J'avais 15 ans quand la tempête a éclaté. Je me souviens de tout. Nous étions à table tous les six. Maman, Papa, mes trois petits frères et moi étions autour de la table. C'était Noël. Je n'ai jamais su pourquoi elle a choisi ce moment pour nous dire tout cela. Maman a toujours aimé vivre comme si elle vivait dans un film. Elle avait une vie banale mais aimait vivre les choses intensément. Elle aimait jouer la musique fort, elle aimait rire fort, elle était angoissée au fait de ne pas sortir faire quelque chose le soir, elle voulait toujours voir ses amis et décidait sur des coups de tête de partir en voyage avec Papa, en nous laissant chez les grands-parents.
Maman vivait dans l'instant. Elle vivait intensément. Elle me racontait toutes ses anecdotes, tous ses fou rires, tous ses amours, tous ses amis et tous ses voyages. Elle avait voulu me montrer comment la vie était belle. Elle aimait que l'on passe des moments juste toutes les deux, avec sa fille ainée. Elle voulait à tout prix me transmettre son féminisme. Elle avait pourtant eu quatre enfants. C'était beaucoup quatre enfants.
Nous étions à Noël. Nous faisions Noël parce que tout le monde le faisait, c'est ce qu'elle disait. Mais nous ne croyions en rien, si ce n'est la vie et l'amour, c'est aussi ce qu'elle disait.
Nous mangions beaucoup à Noël. Il y avait de tout. Chacun contribuait à sa façon au repas. Nous étions bien habillés, même si nous étions à la maison, là où l'on avait l'habitude de tous être en pyjama. Le principal était que nous soyons heureux, autour d'une belle table. A notre habitude, nous parlions de tout et de rien, de la famille et des amis, de l'école et du travail, du passé et du futur.
C'était Noël 2017. Une playlist de chants de Noël jouait. Mais nous étions au dessert et cela faisait maintenant plusieurs heures que les même musiques jouaient en boucle. Alors Maman s'est levée et a changé de musique. Ne me quitte pas, Brel. Elle a chanté avec Papa. Nous ne connaissions que très peu les paroles. Et le regard de Maman était particulier. Comme si les mots la touchaient en plein cœur, la transperçait et lui faisait scintiller les yeux. Elle ne regardait pas Papa. Elle regardait le vide. Le vide de la table, du reste de bûche au Nutella. Elle semblait perdue. Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre qu'elle pensait à quelqu'un. Je ne l'avais jamais vue comme ça.
La musique terminée, elle s'est levée et a baissé la musique. Dos à nous, elle a dit : "Je dois vous raconter une histoire". Nous nous sommes tous regardés interloqués, presque inquiets.
Et c'est ainsi, qu'une fois rassise, elle nous a raconté, à nous cinq, la fois où elle avait aimé une autre femme.
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Lesbienne
RomanceMaman avait été lesbienne Non, Maman a toujours été lesbienne On lui avait seulement dit d'oublier Mais ça, en 20 ans, elle n'a jamais réussi Alors c'est ainsi Que tout le passé ressurgit