chapitre 5

9 1 0
                                    

La supérette de Weyster la plus proche de ma maison est très mignonne. Tout est fait en bois, tout est rustique et j'adore ça. J'adore le fait que rien ne soit comme les grandes villes, comme ce que je connais. Je suis livrée à moi-même dans un endroit dont je ne connais rien et pour une fois, pour la première fois, je n'ai pas peur. Parce que je sais que je suis là où je dois être.

J'achète mes petits légumes et mes quelques gâteaux au chocolat et rentre chez moi à pied. Les allées sont pavés et de magnifiques arbres fleuris les borde. Je me sens comme une paysanne avec mon panier en osier et ma robe fluide. Il ne manque plus que le chapeau en paille.

Hier a été une journée assez intense en apprentissage, mon cerveau était en surchauffe alors j'ai seulement envie de me faire une poilée de légume et de lire un bouquin sous le grand saule pleureur qui se trouve devant ma terrasse et qui m'offre l'ombre idéale.

C'est donc ce que je fais toute la journée, enfin toute l'après-midi parce que j'ai déjà passé ma matinée à dormir. Le réveil à 11 heure m'a fait prendre conscience que tout le monde se levait tôt ici et que si je ne voulais pas tout rater, je devais commencer à me lever tôt moi aussi. Pour commencer en douceur, j'ai décidé que je mettrais un réveil à 9 heure tous les matins. C'est déjà ça. Le changement arrive, mais doucement. Sinon je sais que je ne tiendrais pas longtemps et que le monde entier me prendra pour une insociable qui préfère son lit et ses livres aux humains. Ce qui n'est pas totalement faux. 

A 18 heure, je reçois un message. C'est écrit que c'est un numéro inconnu mais au contraire, je sais très bien de qu'il s'agit.

Salut,
Je suis allé sonné chez ta mère ce matin, elle m'a dit que tu étais partie depuis quelques jours.
Tu aurais au moins pu prendre la peine de venir me dire au revoir, tu me dois bien ça. Après tout ce qu'on a vécu.

Je lève les yeux au ciel. Il est culotté. Voici Hugo. Mon ex. Je l'ai rencontré lors de ma première année de podologie. C'était le beau gosse de la classe, discret mais sexy. Celui qui aimait parler mais qui ne dérangeait pas. Il était drôle et gentil. Nous sommes sortis ensemble à la fin de notre dernière année. Avant ça nous étions meilleurs amis. Je me suis alors dis qu'en ayant été amoureux de moi pendant trois ans sans rien lâcher, il ne me ferait pas de crasse. Et bien je me suis trompée, je n'ai même pas eu le temps de tomber amoureuse de lui, bien trop absorbée par mon travail. Lorsque je lui ai raconté mes projets de partir vivre à l'autre bout du monde, il en a parlé à ma patronne. Lui a expliqué que je n'allais pas être là longtemps et qu'il ne fallait pas que la maison médicale ne perde ses clients. La solution a donc été simple. Je me suis fait viré, et il a pris ma place.

C'est aussi pour ça que mon aménagement ici a été précipité. Je n'avais plus de travail depuis quelques mois et mes journées étaient vides, tout comme la place à côté de moi dans mon lit.

Je ne prends pas la peine de répondre et laisse son message en vu. Il ne mérite pas mon temps. Ni mon poste d'ailleurs. Mais ça, cette connasse de Véronica n'en avait rien à foutre. Depuis le début, j'ai su qu'elle aimait venir boire le café chez moi pour voir Hugo. Et ça ne le dérangeait pas, d'être maté par une femme de 45 ans. Il disait d'elle qu'elle était bien conservée. Et j'étais trop occupée à travailler 50 heures par semaines pour m'en apercevoir réellement. Lorsque je suis sortie de mes années de fac, j'ai travaillé comme une dingue pour avoir ce que je voulais, et je l'ai eu pendant un temps.

Mais ce qui est en train de m'arriver est bien mieux que tout ce que j'aurais pu imaginer jusqu'à présent.

Je rattrape mon téléphone et envoie une photo de la mer que j'ai prise hier lorsque j'étais avec Martine. Je suis déçue de ne pas en avoir une qui fait un beau doigt d'honneur. Merci Hugo de la vie que tu m'as donné la chance d'avoir.

A l'instant où ma photo s'envoie, j'aperçois Zoey. Ses cheveux sont attachés en queue de cheval et elle court dans ma direction.

Lorsqu'elle arrive devant moi, elle pose ses mains sur ses hanches et expire un grand coup, les joues rouges.

- Salut, tu viens courir ?
- Allez !

Une fois en tenue, nous partons à un petit rythme et faisons le tour du petit village. Le seul que contient l'île. Mais il ne manque de rien : coiffeur, fast food, supérette, salons de toilettages et j'en passe. Il y a tout ce qu'il y a dans les grandes villes, mais en local et bio. C'est incroyable.

Lors du deuxième tour, nous accélérons la cadence. Zoey semble tenir le coup au début mais à l'instant où elle aperçoit l'allée qui mène à nos maisons, elle ralentit et fini par s'arrêter, pleine de sueur.

- Viens boire un coup à la maison, j'en peux plus. Le sport c'est pas pour moi.
- Avec un peu d'entrainement tu seras une vraie championne, je te le promets.
- Crois moi que non, dit-elle tout en ouvrant la porte, le sport c'est pour mon frère. Vraiment pas pour moi.
- Lilian m'a pourtant dit qu'il n'aimait pas ça. Il préfère peindre si j'ai bien compris, non ?
- Lilian oui, c'est d'ailleurs lui qui a fait la coloration rose d'Ethan. Non, moi je te parle de Garrett, notre grand frère.

Elle nous fait nous assoir dans son petit salon de jardin et nous apporte deux grands verres d'eau que nous buvons cul sec. Il faudra vite que je fasse pipi après. Ma vessie ne tiendra pas longtemps.

- Je savais pas que vous aviez un autre frère. Donc vous êtes trois, y'a pas une soeur qui se cache quelque part ?

Elle rigole et me montre un cadre. On y voit trois enfants, dont deux garçons. L'un a les cheveux blonds, l'autre brun. Et je reconnais la petite tête de Zoey qui était encore blonde à cette époque.

- C'est lui, il a deux ans de plus que Lilian et moi. Et il adore le surf, mon père lui a transmis sa passion dès son plus jeune âge. À trois ans il était déjà debout dessus, mais quand il a eu un accident, mon père a eu tellement peur pour lui qu'il n'a pas voulu nous apprendre à nous. Ma mère a toujours eu peur quand elle voyait mon père sur une planche au milieu des vagues et il a compris ce qu'elle ressentait quand il a vu Garrett à son tour. Il est arrivé dans notre famille lorsqu'il n'avait que six mois alors, même si biologiquement ce n'est pas leur enfant, ils n'en tiennent pas compte. Nous avons tous été élevés de la même façon et je trouve ça remarquable. Garrett ne s'est jamais senti à l'écart ou en trop. Enfin bref, le sport me fascine mais n'est pas fait pour moi. Je suis plutôt basée sur la musique moi, et Lilian la peinture. Bravo, t'as bien retenue.

𝐋𝐎𝐕𝐄 𝐖𝐈𝐓𝐇 𝐀 𝐆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant