mon frère se marie dans deux semaines.jamais je l'aurais cru, à vrai dire. il a toujours privilégié le travail et l'argent à l'amour, qu'il faisait passer au troisième plan. à ses yeux, le mariage était qu'une formalité jusqu'à ce que cupidon fasse mouche en visant son petit cœur d'artichaut.
à présent, il sue sang et eau pour les préparatifs de la cérémonie. je l'ai jamais vu autant investit de ma vie si ce n'est dans son travail. je suis ravi qu'il comprenne désormais l'importance de cet événement qui n'est absolument pas une chose à prendre à la légère.
d'ailleurs, en parlant de ça, je n'ai toujours pas trouvé ma tenue pour l'occasion. y'a rien dans mon armoire qui puisse faire l'affaire. ce qui fait que je me retrouve à faire des essayages d'une flopée de robes soigneusement sélectionné par onika.
- « ça te va comme un gant ! »
- « j'aime pas. »
onika et moi avons des goûts très divergents en matières de mode. étant quelqu'un de pudique, ma garde-robe se compose uniquement d'habits amples contrairement à celle-ci qui ne jure que par le mini. je croyais que sa grossesse lui ferait gagner en retenue mais je m'étais fourré le doigt dans l'œil, apparemment.
- « qu'est-ce que t'aimes pas, encore ? » son ton las témoigne que sa patience a atteint sa limite, tout comme la mienne.
- « tu rigoles ? » je demande un sourcil levé, le doigt pointé sur le décolleté qu'inclus la robe. « t'as vraiment cru que je me trimballerais les seins à l'air ? »
- « t'abuses, sérieux. on voit rien du tout, là. »
- « c'est peut-être rien pour toi mais pas pour moi. prochainement, prends en compte ma pudeur au lieu de jeter uniquement ton dévolu sur des trucs que tu porterais. »
- « c'est pas des trucs que je porterais. tu le sais pertinemment, en plus. tout ce que j'ai choisis, j'ai jugée que ça te mettrait en valeur, marija. »
- « revois ton jugement, dans ce cas. » je tire le rideau de la cabine ignorant sa réponse et me défait de cette robe qui laissait ma poitrine voir le jour.
finalement, c'était peut-être pas une bonne idée d'accepter son aide. je me rhabille et me munis de toutes les robes que je remets à l'employé au comptoir prévu à cet effet avant de me barrer du magasin talonnée par onika.
- « tu fous quoi ? on avait pas terminé ! »
- « ça me gave. »
- « c'est toi qui est gavante, marija. je tente de te donner un coup de pouce mais toi, tu fais aucun effort. est-ce que tu pourrais arrêter de faire la difficile et y mettre un peu du tien ? parce qu'à part râler et décliner toutes mes suggestions, tu fiche pas grand chose. j'ai l'impression que c'est toi qui est venue m'accompagner, carrément. tu me fais tourner en bourrique, là !
mon regard qui passe au peigne fin les vitrines, toujours en quête d'un quelque chose qui me plairait potentiellement, finit par s'échouer sur l'enseigne du waffle factory qui me fait de l'œil.
- « j'ai faim. pas toi ? »
⁂
- « crois pas que t'es pardonnée, hein. » dit-elle en enfournant une grande bouchée de sa gaufre bourrative que j'ai payée au préalable.
je souris malicieusement avant de l'imiter. il est vrai que j'ai eu un comportement de merde avec elle, aujourd'hui. je l'ai traîné de tout côté alors que cette dernière est enceinte. de cinq mois qui plus est. par moments, je la plains de devoir me supporter.
onika est une amie de très longue date, on se connaît depuis le lycée. pour tout dire, j'étais certaine que notre amitié ne ferait pas long feu comme toutes mes précédentes camaraderies. mais contre toute attente, elle a tenue le coup.
je lui dis peut-être pas mais je tiens fortement à elle et remercie le Seigneur, tous les jours qu'Il fait, d'avoir mit cette fille sur mon chemin. pour moi, onika est un peu comme un présent divin.
- « hein, on rentre ? » répète-t-elle, les sourcils froncés, en me regardant enfiler mon dernier morceau de gaufre. « il vient à peine d'être dix-huit heures. »
- « t'oublies que les heures de pointe existent ? hors de question de me coltiner les bouchons et par la même occasion, les plaintes de ton mari sur un éventuel retard. il a rouspété dans mes oreilles la dernière fois, j'ai fermée ma bouche. mais je tolère une fois, pas deux. »
- « encore désolé pour ça. c'est vrai que depuis que je suis enceinte, il se fait du mauvais sang pour rien. mais bref. la session shopping prend fin et t'en sors bredouille, du coup. »
- « demain est un autre jour. » je rétorque en haussant les épaules avant de débarrasser nos plateau et sans plus attendre, on quitte le fast-food pour se rendre en direction de la sortie. alors qu'on approchait l'issue, onika fait halte sans prévenir face à la devanture d'une petite boutique.
- « qu'est-ce que tu fous ? on y va. »
- « et ça, t'en penses quoi ? » elle me demande en continuant de reluquer la vitrine. curieuse de connaître l'objet de son attention, je reviens sur mes pas pour jeter un coup d'œil au contenu de l'étalage.
bingo.
- « c'est pas mal, ça. »
⁂
- « merci encore, fais attention à toi. » me dit-t-elle avant de claquer la portière et s'engouffrer dans son immeuble rénové sous mon regard observateur. aussitôt que celle-ci s'évapore de mon champ de vision, je me mets en route et arrive à mon appart en un petit quart d'heure.
tandis que je stationnais en contrebas de mon bâtiment, la sonnerie de mon téléphone me notifie d'un appel. mes sourcils se froncent en découvrant le prénom de mon frère sur l'écran. c'est plutôt rare qu'il me passe un coup de fil. plus que tout à cette heure-ci, étant donné qu'il est supposé être au charbon.
- « allo ? »
- « marija... »
mon cœur loupe un battement à l'entente de sa voix tremblante et sa respiration entrecoupée à l'autre bout du combiné.
- « khair, tu pleures...? »
ET LE MONDE FINIRA
AVEUGLE ©