One-Shot

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Hello Raphaël !

Je ne sais pas par où commencer cette lettre. Je suppose que je devrais m'inspirer de notre rencontre. Quand je suis arrivée dans ce lycée, j'étais une jeune professeure de littérature un peu intimidée par la tâche qui m'attendait. C'était la première fois que j'allais enseigner officiellement à des lycées alors le traque m'avait submergé. Vous étiez le professeur de philosophie, arrogant d'après ce que j'avais pu constater, mais avec toujours le sourire dans n'importe quelle situation, et qui semblait indifférent à tout ce qui se passait autour de vous. Jamais je n'avais vu un professeur avec autant patience, ce qui m'avait énormément surpris. Mais petit à petit, nous avons appris à nous connaître et à travailler ensemble. Nous étions tous les deux en charge des terminales de spécialité HLP.

Je me souviens de la première fois où nous avons parlé de nos matières respectives. Vous m'avez expliqué comment la philosophie était l'étude de la vie, de la mort et de tout ce qui se trouvait entre les deux. J'ai été fascinée par votre passion pour votre matière, votre détermination à faire comprendre à vos élèves que la philosophie est plus qu'une simple réflexion théorique, c'est une façon de voir le monde. Comme vous leur disiez "Tout est philosophique".

Je me souviens aussi de la première fois où nous avons été pris sous une pluie torrentielle en sortant de notre réunion de professeurs. Vous étiez parti comme à l'habitude sur votre vélo à vive allure en refusant mon offre de vous ramener en voiture. Et deux jours après, j'ai appris que vous étiez tombé malade. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire en vous imaginant malade comme un chien, bien confortablement installé sur votre canapé devant Netflix sur votre pc et en mangeant des sucreries. Le Karma est venu à votre rencontre.

La sortie au cinéma est un souvenir plus récent, mais tout aussi précieux. Nous sommes allés voir un film d'amour, bien évidemment en lien avec le programme des classes de terminale. Je n'étais pas vraiment intéressée, mais j'avais accepté de venir avec vous puisque j'étais une des seules personnes à vous adresser la parole au lycée. Vous aviez acheté un grand seau de pop-corn à partager, chose qu'aucun des professeurs n'aurait fait à part vous. Nous avons passé un bon moment à discuter en mangeant avant le début du film. Vous avez même réussi à me faire rire avec vos commentaires sarcastiques pendant la bande-annonce. C'est à cet instant que je m'étais aperçue bien plus tard que les autres professeurs que vous n'étiez vraiment pas comme eux et c'est ce qui fait votre charme. Vous êtes un professeur authentique, je peux vous l'assurer.

Puis, le film a commencé, et je me suis concentrée pour suivre l'intrigue qui, en y repensant, était inexistante. Mais à un moment donné, j'avais senti votre tête se tourner dans ma direction, et j'avais compris de suite que vous vous étiez endormi. J'aurais voulu rire, mais j'avais réalisé que je ne pouvais pas, parce que j'étais contente que vous soyez si à l'aise avec moi pour vous endormir à côté de moi. Cependant, ce qui avait suivi n'était en aucun cas ce que j'avais souhaité. Un petit ronflement était sorti de votre bouche et tellement que ma patience avait perdu ses limites, j'avais posé doucement ma main sur votre joue et l'avait tourné de façon à ce que vous puissiez ronfler sur l'élève assis à côté de vous. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire en repensant à cette scène. Vous aviez l'air si endormi qu'il n'avait pas osé vous réveiller pour que vous arrêtiez de ronfler près de lui.

Je dois avouer que j'ai été surprise de découvrir que vous étiez narcissique. Je ne m'y attendais pas du tout ! Mais vous savez quoi ? Ça m'a bien fait rire ! C'est comme si j'avais découvert une facette cachée de votre personnalité. Je suppose que personne n'est parfait et que nous avons tous nos petits défauts. Mais ne vous inquiétez pas, ça ne change pas la façon dont je vous vois en tant que professeur, et je suis sûr que les élèves vous apprécient toujours autant, même s'ils découvraient cette facette de votre personnalité mise en évidence.

Maintenant, je dois partir. Je suis désolée de devoir vous quitter. J'ai obtenu un poste dans un lycée en bas de la France, et je dois partir dans quelques jours. Je sais que nous n'avons jamais eu de relation, mais j'ai ressenti quelque chose pour vous pendant longtemps en cette année scolaire riche en rebondissements. Je suis triste que nous n'ayons jamais eu la chance d'explorer cette possibilité, mais vous avez déjà une femme et un enfant. Et je suppose que cela n'a pas d'importance maintenant.

Je voulais vous dire que vous êtes un excellent professeur, et que j'ai appris beaucoup de vous. Vous m'avez appris à être plus ouverte d'esprit, à considérer différents points de vue, et à ne pas avoir peur d'exprimer mes avis même s'ils allaient à l'encontre de nos collègues. Je vous remercie pour cela.

Je n'arrive pas à me résoudre à l'idée de ne plus vous voir régulièrement, de ne plus discuter avec vous, de ne plus entendre votre voix grave et rassurante qui me réconfortait quand j'en avais besoin même si c'était un peu maladroit de votre part, de ne plus vous voir faire votre marathon avant d'aller faire cours et de ne plus voir votre merveilleux sourire. Mais je sais que c'est inévitable, que je dois avancer dans ma carrière, que je dois laisser cette période de ma vie derrière moi pour en commencer une nouvelle.

Je ne vous oublierai jamais, Raphaël. Vous avez été bien plus qu'un collègue pour moi. Vous avez été un ami précieux. Vous m'avez aidé à grandir en tant que professeur, en tant que personne, vous m'avez encouragé à être forte et à ne jamais abandonner. Vous avez été là pour moi quand j'avais besoin de vous, même sans le savoir. Vous avez été un pilier dans ma vie durant l'année et je ne pourrai jamais vous remercier assez pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Je suis si triste de devoir vous quitter. Vous êtes un ami, un mentor, je ne peux pas vous dire précisément ce que vous êtes pour moi, c'est quelque chose d'indéchiffrable. Mais en tout cas, je peux vous assurer que vous êtes une personne que je chérie beaucoup. J'ai toujours ressenti une attirance inexplicable envers vous, comme si nous étions destinés à être ensemble. Mais le destin en a décidé autrement. Je sais que vous allez continuer à inspirer vos élèves avec vos leçons de philosophie et que vous serez toujours un professeur atypique. Vous allez continuer à avoir un impact sur leurs vies, comme vous en avez eu un sur la mienne. Et même si je suis loin, je continuerai à penser à vous, à votre sagesse, à votre force et à votre gentillesse.

Je vous souhaite tout le bonheur du monde, Raphaël. Je sais que vous le méritez. Et même si nous ne nous reverrons peut-être jamais je garderai l'espoir d'un jour vous revoir. Vous serez toujours dans mon cœur et dans mes pensées. Vous allez beaucoup me manquer. Et n'oubliez pas une chose, gardez votre sourire, car il vaut tout l'or du monde.

D'Eloïse Suárez.

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