Dans les profondeurs des montagnes du nord, où le blizzard et la neige mordent la peau des aventuriers, une ouverture se niche entre deux rochers gris. En s'aventurant à l'intérieur, des marches de pierre glacée guident nos pas hésitants et curieux. Progressivement, en s'enfonçant dans cette cavité froide et humide, le passage se fait plus large et des sons nous parviennent. Il y a des signes de vie. Un monde souterrain se dévoile, avec des colonnes de pierre qui semblent soutenir le poids de la montagne, abritant des créatures d'apparences variées. Accrochées aux parois de cette immense caverne, des chauve-souris gigantesques semblent dormir, suspendues tête en bas. Mais dorment-elles vraiment ? À y regarder de plus près, leurs yeux grands ouverts scrutent les mouvements en dessous. Au sol, des êtres semblables à des humains normaux discutent et s'agitent, certains pressés, d'autres immobiles.
— Écartez-vous de mon chemin ! s'écria une voix masculine à l'adresse d'un attroupement.
C'était un homme dans la trentaine, au teint pâle qui se mêlait à la blancheur de ses cheveux. Il tenait les extrémités d'une civière, secondé par une jeune femme en uniforme d'infirmière. Son regard noir perçait les hommes qu'il venait de perturber. L'un d'eux se retourna, croisa les bras et se dressa de toute sa stature face à celui qui avait osé interrompre leur conversation animée.
— Qu'est-ce que tu veux le blondinet ?
— Dégagez le passage. On a des blessés dont nous devons nous occuper pendant que vous traînez.
— Laisse-moi celui-ci, interrompit un deuxième homme, aux cornes de bélier sur le sommet du crâne. Tu n'es pas allé te battre avec nos frères et sœurs le bâtard ?Le grand blond ne répondit pas. Ses yeux restèrent simplement ancrés dans ceux de son interlocuteur. Les trois autres hommes campés derrière celui-ci rièrent à la remarque de leur camarade.
— Pourquoi beugles-tu des ordres à droite à gauche si tu ne t'es même pas présenté au combat espèce de sangsue ? reprit l'homme aux cornes.
— Car me montrer aux Astreriens ne ferait que trahir le camp auquel j'appartiens, incube, répondit-il froidement.
— Tu ne fais pas partie des démons, tu n'es même pas pleinement vampire, tu n'es qu'une sangsue, fils d'humains, le bâtard blond. Trahir leur camp, c'est ce que tu as fait ; je ne te donne même pas une lune ici.
— Crache ta haine lorsque je n'aurai pas un blessé sous ma responsabilité incube.Un son strident perça soudain les oreilles des cinq hommes et de la jeune infirmière qui se retournèrent alors brusquement. Une femme aux longs cheveux noirs, aux jambes interminables et aux canines prolongées se tenait là, l'air énervé.
— Quelle est l'origine de ce raffut? Les blessés doivent être transportés au plus vite dans la grotte sept, elle leva la main lorsque l'incube voulut prendre la parole et reprit. Comte Peter, suivez-moi. Vous quatre, rendez-vous utiles et transportez les blessés. »
Le dénommé Peter eut un rictus moqueur envers les quatre hommes et suivit la femme qui venait d'interrompre leur conflit. Elle le mena à travers les escaliers, échelles et tunnels jusqu'à arriver à une grotte bien plus grande que les précédentes au centre de laquelle se trouvait une table ronde accompagnée de plusieurs chaises. Devant l'une d'elles se trouvait une enveloppe cachetée d'un sceau rouge sang, adressée au Comte Peter. Ce dernier interrogea du regard la vampire qui l'accompagnait et elle lui répondit:
— Le roi Diamant vous a écrit avant qu'il ne prenne la fuite avec Sa Majesté. Il semble penser que vous êtes digne de reprendre le contrôle de notre royaume.
— Pourquoi moi et pas un démon pur sang comme vous?
— Ils étaient proches de vos parents, elle s'approcha de lui et le toisa de haut. C'est sûrement la seule raison pour qu'un demi comme vous soit à notre tête. Il n'y a personne dans cette montagne qui n'ait la pleine confiance de leurs Majestés. Je ne les comprendrai jamais.Le Comte Peter fronça les sourcils à l'entente de cette explication. Un bruit de pas précipité se fit alors entendre, faisant tourner les têtes des deux démons.
— Peu importe qu'on nous ait entendus, Comte, l'annonce sera faite quand les blessés seront tous mis à l'abri.
— Ne pensez-vous pas que le royaume va rejeter cette décision?
— Ceux qui la rejettent, reprit la femme avec une lueur nouvelle dans les yeux. Rejettent la volonté de leurs Majestés et seront punis pour cela.Le Comte sourit à ces mots et l'examina de la tête aux pieds. Elle possédait l'allure typique d'une vampire. Ses yeux rouges se dilataient et se rétractaient au gré de ses émotions et des paroles qui franchissaient ses canines acérées. Ses membres allongés étaient ceux d'un prédateur, pas d'une proie. Elle est si différente de moi, songea le futur souverain. J'aurais pu lui ressembler si mes parents avaient été de purs vampires. Depuis qu'il avait commencé à la détailler ainsi, son regard ne s'était pas détaché de lui.
Il fit un pas hésitant vers elle, redoutant presque une attaque, mais elle resta immobile. Son regard glacé fixé sur lui, elle semblait anticiper son prochain mouvement. À peine séparés de quelques centimètres, elle prit à nouveau la parole :
— Je ne vous apprécie guère. Vous serez toujours un humain à mes yeux.
— Ces canines que vous me montrez comme une menace sont les mêmes que les miennes.
— Elles n'ont pas été acquises de la même manière. Vous êtes un bâtard, né d'humains qui se sont mêlés à notre race.
— Je vous assure que nos capacités sont égales.Elle poussa un soupir à la vision de son sourire empli de fierté et d'arrogance et ferma les yeux tandis qu'il vint conquérir les derniers centimètres qui les séparaient, les yeux rivés sur les canines de sa nouvelle conquête qui disparurent alors dans un souffle.
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Contes d'Astrerah: quand légendes et réalité s'entremêlent
ParanormalMonde intérieur: mondé créé par le cerveau pour échapper à des traumatismes. Nous sommes atteints du Trouble Dissociatif de l'Identité et voici l'histoire de notre monde intérieur. Dans Contes d'Ashes, les frontières entre réalité et imagination se...