Le tapis de Maman

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Lorsqu'une fille en aime une autre, on pense que c'est de passage. On se rassure que ça ne va pas durer. Qu'elles s'amusent et puis, qu'un jour, elles seront sérieuses et trouveront comme les autres un mari. Et puis elles feront bonne figure et oublieront ces erreurs de jeunesse. 

Mais non, en vérité, elles n'oublieront pas. Elles n'oublieront jamais puisque, ces histoires là, ça ne s'oublie jamais. Ca se garde en tête, ça trotte et ne disparaît jamais. Si elles n'oublient jamais, c'est ce qu'elles font croire à tout le monde. Elles font croire à tout le monde qu'elles avaient oublié être lesbiennes. Donc elles n'en parleront plus jamais. Parce que les bêtises que l'on fait jeunes, on les met sous le tapis. Et sous le tapis la poussière reste. Elle ne bouge pas tant que le tapis n'est pas dérangé. Et personne ne dérange un tapis. Il reste là, à terre et fait bonne figure. On le trouve beau le tapis du salon et on ne se questionne pas plus.

Personne ne dérange le tapis sauf les enfants. Ils s'amusent à soulever de leurs pieds les coins ou les bords. Soulever le tapis, c'est comme demander à maman quelle était sa "grosse bêtise". Maman dit aux enfants de ne pas toucher au tapis, de ne pas le soulever, de le laisser comme il est aujourd'hui, de ne pas l'abîmer. De ne surtout pas l'abîmer, c'est presque une obsession. Maman ne répond pas et le tapis reste comme il est, là où il est. Maman est gardienne du tapis. Gardienne de ses souvenirs, de son passé. Un passé honteux. Honteux pour elle. 

Elle ne veut pas que l'on voit ce que cache le tapis. Et peut-être aussi qu'au fond, personne ne veut savoir. Parce que ce tapis cache tant de poussière qu'il pourrait provoquer une tempête dans la maison. Et la tempête, ça n'amuse que lorsque l'on en est protégé. Jamais lorsqu'on l'a prend en pleine gueule. Et pourtant, Maman l'a fait. Elle a laissé éclaté l'orage. En plein milieu du salon. 

LesbienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant