Douceur Harmonieuse

Et c'est en partant que de plus en plus de questions sont nées au creux de mon être, mais que serait une vie sans contrainte, sans malheur, sans complication ? Que vaudrait-elle si tout était simple ?

Hélène avait vingt ans, avait arrêté les cours depuis plus de deux ans à cause d'une dépression. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait faire, ce à quoi elle aspirait. Des questions, elle en avait des milliers pourtant, personne à qui les poser. Elle n'avait jamais vraiment été entourée, c'est ce qui lui faisait le plus de mal. Les gens faisaient sans cesse des va-et-vient dans sa vie. La jeune Hélène s'était alors remise en question des centaines de fois, avait cherché à comprendre ce qui pouvait ne pas aller en elle, ce pourquoi personne ne restait à ses côtés.

La solitude, elle la connaissait, elle avait broyé du noir si longtemps que ça en était devenue sa couleur préférée. Cependant, au fil du temps, elle en avait marre. Vivre dans l'angoisse ainsi que dans la douleur n'agrandissait que le désespoir de son être alors qu'au fond, la jeune femme aimait les arcs-en-ciel, la poésie, les rires, tout comme les idées farfelues. Elle avait toujours été impulsive, à agir avec son cœur plutôt qu'avec sa tête, pour au final le regretter parfois. Comme ce jour où après être allée chez le coiffeur, elle s'était rendue à son ancien lycée pour retrouver ces personnes qu'elle avait tant aimé en terminale et qu'on lui avait rappelé que les visites à l'improviste n'étaient pas toujours le bienvenu. Mais au fond, pouvait-on réellement reprocher à quelqu'un d'agir avec son cœur ?

Hélène était admirative, elle avait rencontré une fois Eden, dans ce même lycée, grâce à une amie en commun. Leurs différences avaient créé un lien particulier dans son cœur. Eden, c'était un être positif qui aspirait aux changements, à la bienveillance. La jeune femme ne comprenait pas réellement l'amour qu'elle lui portait. Pour elle, il était un peu comme son âme-sœur, d'une manière amicale, destiné à se rencontrer et à s'apprécier malgré les obstacles. Le jeune homme, du haut de ses dix-huit ans l'époustouflait.

C'était un passionné de musique, il rêvait de pouvoir un jour en faire son métier. Hélène n'avait jamais eu l'occasion, la possibilité de l'écouter, mais elle savait que ça ne pouvait qu'être bon. Un artiste faisait toujours de son mieux pour s'améliorer, elle était certaine qu'il faisait partie de ces gens qui n'étaient jamais satisfait, trop exigeant envers eux-mêmes. Lorsque Eden sera prêt à transmettre son art, il fera jaillir des millions d'étoiles de ses yeux brillants. Hélène n'avait malheureusement pas pu le voir durant ces six derniers mois, il lui manquait beaucoup. Le garçon avait en effet pris la décision de partir au Canada afin de découvrir un nouveau pays, un nouvel environnement, d'agrandir ses connaissances sur le monde et les gens qui l'entouraient. Il lui avait envoyé quelques photos pour lui partager le joli paysage qui s'offrait à lui. Hélène était fière, elle le voyait grandir, croire en lui et oser faire ce dont il voulait.

Hélène avait revu Eden un soir d'été. Avec le chant des oiseaux, le bruit des grillons, ça avait presque eu une allure de contes de fées. Quand elle l'a vue, elle n'a pas pu s'empêcher de le serrer dans ses bras. Cela faisait si longtemps. Et en plus de la distance, Eden, n'était pas de ceux qui répondaient rapidement. Hélène pouvait passer des jours sans avoir de ces nouvelles. Au début, ça l'inquiétait. Elle avait l'impression qu'il n'était comme ça qu'avec elle, qu'il ne l'aimait pas vraiment. Eden, ça a été l'une des premières personnes avec qui elle a accepté de ne plus tout remettre en question. Il était comme ça, un point c'est tout. Elle ne pouvait pas le changer.

