Lettre 1

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7 mars 1816,

Pilton,


Ma très chère amie,


Mon cœur se serre à l'idée de vous savoir si loin de moi. Comment va la vie à la capitale ? Aussi bruyante que ce que l'on raconte ? J'espère sincèrement que votre voyage s'est bien déroulé, la route est tellement longue.

De mon côté la vie à Pilton est bien moins agréable depuis que vous l'avez quittée. Je suis donc condamnée, pour ne pas mourir d'ennui, à suivre de près les ragots qui s'échangent. A mon grand dam, j'y trouve même parfois un intérêt. N'est-il pas ici la preuve d'à quel point je suis lasse sans vous ? Je vais donc vous tenir au courant des commérages qui circulent en ville. Et je ne vous permet pas de sauter les prochaines lignes.

Savez-vous que la tante de Anne Smid, la fiancé de l'ami de mon frère ainé, John, a fréquenté un peu trop intimement - si vous voyez ce que je veux dire - le boulanger veuf de la rue Sainte-Claude ? En même temps, je comprends qu'elle n'ait pu résister à ses yeux captivant et à sa musculature saillante. Il doit dépasser sa quatrième décennie mais le temps n'a en rien entaché sa prestance. J'entends déjà vos moqueries usuelles, je ne compte pas le séduire, je suis simplement honnête quant à ce que je vois. De plus, la tante de Anne est adorable, elle a toujours eu un mot gentil pour nous, je ne lui volerai jamais son amant. Et puis, vous me connaissez, le jour où vous réussirez à me marier, sera le jour où je cesserai d'exister.

J'ai également entendu de sources dont je n'atteste en rien la véracité, que le seigneur qui possède la demeure de Glastonbury qui est, comme vous le savez, inhabitée depuis toujours, est décédé. Son patrimoine a été séparé entre ses enfants et Glastonbury en fait parti. C'est donc très probable que la demeure soit habitée ! J'aimerais tellement voir de nouveaux visages.

En revanche, pour votre part, vous devez voir de nouveaux visages tous les jours. Je réclame un récit détaillé de votre voyage et de vos premiers jours à Londres. Avez-vous vu le palais de Buckingham ? Les garçons sont-ils aussi séduisants que l'on les vante ? Les rues sont-elles aussi sales ? J'ai un millier et demi de questions à vous poser mais je crains que vous n'ayez pas le temps de répondre à chacune d'elle. Je vais doc m'abstenir pour cette fois.

J'aimerais tellement être à vos côtés, ne serait-ce que pour une journée. Vous me manquez terriblement et cela ne fait que quatre jours que vous n'êtes plus à Pilton. Je pense à vous à chaque instant. Vous devez me promettre de profiter de chaque minute qui s'offre à vous.


Je vous embrasse,

Votre amie, Susan qui se languit de votre retour.


P.S. J'ai croisé votre mère au marché dimanche, elle semblait tiraillée entre l'inquiétude et le plaisir de vous savoir à la capitale. Je vous conseille de lui écrire une lettre, elle n'en sera que plus heureuse.

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