La nuit commençait à tomber sur ce cinéma perdu au milieu de la campagne, lorsqu'une silhouette à la marche désinvolte et qui laissait transparaître une motivation faiblarde traversa le hall direction la confiserie, pour y venir saluer l'employée qui était déjà présente, et qui allait être sa sympathique compagnie jusqu'à la fermeture du cinéma.
"Coucou Mathieu !" lança Candice dans sa bonne humeur constante.
L'homme d'une trentaine bien tassée esquissa un sourire malgré la soirée qui risquait d'être sans grande surprise, un Lundi de plus finalement pensa-t-il, que pouvait il bien arriver de palpitant dans son quotidien chargé de répétition. Il prit néanmoins son poste avec sérieux. Il faut dire qu'être agent de sécurité ce n'est pas rien. Les nombreuses responsabilités, qu'il assumait, lui incombaient une rigueur mais aussi la bonne tenue du cinéma, un rôle qu'il aimait beaucoup. Il se considérait parfois, souvent, comme une sorte de héros. Pas ceux qui sont en première ligne sous le feu des projecteurs non, mais une sorte de justicier de l'ombre, qui contrôlait tout, avec une longueur d'avance, il aimait à se penser plus intelligent. Une partie de sa mission consistait à contrôler les tickets de cinéma des clients et leur indiquer dans quelle salle se rendre pour apprécier leurs films. Contrôler les tickets lui faisait croire qu'il pouvait tout contrôler, chaque situation, chaque personne, chaque relation. Au final, Mathieu ce n'était juste qu'un bon gars pas trop con qui faisait bien son travail. Là-dessus il n'y avait effectivement pas de souci à se faire, toujours très agréable avec la clientèle, ce qui était quand même essentiel dans ce genre de boulot. Il avait une certaine spontanéité accrocheuse, une facilité légère pour s'adresser aux spectateurs, quand bien même il savait avec qui le faire. Mathieu avait la conversation facile s'il le souhaitait. Heureusement, et comme souvent le lundi soir, ce ne fut pas foule dans le cinéma, ce qui lui laissait le temps de parler posément quand il en avait l'occasion avec les clients tout aussi sociales, et pourquoi pas, il faut se l'avouer, observer, ou même reluquer la gente féminine. C'était aussi ça Mathieu, quelqu'un qui ne s'empêchait pas de se soucier des formes de certaines personnes. Était-ce si grave ? pour lui, il ne faisait que regarder finalement, il n'y avait pas de problème, les personnes étaient là, lui également, alors pourquoi se le refuser ? il ne pensait pas à mal, il pensait juste à tous ces culs. Mais jamais il n'aurait imaginé aller plus loin, il dévisageait juste, comme tout le monde pensait-il, et puis même, il travaille, ce n'est pas à l'ordre du jour. Puis pourquoi faire, Mat' s'est déjà rangé, il a sa merveilleuse petite femme, ses féériques enfants, et son gros chien adoré. Une situation de rêve effectivement, il ne se plaignait pas, quoiqu'avoir des horaires décalés, travailler de nuit ou rentrer très tard, on eut raison d'un certain rythme à deux important pour maintenir une complicité, un problème qu'il ne connaissait pas quand il travaillait en restauration. Maintenant, personne ou alors très rarement quelqu'un l'attend le soir à la maison, il n'y a que son gros chien, Thor, qu'il l'accueille heureux comme si c'était la première fois, une fougue aventureuse, qui rendrait le plus aigri des hommes heureux, un contraste dur lorsqu'il va se coucher à côté le corps endormi de sa femme. Pourtant se plaint-il vraiment de cette situation, Mathieu est perdu dans la tourmente que représente ses pensées quand soudain le téléphone se met à sonner. Il revient enfin sur terre. Cela fait fuir la torture de ses pensées dont il n'en croit rien, enfin...
"c'est bon toutes les salles sont propres, tu peux les ouvrir Mat'" indiqua Candice au téléphone comme il se doit, ce à quoi Mathieu lui remercia en faisant comme à son habitude tout un cinéma, c'était surement le lieu qui l'inspirait...
La nuit était déjà bien tombée quand cette future spectatrice entra dans le hall du cinéma. Doucement elle se dirigea vers la confiserie qui, à cette heure tardive faisait également office de caisse, comme indiqué sur de nombreux affichage malgré beaucoup de remarques de la part des clients.
