Je regagne l'hôtel complètement abasourdi.
De retour dans ma chambre, je verrouille la porte derrière moi et m'assoit sur le bord de mon lit. J'observe le numéro inscrit sur ma main, mon esprit est troublé par la rencontre avec Devon. Quelque chose dans son regard me rappelle un fragment de mon passé, un souvenir enfoui que je n'arrive pas à saisir.
Je me frotte le visage avec les mains, épuisée, je regarde la petite photo accrochée au mur : de ma mère et moi, riant ensemble lors d'une journée à la plage.
"Maman, si seulement tu étais là pour me guider."
Soudain, la douleur dans mon genou me rappelle l'incident. Je lève et me dirige vers la salle d'eau pour nettoyer la plaie. Dans le miroir, le regard que je croise est celui d'une femme différente : une femme blessée, certes, mais toujours debout. Mes pensées se dirigent de nouveau vers lui.
— Mais quel con!
Il ne s'est pas excusé. Son air arrogant m'agace. C'est lui qui était au volant. Il aurait dû regarder où il allait.
Je me déshabille. En baissant mon jogging, je remarque que j'ai un hématome sur la cuisse gauche et ressens une douleur au côté droit. Ouch! Je me suis fait plus mal que je ne le pensais. Je continue à enlever mes sous-vêtements. Je laisse l'eau chauffer deux secondes et entre sous le jet d'eau. Et entre dans la douche. Lorsque l'eau chaude coule sur mon corps, un soupir s'échappe de ma bouche, mélange de soulagement et de fatigue. J'accueille l'enveloppe de la chaleur de l'eau pour soulager mes douleurs. Je mouille mes cheveux. La chaleur atténue légèrement la douleur dans son côté droit, mais l'hématome sur ma cuisse reste sensible au toucher.
"Quelle journée... et il est à peine 9 heures".
Alors que je ferme les yeux, des flashs de l'accident me reviennent : le bruit sourd de l'impact, la chute brutale, puis ce regard vert pénétrant.
"Plutôt mignon, c'est vrai, mais quel con arrogant".
Je reste un instant immobile, laissant l'eau emporter mes pensées, avant de sortir de la douche.
En roulant la serviette autour de mes cheveux, je me regarde de nouveau dans le miroir. Malgré la fatigue et les traces de l'accident, je tente de sourire à mon reflet, mais c'est une expression fugace. Je sèche mes cheveux. Prends mon uniforme et l'en file. Je fais un chignon. C'est la seule coiffure autorisée au travail.
Je regarde l'heure. Il est presque 9h. Je compose le numéro de ma meilleure amie. Dona. On a pris l'habitude de s'appeler tout les matins avant le boulot et le soir en rentrant quand on ne se voit pas. Lorsque je compose le numéro de Dona, je sait déjà que mon amie va réagir avec une intensité typique. Elle décroche au bout de trois sonneries.
— Bonjour marmotte, lui dis-je.
— Humm, bonjour. Il est quelle heure?
— Il est 9h.
— Oh non, j'aimerais pouvoir dormir encore. Je suis épuisée. Littéralement.
— Je te comprend. Mais avec un bon café ça ira.
— Dure quand même. Comment tu vas toi?
— Ça va. Mise à part que je me suis faite renverser par une voiture tout à l'heure.
Je l'entends se redresser sur son lit. Et son geste me fait rire malgré moi.
— Quoi?? Tu vas bien?, me demande inquiète ma meilleure amie.
— Oui ne t'en fais pas. J'ai juste deux hématomes mais rien de cassé.
— Comment s'est arrivé?
— Je traversais pour rejoindre l'hôtel et une voiture m'a percuté sans me voir, j'imagine.
— Tu es sûre que tu vas bien ? insiste Dona.
— Oui, je te promets. En plus, c'était plus mon ego qui était blessé que mon corps sur le moment.
Dona pousse un soupir d'exaspération, mais un rire fini par s'échapper.
