La nuit avait recouvert Villandra de son grand manteau noir couvert d'étoiles. L'été se terminait pour laisser place à un automne morose. Cette petite ville d'Octavia, à la frontière avec Germeal le pays voisin, possédait des ruelles colorées avec une architecture pittoresque dans la vieille ville.
Les feuilles des arbres rougissaient peu à peu, certaines se laissaient même tomber sur le sol pavé des rues du vieux Villandra. Le vent en emportait plusieurs en tourbillonnant, les laissant voler jusqu'au mur des bâtiments, caressant les briques de pierres érodées et ternies par les siècles, jusqu'à venir se poser sur le rebord des fenêtres fleuries de fleurs fanées. L'une des feuilles, plutôt vigoureuse, s'envolait à nouveau pour venir narguer les tuiles noires des toits éclairées par la lune. Croisant un chat au passage, elle tentait joueuse de danser jusqu'à lui. Le regard malicieux, il la gifla au dernier moment comme on giflerait un inconnu après vous avoir mis la main au cul sans permission. Elle plana alors maussade par l'indifférence du félin, trouvant réconfort auprès des cigognes qui l'accompagnèrent jusqu'au bout de la ville, se dirigeant peu à peu vers une auberge qui s'imposait seule et isolée au milieu des arbres, à l'orée du bois.
Le Sacre-bleu, une affaire fructueuse et idéale lorsqu'on souhaitait trouver refuge pour disparaître quelque temps. La plupart des malfrats d'Octavia et de l'ouest de Germeal connaissaient cette maison à la renommée plus qu'estimée dans le milieu, d'abord pour son calme, mais plus que tout pour le silence de ses propriétaires. Kleum et Groell, le couple détenteur de l'auberge, avaient décidé de reprendre cette affaire il y a plus de dix ans. Elles avaient elles-mêmes fui Valmolest, une ville au centre du pays, après avoir tué un homme par accident, disaient-elles. Folles amoureuses l'une de l'autre, il était impossible qu'elles se trahissent mutuellement et qu'elles s'abandonnent, l'idée de remonter cette auberge abandonnée dans l'espoir de se faire oublier, et de gagner quelques pépettes en passant, fut une aubaine lorsqu'elles la trouvèrent durant leur fuite. Pari réussi, aucun flic n'avait pointé le bout du nez en une décennie, de plus, tous les brigands, évadés, ou tortionnaires les plus dangereux avaient séjourné chez elles, une fierté qu'elles aimaient toutes les deux étaler à tous les nouveaux arrivants.
Une fois passé la porte, des tomettes bourgogne habillaient le sol, facilitant le travail de nettoyage du vin ou du sang lorsque les tâches restaient tenaces. Le mobilier en bois brun imposant, digne d'une taverne, semblait aussi lourd qu'un corps mort, et fracasser la tête d'un de vos adversaires ne lui laisserait que peu de chances de survie. La lumière quant à elle, était tamisée grâce aux multiples bougies sur les tables, donnant un aspect chaleureux et réconfortant, seul le bar au fond de la pièce qui trônait derrière les tables et les chaises était lumineux. Une scène de discussion entre l'une des propriétaires, Groell, buvant un verre une cigarette au bec, discutant avec l'un de ses clients nous était offerte. Grande, fine, élancée, les cheveux d'un noir à en faire jalouser une pierre d'onyx, avait le visage marqué par le temps, la cigarette et l'alcool. Le bar était son lieu de prédilection. Bavarde dans l'âme, elle aimait tailler une bavette avec ses clients, raconter ses péripéties et bien évidemment entendre les leurs. Les histoires la passionnaient, pouvant alors déblatérer toutes ses anecdotes de temps en temps. Si un temple rempli des secrets de toutes les crapules du coin avait été personnifié, ça aurait été Groell.
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Nuits Sauvages
FantasyUne planète où cohabitent humains et hominides, ces surhommes maintenus sous contrôle par des gouvernements corrompus. Un monde fracturé entre des démocraties avides d'argent et des dictatures prêtes à tout pour garder leur pouvoir. Une famille mar...