Rosa Negra { Tome 1 }

01|The Sound of silence

« Lorsque ton passé t'appelle ne répond pas, il n'a rien de nouveau à te dire.»

JUNE

Je finis d'appliquer mon rouge à lèvres bordeaux et de remettre correctement mes cuissardes noires à talons. Je pose mes mains de part et d'autre du lavabo et lève la tête. Je croise mon regard dans le miroir et j'ai l'impression de ne plus me reconnaître. Je ressemble à une dépravée.

Comme tous les soirs...

Je me redresse, droite et je souffle en continuant de me regarder. Ma robe en cuir me colle à la peau réduisant ma capacité à respirer et pourtant cela ne m'empêche pas de la remettre tous les soirs, et ce, depuis 2 ans.

― Allez, plus que quelques heures, tu peux le faire June.

Mes murmures d'encouragement n'ont pas l'air de fonctionner mais j'essaye de m'en convaincre tout de même. Je passe, pour la énième fois, mes mains sur ma tenue avant de repartir en salle. Je longe le couloir avant de passer la porte du carré V.I.P sans aucune envie.

Je récupère mon plateau que j'ai laissé sur l'une des tables vides avant de prendre la direction du bar. J'en profite pour récupérer quelques verres vides laissés sur certaines tables et de prendre quelques commandes tout en me dépêchant. Malgré la fatigue et la douleur présente dans mes jambes, je continue mon chemin.

Je perçois certains regards de clients insistants sur ma personne mais je n'y fait pas attention. Ce ne sont que des mafieux avec du sang sur les mains qui viennent baiser des filles pour leur plaisir et les souiller. Ils empestent l'alcool, la drogue et la cigarette la plupart du temps. Je me demande même s' ils prennent leur douche.

Quand je traverse la piste, illuminée par des faisceaux lumineux au plafond, les premières notes de Favorite de Isabel LaRosa résonnent. Je chante les paroles tout en slalomant entre les prostituées. Je ne peux m'empêcher de penser que si je ne devais pas servir des criminels, je me déhancherais sur la piste. J'aurais dragué un mec bourré sans aucune importance et aurais couché avec lui avant de partir à l'aube le laissant seul.

Ça me manque...

J'arrive au bar et j'interpelle Aaron, un des barmans. Ce dernier arrive en me souriant avant de récupérer mon plateau. Je lui énumère les commandes que j'ai prises et il me sourit. Aaron se met immédiatement au boulot alors que je me tourne vers la salle en posant mes coudes sur le comptoir.

Je souffre d'épuisement à cause de la foule et de la musique, j'ai hâte de retrouver mon lit. Mon mal de jambes persiste ce qui me contraint de m'asseoir sur l'un des tabourets du bar. Je croise les jambes posant mes mains sur mes cuisses.

Mes yeux parcourent les alentours sans but, je vois quelques filles sur la piste, collées entre elles ou en train de se frotter un homme qui, lui-même, doit se lécher les babines. D'autres sont réquisitionnées par des hommes pour leur plaisir personnel. Et d'autres, encore, sont au bar en train de faire des concours de shots entourées de plusieurs hommes qui n'attendent qu'une seule et unique chose : qu'elles soient soûles.

Je voudrais les rejoindre, pour m'amuser et oublier mes galères, mais le règlement stipule que pendant le service nous ne devons pas boire. On risque notre job si l'on enfreint l'une de ces règles.

Une main me sort de ma rêverie. Je pivote et vois Aaron poser les commandes devant moi en me souriant. Je me retourne pour prendre le plateau que je place en équilibre sur ma paume gauche. Alors que j'allais repartir, il se penche sur le comptoir et m'incite à faire de même.