Le sang. Le sang possède une odeur singulière, imperceptible lorsqu'une écharde ou une coupure de papier nous blesse légèrement. Cependant, lorsqu'il s'écoule abondamment, qu'il sature la terre de sa teinte sombre et macule nos vêtements, son parfum métallique nous assaille. Tel un serpent, il se glisse autour de notre gorge, monte à notre cou et envahit notre bouche à chaque tentative de respiration. Suffocant. Dans la quiétude qui succède à la bataille, l'odeur du sang ne se révèle qu'au milieu des dépouilles éparpillées sur le sol. Tout semble irréel, comme si rien ne s'était produit, et pourtant, le parfum du sang persiste, témoignage indélébile des événements passés.
Là, il se tenait, le dernier homme debout, son épée encore en main, le souffle court. Le temps s'était suspendu un instant pour lui, éternellement pour les défunts. Mais pour cet homme, les secondes filaient à toute allure. Il revoyait la bataille, incapable de s'en détacher. Autour de lui gisaient des hommes, des femmes, des créatures hybrides, des plumes blanches et noires, mais pas un seul allié. C'était comme si la fin du monde avait cédé la place à une renaissance, au milieu des odeurs et des décors de mort. Était-il le dernier homme sur Terre ? Tel un automate, il remit son épée dans son fourreau et se dirigea vers le sommet de la crevasse où la bataille avait fait rage. Quel âge avait-il ? Il paraissait si jeune, peut-être 13 ans, pas plus. Pourtant, il dégageait une assurance indéniable, pourquoi sinon combattrait-il sans casque, vêtu seulement d'une légère armure ? À travers la plaine, son regard balaya l'horizon. Son cheval avait sûrement pris la fuite au plus fort de la mêlée. Il aurait souhaité avoir un compagnon pour cette fin. Peu importe. Il était temps de rentrer. Sur son chemin, les plaines verdoyantes contrastaient avec la scène de désolation qu'il venait de quitter. La fraîcheur et le parfum du printemps avaient remplacé les couleurs et les odeurs du champ de bataille. Alors, le jeune homme leva les yeux. Quelque chose dans le ciel nuageux avait capté son attention. Il protégea ses yeux des rayons filtrant à travers les nuages et aperçut enfin l'immense faucon qui fondait sur lui. L'oiseau plana un moment au-dessus de lui avant de se poser avec douceur devant lui.
— Bonjour Philip.
Le faucon qui se tenait devant lui il y a quelques secondes était maintenant un homme. Il semblait avoir une cinquantaine d'années, peut-être plus. Contrairement au jeune garçon, il souriait d'un sourire paternel et bienveillant.
— C'est fini ? demanda-t-il.
— Oui. C'est fini.Ces mots furent les seuls qu'ils partagèrent. L'aîné fit un geste vers le garçon et se mit à genoux. Un instant plus tard, il se transforma de nouveau en un faucon, cette fois-ci bien plus imposant qu'auparavant, assez grand pour que son jeune protégé puisse s'y installer. Il s'envola alors, rejoignant les cieux. Quelques instants après, il descendit vers un vaste palais de pierre et, une fois posé, laissa le jeune homme devant l'entrée. Sans dire un mot, ils ouvrirent ensemble les portes. Dans le hall, une servante aux cheveux noirs comme l'ébène tenait une petite fille d'environ trois ans. L'enfant se débattit, s'échappa des bras de la domestique et courut vers eux en criant joyeusement.
— Grand frère !
— Est-ce terminé ? demanda la jeune femme tenant l'enfant.
— Oui, répondit le garçon, captivé par le visage radieux de sa petite sœur.
Elle lui offrit un sourire, révélant quelques dents de lait mal alignées. Comprenait-elle d'où revenait son frère ? Se doutait-elle que, non loin, des cadavres gisaient dans la boue ? Non, elle était trop jeune. Pourquoi devrait-elle être au courant ?
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Contes d'Astrerah: quand légendes et réalité s'entremêlent
ParanormalMonde intérieur: mondé créé par le cerveau pour échapper à des traumatismes. Nous sommes atteints du Trouble Dissociatif de l'Identité et voici l'histoire de notre monde intérieur. Dans Contes d'Ashes, les frontières entre réalité et imagination se...