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Mica Tobez-Polilla
— avril 2023


      Je sursautais si fort que c'était comme si mon cœur me lâchait pour s'arracher d'un coup de ma poitrine et s'envoler pour toujours

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Je sursautais si fort que c'était comme si mon cœur me lâchait pour s'arracher d'un coup de ma poitrine et s'envoler pour toujours. La porte s'était ouverte d'un coup, juste devant moi, même pas si brusquement que ça. J'avais juste été trop longtemps le regard coincé sur le bois peint dans me douter que malgré tout ça, mon arrivée n'était pas passée inaperçue aux yeux de tous.


— Deux putains de semaines que j'attend que tu viennes me voir, et quand tu arrives tu ne rentres même pas, il ronchonnait de sa petite voix enfantine.


— Qui est-ce qui t'apprend à parler comme ça ? j'arquais un sourcil en m'approchant de lui.


— Oscar, mon médecin. Il dit que je peux faire ce que je veux, personne me le reprochera.


Mon cœur se pinçait à l'entente de ces mots. Il n'était pas dupe, mon petit frère. Il savait très bien pourquoi tout le monde était si magnanime, doux avec lui. Nous pouvions tous jouer aux aveugles lorsque le sujet revenait à la surface, lui, il savait presque mieux que nous que tout ça ne durerait pas. Mes yeux jusqu'ici plantés dans les siens ne pouvaient se résoudre à maintenir le lien ainsi presque honteusement je le brisais, trouvant soudainement le miroir à ma droite plus intéressant que la pétillante lueur qui aujourd'hui survivait dans son regard. Mais le reflet me trahissait, n'offrant à mes pupilles fuyantes que la vision d'une tête dépourvue de ses cheveux mais aussi de sa peau pâle, que j'allais bientôt pouvoir confondre avec le mur blanc vide derrière lui.
Tout ce que j'avais envie de confondre, c'était moi, en excuses, car je mourrai d'envie à chaque instant d'oublier tous ces moments passés à l'esquiver lui et la réalité de ses troubles. Mais lorsque mon âme dans son entièreté souhaitait faire ça, mon corps, lui n'en était juste pas capable. Alors je détournais le regard. Une fois de plus.
J'esquivais ce que lui essuyait.


— Il est tard, t'as fini tes devoirs ?


— Je vais plus à l'école. mes yeux se fermaient très fort et je grimaçais, dos à lui, stoppée dans mon élan.

Une entaille de plus dans mon cœur déjà bien éraflé en ce moment.


— Tu le saurais si tu venais plus souvent, Mimi, j'entendais une voix dans mon dos et me retournais d'un coup.


Ma mère m'avait toujours fait bon nombre de reproches, mais là, celle-ci était particulièrement légitime. J'esquivais la maison de mon enfance comme le diable en personne, tant y rentrer pour sentir le froid introduit par la maladie me faisait du mal. Moi qui avait toujours été marquée par la chaleur du lieu, sa vivacité depuis toute petite, j'avais du mal à encaisser l'atmosphère sombre que chaque pièce renfermait. La maison libérait les mêmes ondes qu'un vieux manoir marqué par des crimes de guerre ou des suicides à répétition, ou en bref, tout ce qui pouvait arriver de pire et de plus funeste.
Tout était morbide ici, partout où j'allais. Même si mon frère n'y était pas, tout nous ramenait au sort qui s'était abattu sur lui. N'importe quelle boîte de médicament, quelle ordonnance, quel papier lié à je-ne-savais quel rendez-vous. La maison transpirait la maladie et j'arrivais pas à masquer les traces que ça laissait dans mon cœur.
J'étais là, mais j'étais pas là. Physiquement j'avais cessé de fuir mais je refusais d'un peu trop m'impliquer émotionnellement. Je vivais ce passage comme un rêve, un rêve même pas lucide puisque tout m'échappait.
Un cauchemar, alors.

romantic homicide - gaviOù les histoires vivent. Découvrez maintenant