à aimer. Son sommeil était profond, je pouvais même distinguer des ronflements.
Pourquoi fallait-il que sa nuit soit faite de songes tandis que la mienne semblait être un calvaire cauchemardesque ? Une rage de jalousie monta en moi. Il était injuste que je sois tourmentée, alors que sa personne était la principale source de mon mal-être.
Cette fois-ci des larmes de colère coulaient car je réalisai l'importance de ma culpabilité, mais également que je m'étais faite du mal. Cela ne m'était encore jamais arrivé aussi violemment, ainsi, j'essayais de me remémorer le cheminement de mes sentiments pour en arriver là. Afin d'éviter un nouvel imprévu, toujours sur le matelas qu'on m'avait installé, je me retournai sur le ventre et méditai à ce qu'il venait de se produire jusqu'au moment où mes paupières se fermèrent.
Le lendemain, je n'eus aucun souvenir de mon rêve ; toutefois, je m'empressais de me faufiler dans la salle de bain pour regarder ma silhouette dans le miroir sur pied. Je découvris avec effroi que peu de choses avaient disparues comme je l'avais prévu ; j'avais même la sensation que c'était pire.
Ainsi, je me promis à moi-même que plus personne n'aurait le droit de voir mon corps, en particulier mes jambes que je n'aimais déjà pas auparavant.La chaleur matinale était déjà écrasante, alors quand je descendis pourvue d'un leggings noire et d'un paréo à manches longues, je devinais les interrogations. Or, ce fut ma soit disant moitié, interloquée qui me demanda pourquoi j'étais aussi chaudement vêtue. Les images de la nuit passée défilant à toute vitesse dans mon esprit, je ne désirais pas rétorquer, je voulais même me taire à jamais. Alors, je lui fis signe que je ne savais pas et fit de même pendant les jours qui suivirent, puis des semaines et des mois.
Mon corps était dorénavant caché et protégé de tout regard afin que plus personne ne puisse voir les cicatrices compromettantes de cette nuit dévastatrice.
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Les Méduses
PoetryLors d'une douce nuit d'été sur la Côte d'Azur, une jeune fille est confrontée à une expérience étrange la rendant vulnérable à sa propre culpabilité. Trigger Warning : Mutilation. Malgré une métaphore et des euphémismes, même si la mutilation est...