— Et alors, ce chauffeur ? Il était comment ?
— Un connard. Mais un connard élégant, si ça existe.
Dona éclate de rire.
— Il a un nom, ce 'connard élégant' ?
— Devon. Il m'a laissé son numéro, mais uniquement parce qu'il devait se sentir coupable.
Mon ton léger masque mal l'inconfort que je ressent en repensant à notre échange.
— Et tu comptes le rappeler ? demande Dona.
— Non, je vais juste lui envoyer un message. Pas question qu'il pense que je vais l'embêter pour quoi que ce soit.
— Comme tu veux. Mais avoue que ce genre de rencontre, ça n'arrive pas tous les jours. Qui sait, peut-être que cet 'accident' n'en était pas vraiment un.
La remarque me fait froncer les sourcils.
— Arrête avec ça, Dona. Pas de clairvoyance sur ma vie, d'accord ?
Dona rit doucement, habituée de mes réticences sur le sujet.
— D'accord, mais si jamais il revient dans ta vie, tu me diras merci.
— C'est un gros con.
— Je suis désolée ma puce. Je suis contente que tu n'ai rien. Tu m'appelles si tu as quoique ce soit.
— Oui ne t'en fais pas.
— C'est charmant de sa part quand même de te donner son numéro .
— Ce n'est pas charmant Dona. C'est juste poli après ce qu'il a fait. C'est de sa faute. Il aurait dû regarder devant lui. En plus, il ne s'est même pas excusé.
Ma meilleure rit.
— Je te laisse, dis-je. Je dois prendre mon service.
— D'accord. Appelle moi si besoin, me dit-elle. Je t'aime.
— Je t'aime.
Je mets fin à l'appel.
Ma meilleure amie est la seule personne en qui j'ai confiance. J'ai vu trop de monde au tour de moi se faire avoir. On se connait depuis la maternelle. Sa maison était à côté de la mienne. Mais elle a du déménager au cours de la primaire. Cependant, à chaque vacances on se retrouvait. On s'appelait tout les jours. Elle est vraiment particulière. Peu de gens peuvent dire que leur meilleure amie est... Medium. J'en rigole encore du jour où elle m'a confié ses capacités. Je n'en revenais pas et pensais que c'était fou. Mais, au fil du temps, j'ai compris ses capacités. En plus d'être médium, elle a aussi des dons de clairvoyance et je n'ai jamais voulu de consultation. Vivre avec ce stress de connaître l'avenir et d'adapter sa vie selon les prédictions ne m'intéresse pas. L'idée de consulter ou d'entendre parler de son propre avenir la met toujours mal à l'aise.
"Je préfère affronter la vie sans savoir ce qui m'attend. Maman aurait dit que c'est ça, le vrai courage."
Je m'apprête à aller prendre mon service. En prenant la clé. Je vois le numéro de Devon sur la table de chevet. Je l'avais marqué avant de prendre ma douche. J'hésite un instant.
"Il va sûrement penser que je cherche à prolonger cette histoire".
Mais finalement, je me décide et compose un message rapide, entraînant toute ironie. Je lui envoie un message.
"Je vais bien. Merci pour vos excuses! Tana"
J'appuie sur envoyer et repose le téléphone. Pendant une seconde, je reste là, le regard fixé sur l'écran vide, avant de soupirer.
"Qu'est-ce que je fais ?" , agacée par l'agitation intérieure que cet homme a provoquée.
Je récupère mes clés et me dirige vers mon poste, prête à enfiler mon rôle professionnel et à laisser l'incident derrière moi... ou du moins essayer.

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La Voyageuse Astrale
Roman d'amourTana a tout perdu à la mort de sa mère. Sa maison, son héritage, son argent. Elle a dû trouver un petit boulot pour survivre. Elle est femme de chambre dans un hôtel de luxe. Elle se noie dans son travail pour oublier son passé douloureux. Sa vie...