•Léthé•

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Tous les jours, à l'aube, la nouvelle place se réveillait et avec elle, la bonne humeur du marché. En général, c'était là bas que l'on se retrouvait mes amis et moi.

Cachés dans la pénombre de la mairie, nous attendions que le dernier d'entre nous n'arrive. Puis une fois tous réunis, nous nous lancions dans uns mission sans pitié : " Trouver les pommes ". Cela consistait à se faufiler entre les regards haineux de la foule qui, malheureusement, ne nous connaissait que trop bien, pour aller trouver Monsieur Bernard, le marchand de fruits et légumes. Une fois fait, sans plus attendre, tel les bandits du Far West que nous étions, nous nous empressions de nous servir dans l'étalage, une pomme chacun puis de courir le plus vite possible entre les passants pour rejoindre les rues sombres de la capitale afin d'y manger notre or.

La plupart du temps, après nous être rapidement rassasiés, nous nous rendions à la vieille place. L'une des nombreuses ravagées par la guerre, remplie de débris, de déchets, de boue et de troncs d'arbres jonchant les ruines. C'est là, dans cette décharge à ciel ouvert que se trouvait notre terrain d'entraînement comme le disait Abel. Car c'est dans cet endroit que, la plupart du temps, nous apprenions à devenir de vrais explorateurs à la recherche d'aventures. Installés dans une carcasse de voiture, elle aussi saccagé par les Hommes, nous attelions nos chevaux et partions à l'aventure. Nous ne faisions que crier de joie à chaque pépite d'or trouvée, le soleil se reflétait sur chacun des bouts de métal de la plaine, nous laissant croire à notre richesse. Les rires remplissaient notre aire de jeu et avec eux l'impression de dominer le monde, d'avoir le savoir absolu sur nos découvertes. Parfois même, on se suffisait à monter sur le toit branlant de notre charrette, s'asseoir dessus et observer avec fierté notre territoire déjà conquis et établir de nouvelles stratégies d'attaque pour conquérir le reste du territoire qui nous était encore refusé.

Dans ces moments là, pour nous rappeler à la vrai vie, les chariots vides passant lentement devant nous, pareil à un cortège lugubre, annonçant la fin du marché et avec lui, le début de l'après-midi et le signal pour nous de rentrer chez soi.

Inspiré de Le Premier Homme d'Albert Camus

Another Day Où les histoires vivent. Découvrez maintenant