La dépression. On aborde rarement cette maladie avec assez de détails. Pas avec les noms en tout cas. C'est un peu tabou. Il vaut toujours mieux quelques euphémismes bien choisis et poétiques que ces noms rustres et brutaux. Suicide, mutilation, anti-dépresseurs...
Cela ne faisait pas depuis la mort de Kiara que j'en étais atteinte. Au début, je suis allée voir des psychologues. Mais le problème était que je ne pouvais pas être honnête et tout dire aux professionnels mortels. Je ne pouvais leur parler ni de la colonie, ni de l'hydre, ni de Janus. Pour eux, la colonie était donc un centre d'accueil, mon bungalow un certain département du centre, mes frères et sœurs des amis proches, l'hydre une personnification de mes peurs et de mes traumatismes. Leur version des faits était que mon père était mort trahi par sa petite copine (une idée farfelue de Chiron pour personnifier le monstre aux multiples facettes) et que cette même femme possessive et toxique avait causé le décès de Kiara en nous recherchant partout.
Ils ne pensaient pas que j'étais réellement amoureuse de Fred. Pour eux, il s'agissait juste d'un moyen d'évacuer mes souvenirs traumatiques et de me défouler sur un de mes "petits camarades ayant vécu une similaire situation". Ils n'avaient finalement pas complètement tort...
On ne m'avait diagnostiqué à l'époque que des troubles post traumatiques. Au bout de quelques psy, Chiron en avait conclu que je ne pouvais plus continuer ainsi. Il avait réussi à invoquer Asclépios, dieu de la médecine, et j'avais eu droit à mon propre psychiatre.
Asclépios était gentil mais ne pensait pas comme un mortel. Il était dieu et n'avait une vision comme la nôtre. Malgré tout, je savais que les dieux pouvaient ressentir des troubles, etc... parce qu'ils avaient tous des passés qui les suggéraient largement.
C'est lui le premier qui m'appris que j'avais une certaine particularité. Je n'étais pas une demi-déesse mais une "trois-quarts-déesse". D'après lui, j'avais ainsi une plus grande puissance, sans compter que ma mère était une déesse majeure. Il m'expliqua que Kiara était plutôt une "deux-tiers-déesse". C'était presque identique mais en réalité, Hécate et Janus étant deux dieux mineurs, elle avait un sang moins divin que le mien, moins puissant en tout cas. Il m'expliqua alors que Chiron m'avait élevé petite. Je l'ignorais. Il me dit qu'il avait senti une protection magique autour de moi, et que le centaure lui en avait parlé.
J'appris ainsi que c'était la raison pour laquelle l'hydre m'attaqua deux fois sans réussir à me blesser. Cette aura repoussait les monstres. Mais Kiara avait détruit la sienne en quittant la colonie en cachette pour me rejoindre. Et c'est ça qui l'avait tuée. C'était par ma faute que la protection s'était brisée...
Après ma rupture avec Fred, lors de l'arrivée de Quentin, je n'ai consulté que quelques fois le dieu médecin avant de déclarer que j'allais mieux. Et d'arrêter. C'est vrai. J'allais mieux. Mais plus maintenant.
Maintenant... tout est devenu pire. J'ai l'impression d'avoir tant fait pour rien au final. Je me sens brisé. Je n'en peux plus. De tout. De la vie. De vivre ma vie tous les jours. De devoir faire semblant d'aimer vivre ma vie tous les jours. Je n'en peux plus.
Je me concentre sur ma respiration. Elle est saccadée et rauque. Un objet me bloque les poumons. Une boule me serre le ventre et mon cœur est totalement creux. J'alterne depuis longtemps entre le vide et le trop plein émotionnel. Colère, tristesse, peur, nostalgie, regret, haine, jalousie, angoisse, anxiété, stress, injustice, incompréhension... et rien. Une totale indifférence. Elle survient lorsque je suis au degré le plus haut. Elle ravage et prend tout. Même ces affreuses pensées qui me détruisent mentalement.
Je ne suis pas encore à ce point culminant. C'est un débordement actuellement. C'est la peur. Je suis quelqu'un d'extrêmement anxieux. Je stresse pour tout et rien. Je vis très mal la pression. Dès que je me sens mal à l'aise, je suis complètement paralysée. Ankylosée. Complètement terrifiée. Et, même si je suis seule dans le bungalow et qu'il ne se passe rien, je suis totalement en panique. Je suis en pleine crise d'angoisse, j'ai la nausée. Je mets ma main sur mon ventre et l'autre sur mon front. Il est brûlant. Je tente de me lever pour m'asseoir. J'ai un haut le cœur. Je retombe à terre. Je prends plusieurs respirations paniquées. Je déglutis et m'accroche comme je peux au lit. Je ne tente pas de me relever. Je ne bouge pas. Je suis figée. Figée de peur.
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Poisson d'amour
FanfictionDepuis sa rupture avec Fred, Sara tente de se reconstruire, déchirée par des amitiés qui appartiennent au passé. Avec son meilleur ami, Quentin, elle tente de comprendre ce qui l'a poussée à quitter Fred alors qu'elle l'aime encore. Peut être n'étai...