De plus, l'année précédente, il l'invitait souvent, lui prouvait qu'elle avait sa place même lorsqu'elle ne semblait pas y être. Il avait été un réel réconfort dans les moments les plus difficiles de sa vie, surtout au début de sa dépression. Ensemble, ils ont beaucoup discuté de son voyage, de musique, de la vie. Ils ont ri aussi. Hélène, ça lui avait fait du bien. C'était ce genre de moment qu'il lui fallait, qu'elle aimait le plus. Cela revigorait son esprit, son corps et son âme. Eden, avait ce pouvoir magique sans s'en rendre compte. La jeune femme revivait à ses côtés par sa simplicité d'être, plus aucun doute ne venait frôler son esprit. Son monde retrouvait la lumière, les couleurs qu'il lui manquait à la tombée de la nuit.

Les deux jeunes adultes ont observé les étoiles, elles brillaient d'une telle intensité qu'on pouvait presque toutes les remarquer. Il faisait doux, le vent chaud caressait leur deux corps. Eden expliqua ensuite à Hélène qu'il était en train de composer, c'était la première fois qu'il plongeait dans l'inconnu total pour écrire sa propre musique. Il lui parla de son processus créatif, de la façon dont il cherchait à exprimer ses émotions, ses expériences à travers la musique. Il voulait que ça soit parfait. Hélène, quant à elle, ne pouvait que faire de son mieux en l'encourageant et le soutenant. Ils s'aidaient mutuellement, c'était la plus belle chose qu'ils pouvaient s'offrir.

Peu de temps plus tard, Eden l'invita chez lui. Il ne lui donna aucune explication, c'était une surprise. Hélène adorait ça, alors elle était tout excitée de découvrir, de savoir ce que cela pouvait bien être. Au début, ils échangèrent quelques banalités puis Hélène lui parla de ces projets, de ses rêves, de ses ambitions. Elle écrivait et pratiquait la photographie depuis plusieurs années. C'étaient des passe-temps qui lui permettaient d'extérioriser ses émotions, de se souvenir de ce qu'elle trouvait profondément beau. Elle s'attachait tout particulièrement aux portraits humains, à ce qu'ils pouvaient dégager. Elle ne savait pas si elle devait y croire, si elle devait y consacrer davantage de temps afin de voir si ça lui plaisait réellement, si ça pouvait éventuellement marcher auprès du public... Elle doutait d'elle encore une fois.

Ce fut à cet instant qu'Eden se leva, demandant à Hélène de fermer les yeux. Le silence commença à s'infiltrer dans la pièce, le cerveau d'Hélène se posa tout un tas de questions avant d'être finalement coupée par une note de musique, puis une deuxième et ainsi de suite. C'était doux, surprenant, perturbant. Hélène ne sachant que faire, que dire, ne put que se taire, se laissant porter par les réactions de son corps dont le poil se hérissait déjà. Elle était émue. Les doigts d'Eden virevoltaient sur le piano avec une telle aisance qu'on aurait dit qu'il avait fait ça toute sa vie. Son jeu était puissant d'émotions, chaque note, chaque accord, chaque pause. Tout était calculé, si fluide. Quand il jouait, il n'était plus simplement un musicien, il devenait la musique elle-même. Hélène était captivée, même avec ses yeux clos, des millions d'étoiles jaillissaient, de la même manière qu'elle avait pu l'imaginer.

Ce fut à cet instant qu'elle la sentit. La métamorphose s'opéra. Eden s'installait dans son cerveau, prenait place pour balayer toutes les idées reçues qu'elle transportait depuis des années. Hélène était suffisante, peu importe comment les personnes pouvaient la traiter, peu importe s'ils pouvaient partir, le problème ne venait pas d'elle. Même avec tous les efforts du monde, la bonne volonté qu'elle voulait transmettre, le comportement des autres ne répondaient pas à sa propre volonté. Ils étaient libres, tout comme elle de choisir. Il fallait qu'elle accepte, qu'elle lâche prise pour s'en rendre compte. Eden l'avait aidé, il avait transformé l'obscurité en lumière, le noir en arc-en-ciel. C'est à son tour qu'Hélène prit la décision de plonger dans l'inconnu, d'oser partager ses portraits, ses écrits révélant aux grand public ses talents cachés. Et Hélène put enfin s'apercevoir à quel point le monde, accompagné des personnes qu'il comportait pouvaient être beaux.

À mes craintes.