"Quelques secondes volées au temps pour coucher sur papier ces paroles que j'ai toujours voulu dire. Je les chuchotais souvent à la lune, espérant toujours une réponse et ne recevant jamais que l'écho de mes propres mots. Je les disais parfois à vois haute, lors de mes longues promenades en solitaire, et le bruissement des feuilles, si fort à mes oreilles, m'empêchait de continuer cette déclaration muette et soudaine. Elle montait en moi quand je ne m'y attendais pas. Cela pouvait être au milieu de la nuit, et l'insomnie me gagnait alors, ces mots seulement tournant en rond dans ma tête et qui empêchaient mon âme meurtrie de demeurer en paix le temps d'une nuit.
Et d'un coup, tout s'arrête : de vagues odeurs me font oublier tout le reste. C'est un mélange qui finit par n'en former plus qu'une seule et cette odeur ose alors me transporter dans des pays lointains dont on a du mal à revenir, ces contrées qui me retiennent de vivre une vie simple, loin de toi.
J'ai pourtant été jaloux. Mon imagination se perdait dans les méandres de cet étrange sentiment et je te voyais, accompagné par d'autres gentilhommes que tu te complaisais à embrasser et à complimenter. Une colère, rarement exprimée car toujours dissimulée, me gagnait à m'en faire pleurer de douleur. Je me suis souvent retrouvé au milieu de mon appartement, celui-là même dans lequel nous avions été et qui avait été le témoin de nos amours, de nos querelles passagères et de nos douces réconciliations, toujours.
Demain je pars. C'est peut-être alors la dernière fois que je parle pour toi, pour t'exprimer ces choses qui sont en moi depuis trop de temps. J'aurai voulu te dire que je t'aime, mais je sens bien qu'il est trop tard. J'entend presque déjà le cor qui hurle à perdre la tête et le bruit de pas de 150 soldats.
Ils viennent pour moi.
Il y a en ce monde des personnes qui n'ont malheureusement pas droit au bonheur.
Mais je t'ai aimé. C'est tout ce qu'il fallait."
