Ysobel
Mon maître secouait la tête, les sourcils froncés dans une expression d'incrédulité.
— Tu as quoi ? rugit Kagan.
— Je me suis occupée d'un patient en votre absence, répétai-je un peu plus bas.
La colère de mon maître était, je dois l'avouer, inattendue. J'espérais qu'il serait fier de mon initiative, au contraire, d'autant que j'avais ramené une paie supplémentaire.
— Sieur Claessy t'a-t-il fait passer un message à mon intention ?
Je secouai la tête, intimidée par sa colère.
— Il n'a même pas prononcé votre nom. J'ignorais que vous le connaissiez.
— Tu ignores bien des choses, gamine !
Kagan tapa du poing sur la table, s'attirant les regards des clients de l'auberge autour de nous. Il poussa un soupir et ferma les yeux, grattant sa courte barbe d'une main. Il repoussa ensuite ses cheveux bruns striés de mèches blanches pour dégager son visage.
— Décris-moi ta visite là-bas, reprit-il plus doucement.
Je fronçai les sourcils. Que lui importait de connaître les détails ?
— Allez, petite, dépêche-toi !
— Oui ! Oui ! Alors son serviteur, un certain Aldan, est venu me chercher.
— Aldan ?
Ce fut au tour de Kagan de froncer les sourcils.
— Andal, tu veux dire ?
J'acquiesçai, gênée.
— Euh... oui, c'est ça. Il m'a emmenée dans leur maison où j'ai dû enlever mes bottines...
— Gamine... j'ai pas besoin de ces détails-là, je veux savoir dans quel état était sieur Claessy et ce qu'il t'a dit.
Je grimaçai.
— Il avait de la fièvre et délirait. Sa main était abîmée par un vieux clou, sans doute rouillé, qui a provoqué une infection. Il a voulu se la couper lui-même sans succès. J'ai nettoyé la blessure, lui ai appliqué une teinture d'érinée et lui ai fait boire une décoction de saule.
— D'érinée, répéta pensivement Kagan. Tu as bien fait. Les vertus magiques de cette plante ont fait leurs preuves.
Je redressai les épaules sous le compliment.
— Je leur en ai laissé pour qu'ils puissent s'occuper de la blessure et leur ai conseillé de nous faire rappeler dans les deux jours s'il n'y avait pas d'amélioration.
— Bien. A-t-il dit quelque chose ?
— Il a eu un éclair de conscience et m'a expliqué les circonstances de sa blessure, mais c'est tout.
Je détournai le regard sans préciser que sieur Claessy m'avait baragouiné autre chose, je ne me souvenais pas de ses paroles.
— C'est tout ? insista Kagan en avisant mon regard fuyant.
Après plusieurs mois à vadrouiller ensemble sur les routes, Kagan connaissait mes attitudes aussi bien que mon père, impossible de lui cacher quoi que ce soit.
— Je ne me rappelle plus ce qu'il a dit. Je pensais qu'il délirait, que ça n'avait pas d'importance. Je...
— Rien du tout ? Tu ne te rappelles aucun mot ?
Je fis un effort de mémoire.
— Quelque chose à propos d'un oiseau rare et d'Abynie. Il parlait d'une dame, mais je ne me souviens pas du nom.
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Le Consulat d'Octave
FantasyArticle 1 : Le Consulat assure pour ses commanditaires, quels qu'ils soient, sans distinction d'origine, de race ou de religion, la recherche d'informations qu'il ne remettra qu'à eux et eux seuls. Ysobel est apprentie-herboriste. Elle parcourt le p...