J'exerce une démarche plutôt bancale en marchant vers la terrasse, retrouver mon copain. Cependant, je ne pense pas que ce soit cette démarche sincèrement ridicule le plus important. Là, tout de suite, j'ai besoin de savoir ce qui ne tourne pas rond dans la tête de mon petit ami. Alors je presse un peu le pas une fois que je suis proche de la terrasse où il se trouve. Mais je tombe sur une scène vraiment étrange en arrivant. Monsieur Malone qui est assis muet devant un Chase debout devant lui à lui cracher sa haine. Et cette scène me donne affreusement froid dans le dos. Jamais Chase ne s'est comporté aussi égoïstement devant moi. Il a toujours été le moins agressif et surtout le moins apte à faire preuve d'une telle méchanceté envers les membres de sa famille.
Il finit de proférer, sans doute des menaces, à l'égard de Monsieur Malone puis prend mon sac que j'avais laissé dans mon siège en se dirigeant inconsciemment vers moi. Je crois qu'il ne réalise qu'il est sur le point de me rentrer dedans que lorsque je l'interpelle.
- Bordel, mais qu'est-ce qui te prend Chase?
Il s'arrête un instant semblant soulagé de me voir puis reprend son chemin mais cette fois-ci en me prenant la main, me forçant à avancer, d'une façon assez bancale, avec lui. J'ai beau lui faire comprendre que j'ai besoin qu'il s'arrête pour qu'on parle mais surtout qu'il arrête de faire une telle pression sur mon poignet car j'ai mal, mais aucune de mes plaintes ne semblent lui parvenir. Je le pousse donc une fois que nous sommes prêt de sa voiture et ça le réveille je crois.
- Quoi, on a oublié quelque chose?
Tout à coup, il redevient le Chase doux et tendre qui s'inquiète pour moi alors qu'il a passé son temps à m'ignorer et à etre froid.
- Chase, c'est quoi ça? Pourquoi est-ce que tu agis comme ça avec eux?
Il souffle.
- Avec lui tu veux dire?
- Non avec eux. Blessant envers ta mère, méchant avec cet homme dont elle semble folle amoureuse.
- Ne raconte pas de conneries, elle n'est pas amoureuse de ce connard.
- Pour le coup, le connard ici, c'est toi. Et puis je suis désolée mais c'est assez évident que ces deux là soient amoureux comme des dingues.
Mon petit ami se met à rougir de colère et fait une pression sur mon sac qu'il tient comme si sa vie en dépend. A ce moment là, je crois lire de la peur dans le regard de Chase. J'ai l'impression qu'il manque d'air et je m'en inquiète. Alors je m'approche de lui et lui prend la main.
- Bébé? Tu vas bien?
Pour la première fois depuis tout à l'heure, Alexander se permet de me regarder dans les yeux. Et son regard qui était froid est tout doux mais tellement inquiétant! Il a les yeux rouges et brillants, la respiration qui est saccadée et la main qui est toute tremblante.
- Qu'est ce qui ne va pas? Tu peux tout me dire, tu as oublié?
Il ne me répond rien. Je le pousse donc à s'installer avec moi à l'arrière de sa voiture pour que nous puissions parler comme il se doit. Je le sens alors se détendre et respirer.
- Il a toujours été comme un second père pour moi, tu sais..
Il marque une pause mais je lui prends la main doucement. Alors il continue.
- C'était son meilleur ami avant. Le seul ami en qui elle avait réellement confiance. Et moi aussi j'avais confiance en lui. Comme je l'ai dit, je le considérais comme mon second père. On partageait pratiquement tout ensemble. Cependant, quand le mariage de mes parents a commencé à battre de l'aile. Quand mon père a fait l'idiot, qu'il trompait ma mère, qu'il la battait, qu'il l'humiliait, Malone, ce cher Malone n'était pas là. Lorsqu'elle a eu le plus besoin de lui, il est soit disant tombé amoureux, et s'est barré avec sa pétasse à Chicago. Ma mère a souffert toute seule. Elle a tout encaissé toute seule la tromperie de mon père. Elle a encaissé ses coups, elle a encaissé le fameux accident. Elle a aussi encaissé le décès de mon père. Mais tout ça, elle l'a fait seule, sans lui. Puisqu'il vivait la belle vie avec sa pute. Qu'il réapparaisse donc aujourd'hui que tout va mieux pour elle, me dégoute. J'ai été le seul à prendre soin d'elle pendant que lui il se la coulait douce à mille quatre cent kilomètres d'ici. J'ai sacrifié une année de ma vie uniquement pour m'occuper de ma mère. Et bien sur, ça ne me dérange en rien. Si c'était à refaire, je le referai sans remords. Par contre, ce que je n'admets pas, c'est sa comédie. S'il n'a pas pu jouer un simple rôle de meilleur ami en temps voulu, ce n'est pas le rôle d'un amant qu'il pourra jouer. Et je pense que ma mère mérite quelqu'un qui en a dans le pantalon. Quand tout va bien mais aussi et surtout lorsque tout va mal.