"Bonsoir, j'aimerai une place pour aller voir Tirailleur, s'il vous plait ! J'ai oublié ma carte, est-ce possible de me retrouver ?" demanda-t-elle d'une petite voix douce et discrète. Candice confirma avant de demander son nom.
"Sandra".
Alors qu'elle tapotait sur son écran la superbe employée du cinéma senti quelqu'un arriver derrière elle : "tu pourras remonter faire ton versement Candice, on fera ça rapidement", "ça marche Alex je finie et j'arrive !".
Se retournant vers sa cliente, cette dernière lui demanda également un café allongé avec du sucre, ce que s'empressa de faire Candice avant de remonter vers les bureaux de la direction, laissant ainsi Sandra seule dans le hall du cinéma, avec deux, trois, autres clients. Il faut dire qu'il n'y avait vraiment pas beaucoup de monde dans les salles comme tous les lundis soirs, souvent de jeunes couples venaient flâner, des célibataires venant combler le temps libre s'écoulant implacablement pour s'oublier dans les méandres de la fiction, puis Sandra. Toujours au rendez-vous le lundi soir, mais pas que, car même si elle profite de la splendide offre Happy Réduit du lundi qui lui donne l'avantage d'une place à moindre cout, Sandra est avant tout une afficionados de cinoche qui passe le plus clair de son temps libre au cinéma. C'est son péché mignon. Elle va voir absolument tous les films qui sortent toutes les semaines, parfois en compagnie de sa mère, avec qui elle aime partager cette passion, et lui permet de passer du temps avec elle, sa confidente, un lien social important pour elle. En effet, Sandra a beaucoup de mal à s'ouvrir aux autres, à se créer des liens, ce n'est pas son point fort, elle ne sait pas y faire. Ce n'est pas faute d'avoir essayé par son passé, mais ce n'est pas en elle, elle n'y arrive pas. C'est pourquoi arrivé à la trentaine elle se couche toujours seule dans son lit presque tous les soirs, laissant un sentiment de solitude s'installé dans son appartement qu'elle partage avec son seul compagnon, son petit chat nommé Loki car c'est un être vicieusement malin.
Après avoir bu son café, elle attendit que la salle s'ouvre pour enfin s'avancer vers le contrôleur. C'est encore cet homme souriant, ce n'est pas la première fois qu'elle le voit, à force de venir elle commence à reconnaître les visages des personnes travaillant ici, sans même oser en montrer le moindre signe.
"Bonsoir, ça sera la salle 8 sur votre droite, vous connaissez j'image" dit-il en riant chaleureusement.
Sandra ne sut pas comment réagir à part un simple merci avec un petit sourire qui se fit discret. Alors lui aussi l'avait reconnue se dit-elle, comment une personne qui doit surement voir des centaines de personnes en une soirée, plusieurs fois par semaines pouvait bien se rappeler de son visage. Elle qui était si quelconque, qui n'a jamais été l'élément principal même de sa propre vie, aussi banale soit-elle. Cette information la troubla et ce pendant tout le film.
Quand ce dernier prit fin, elle quitta la salle et se retrouva une nouvelle fois dans le hall du cinéma, mais cette fois celui-ci était plongé dans le noir, tout était fermé et prêt à être clôturé. Alors qu'elle s'apprêtait à sortir du cinéma, elle croisa Mathieu une dernière fois, lequel lui souhaita une bonne soirée avec un charmant sourire dont Sandra répondit également avant de baisser la tête gênée naturellement par ce qu'il venait de se passer, elle traversa le hall quand soudain elle entendit la voix de cet homme résonner une dernière fois :
"Prenez la porte de droite madame, celle tout à droite, les autres sont fermées, merci, voilà, oui, celle-là, merci beaucoup".
Sandra effectua attentivement les recommandations de Mathieu puis quitta définitivement le cinéma. Pour ce soir ce dit-elle, car maintenant elle se devait de revenir, rien que pour voir l'agent de sécurité lui sourire, et peut-être, qui sait, lui parler.
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Je t'aime... moi non plus
FanfictionQuand deux personnes commencent à se fréquenter, alors que lui est employé du cinéma et elle une simple cliente qui vient régulièrement (plusieurs fois par semaine quand même c'est pas rien hein), cela va créer une belle histoire d'amour digne des p...